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La sensibilisation : un moyen pour faire appliquer la loi d’interdiction des pratiques d’excision en Mauritanie

L’Association Mauritanienne du Développement de la Promotion des Droits Humains (AMPDH)

Muriel CARRENO

L’excision : une pratique désormais interdite qui perdure

L’excision consiste en l’ablation d’une partie du clitoris et des petites lèvres. En Mauritanie, cette pratique est plus ou moins répandue dans les divers groupes communautaires (Soninké, Halpular, Maure, et Wolof). Elle a lieu le plus souvent au cours de la petite enfance (entre deux semaines et deux ans), au sein du cercle familial, en tant que rite de passage et de reconnaissance de la petite fille dans la société ou comme poids des traditions.

On estime qu’environ 100 à 140 millions de femmes ont subi une excision (principalement en Afrique). Environ deux millions de fillettes sont susceptibles de subir une telle mutilation tous les ans.

Pratiquée dans de nombreux pays, l’excision est prohibée en Mauritanie depuis que le pays a ratifié en 1989 la Convention internationale des droits de l’enfant. Elle est également sanctionnée pénalement par une peine de prison pouvant aller jusqu’à trois ans d’enfermement. Malgré cela, cette pratique perdure.

Afin de lutter et d’éliminer cette pratique traditionnelle qui comporte des risques importants pour la santé (hémorragie, infections pouvant entrainer le décès de la femme, stérilité, etc.), l’Association Mauritanienne du Développement de la Promotion des Droits Humains (AMPDH), organisation non gouvernementale de défense des droits de la femme et de l’enfant reconnue par les autorités mauritaniennes, mène une vaste campagne de sensibilisation auprès des communautés dans des zones ciblées (Elmina, Dar naim, Sebkha, Kosovo, etc.).

L’AMPDH défend au quotidien l’idée selon laquelle aucune violence, même motivée par des considérations socio-culturelles ou religieuses, ne doit être admise.

Pour cela, et dans un souci de tolérance sociale et d’emploi limité de l’autorité, l’ONG insiste sur l’importance capitale de l’éducation, de la formation, de l’information et de la sensibilisation, comme préalables à l’efficacité des mesures d’ordre juridique afin de lutter et d’éliminer les pratiques de mutilations génitales affectant la santé de la femme.

Les femmes et les jeunes-relais : un moyen de diffuser largement les messages

L’AMPDH exerce un travail d’éducation populaire en gérant le tabou social de l’excision par le biais de « femmes-relais » et de « jeunes-relais », chargés de porter le message. Ils jouent en quelque sorte un rôle de médiateurs.

L’AMPDH identifie le plus souvent onze femmes dans un quartier pour être des relais. Celles-ci reçoivent une formation. Il en est de même pour des jeunes des quartiers qui prendront à leur tour le relais pour diffuser l’information. Chaque semaine, ces femmes-relais se déplacent dans différents quartiers pour dialoguer avec les personnes pouvant jouer un rôle dans l’évolution de ces pratiques : chefs de familles, femmes, imams, exciseuses, etc.

Pour faire passer le message, ces femmes et ces jeunes-relais s’appuient sur des chiffres, notamment le nombre de femmes excisées qui meurent. Parfois, au cours des séances de sensibilisation, certaines femmes se lèvent et parlent de leurs problèmes.

Cibler les destinataires des actions de sensibilisation

Les familles

Cette sensibilisation commence au niveau de la famille : les femmes mais aussi les hommes, chefs de famille, pour qu’ils soient informés de la dangerosité de ces pratiques et n’obligent ou n’incitent pas leurs filles à se faire exciser.

Les femmes au sein des coopératives

L’AMPDH œuvre également auprès des femmes dans les coopératives de quartiers pour les sensibiliser au plus près sur les effets pervers des mutilations génitales et les préserver de leur intégrité physique.

Les Imams

Les imams sont des personnes très respectées qui ont une autorité morale sur les populations. L’AMPDH a donc décidé d’aller vers eux, pour qu’ils relaient les messages sur l’excision, expliquent qu’il ne s’agit pas d’une pratique religieuse car elle ne figure pas dans le Coran, qu’il s’agit d’une croyance mal fondée.

Beaucoup de personnes pensent par exemple que les femmes qui ne sont pas excisées ne doivent pas prier. L’AMPDH a alors recours aux imams pour que les femmes comprennent qu’il n’existe aucun livre coranique les obligeant à être excisées. Cette sensibilisation par les imams débute par un petit discours avant la prière.

Pour l’une des femmes interrogées lors d’une intervention de l’association, il est clair que l’excision n’est pas d’origine islamique. Mais elle donne lieu à une fête que les jeunes filles attendent. Elles rêvent de se faire exciser pour être les reines pendant une semaine. Il est donc encore plus difficile de les sensibiliser car elles se sentent privées de fête si l’excision n’a pas lieu.

L’objectif du travail aux côtés des imams est également que l’interdiction de l’excision soit défendue par les hommes. La Mauritanie est une société patriarcale. Les hommes, en tant que chefs de famille, ont une position sociale dominante. Ce sont donc les hommes qu’il faut convaincre en priorité afin qu’ils n’imposent pas à leurs épouses l’excision de leurs filles. Les imams doivent donc expliquer que l’excision est un « péché » afin qu’ils sachent qu’ils pourraient être punis pour ce pêché.

En attendant que les politiques interviennent pour prendre des mesures pour faire respecter la loi, le travail avec les imams doit être privilégié.

Le personnel médical

D’autres actions sont entreprises auprès du personnel médical pour qu’il ne participe plus à ces mutilations. En effet, certaines excisions se pratiquent en milieu médical. Par ailleurs, la législation mauritanienne fait obligation aux soignants de dénoncer toute agression sexuelle sur mineur. Les médecins sont tenus au signalement de cas de mutilations génitales féminines. En dépit de cette législation, les signalements restent quasiment inexistants. La préservation et la défense de l’intégrité physique des femmes, de leur santé et leur liberté est en jeu.

L’enjeu économique des pratiques d’excision

L’AMPDH intervient bien entendu également auprès des exciseuses pour les sensibiliser au fait qu’elles peuvent être responsables de graves maladies, voire même du décès des femmes qu’elles opèrent. Les exciseuses affirment elles-mêmes qu’elles ont diminué leurs pratiques.

En Mauritanie, l’excision est aussi une activité économique. Si l’on souhaite que les exciseuses cessent leurs pratiques, il faut les aider à se reconvertir dans d’autres métiers. L’AMPDH tente de les persuader d’arrêter cette activité qui est parfois leur unique source de revenus. Qui plus est, les exciseuses forment quasiment une caste. Elles se transmettent leur savoir de mère en fille et ont une position sociale symbolique de conseillère.

L’évolution des mentalités et la prise de conscience des personnes concernées est nécessaire pour permettre à cette pratique ancestrale que représente l’excision d’être éradiquée. Un important travail reste donc à fournir par l’AMPDH en matière d’éducation et de sensibilisation face aux risques que représentent les mutilations génitales. Une certaine remise en cause des pratiques traditionnelles est pour cela inévitable.

Mots-clés

droits des femmes, respect des droits humains, santé, culture traditionnelle, tradition, éducation populaire, sensibilisation au droit


, Mauritanie

dossier

Participation : comment les populations deviennent actrices de droit(s)

Notes

Contact : Association Mauritanienne du Développement de la Promotion des Droits Humains / BP 5012 Nouakchott Mauritanie / www.amdh.org

Source

Texte original

Juristes Solidarités - Espace Comme vous Emoi, 5 rue de la Révolution, 93100 Montreuil, FRANCE - Tél. : 33 (0)1 48 51 39 91 - France - www.agirledroit.org/fr - jur-sol (@) globenet.org

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