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Agriculture, alimentation et petits paysans en Inde

Une vue d’ensemble

Centre for Education and Documentation

07 / 2009

Étendue de la petite agriculture en Inde

Les petits paysans, qui détiennent moins de 2 hectares de terres, représentent près de 80 % des paysans indiens. Plus de 90 % d’entre eux dépendent des pluies pour leurs récoltes.

En termes de surface agricole utile, qui inclut les terres possédées par le paysan, les terres en bail et hypothéquées et toute terre cultivée de manière légale ou non, seuls 1,6 % des paysans se situent dans la catégorie des grands exploitants, avec des propriétés de 18 hectares en moyenne, contrôlant 17 % des terres cultivées. Au Penjab, considéré comme le « grenier de l’Inde », les grands exploitants représentent seulement 6 % des paysans mais occupent 27 % des terres agricoles, avec une taille moyenne des exploitations de 16 hectares.

Du point de vue de la propriété, le tableau est pire. Environ 70 % des propriétaires du Penjab possèdent moins de 2 hectares, ce chiffre s’élève à 80 % sur toute l’Inde. Cette petite propriété se multiplie chaque année en raison du partage de la terre entre les héritiers, la famille et d’autres modes de transfert de droits. Cette disparité entre la surface des terres possédées et la surface agricole utile indique que les paysans les plus riches acquièrent les terres des petits paysans à bail.

Avec les technologies de la Révolution verte, les coûts de production et les risques de mauvaise récolte sont tellement élevés que bien souvent les paysans ne rentrent plus dans leurs frais. Entre 1990-91 et 1995-96, le coût des engrais chimiques a augmenté de 113 % et celui des pesticides de 90 %, alors que le prix de vente en gros du blé n’a augmenté que de 58 %. Les prix minima de soutien pour toutes les denrées, à l’exception du sucre, étaient de 38 à 50 % inférieurs au coût réel de production. Malgré les centaines de millions de roupies dépensées sur les engrais et autres intrants, les paysans sont de plus en plus endettés et désespérés.

Le cas du Penjab

Les petits paysans du Penjab, qui forment une majorité, sont les plus endettés, incapables de survivre parmi les réformes économiques libérales destinées aux grands exploitants et à l’agro-industrie transnationale.

Le Rapport sur le développement humain 2004 du Penjab indique que le nombre total de cultivateurs au Penjab (paysans travaillant sur leurs propres terres) a diminué parallèlement à l’augmentation du nombre de travailleurs agricoles (paysans sans terres ou endettés) de 1970-71 à 1995-96. La plupart de ces travailleurs sont « profondément endettés auprès des propriétaires terriens et des prêteurs ». Par exemple, les travailleurs agricoles de la région de Malwa, la « première ceinture agricole » de l’Etat, ne travaillent qu’entre 70 et 160 jours, c’est-à-dire pendant la saison des récoltes. Ils empruntent donc auprès de leur employeur et à des taux d’intérêt élevés (souvent plus de 30 %) de quoi survivre le reste de l’année. Quand ces emprunts commencent à se cumuler au point de ne plus pouvoir être remboursés, les travailleurs se trouvent vite pris dans l’inéluctable « piège de la dette ».

Mais aujourd’hui encore au Penjab, un nombre important de cultivateurs travaillent sur de petites surfaces. D’après le recensement agricole de 1996, il y avait près de 400.000 exploitations de 2 hectares ou moins. Malgré ce chiffre important, l’économie agricole actuelle est tellement tournée vers les gros producteurs que ces petits paysans n’ont pratiquement aucune possibilité de crédit auprès des banques conventionnelles, laissant des agents non officiels prendre leur place. Les forts taux d’intérêt qu’ils pratiquent, combinés aux faibles revenus annuels des petits paysans, ont créé un autre piège de la dette aussi vicieux que celui des travailleurs agricoles. D’après une étude récente, 70 % des petits paysans du Penjab étaient incapables de rembourser leurs emprunts même à court terme, les laissant avec une dette de près de 4.700 roupies par hectare. Une fois pris dans ce piège, il n’y a guère d’autre alternative pour le petit paysan que de vendre ou hypothéquer sa terre, un pas « extrême » franchi par près de 14 % des petits paysans, parfois par villages entiers.

L’exemple du Penjab montre clairement l’échec de l’économie de marché qui promettait que les pertes d’emploi dans le secteur de l’agriculture seraient compensées par des créations d’emploi dans les autres secteurs de l’industrie et des services. Au Penjab, le mouvement vers des exploitations de plus en plus grandes a été synonyme d’« un double processus de paupérisation et de prolétarisation » pour les petits paysans, et non de nouvelles opportunités économiques.

La crise alimentaire

La crise alimentaire réside fondamentalement dans le fait qu’en l’Inde, malgré une croissance de 8,5 %, une personne sur cinq souffre de la faim : 320 millions d’Indiens vivent dans l’insécurité alimentaire chronique. Cette situation est particulièrement grave dans les communautés les plus vulnérables. Ainsi, 99 % des foyers tribaux (adivasi) du Rajasthan et du Jharkhand souffrent de faim chronique. Une étude menée auprès de 500 foyers adivasi au Rajasthan montre qu’aucun ne parvient à assurer deux repas complets par jour tout au long de l’année. Les enfants sont les plus vulnérables : 50 % des enfants souffrent de malnutrition ont de sous-nutrition, d’après l’étude nationale sur la santé familiale. Au Maharashtra, 2.814 enfants sont décédés de malnutrition entre janvier et juillet 2005.

La consommation alimentaire a décliné de 12 % entre 1990 et 2001 alors que les greniers de l’Inde débordent et que la production de céréales augmente. Entre 1990 et 1992, les années de réforme libérale, la pauvreté rurale est passée de 33 à 44 %. La tragédie réside dans le fait que la plupart des 700 millions de personnes employées dans l’agriculture n’ont plus les moyens d’acheter les aliments qu’ils contribuent à produire.

Ce problème n’est pas propre à l’Inde. Au niveau international également, alors que la situation critique des paysans et de leurs communautés s’aggrave, nombreux sont ceux dans l’agro-business qui touchent les bénéfices de la crise. Les pays pauvres qui ont abandonné leurs systèmes agricoles, mis fin à la production céréalière et sont devenus dépendants des importations alimentaires sont extrêmement vulnérables aux chocs dans le prix des denrées. Cela est d’autant plus vrai pour les pays qui manquent de liquidité pour payer leurs importations. Les pays qui n’ont pas de système de protection sociale efficace ni de réserves stratégiques de denrées permettant de réduire l’impact des chocs, sont encore plus exposés.

Les prix des denrées de base ont vu une augmentation de 30 à 150 % entre 2007 et 2008. Les pays souffrant de la crise alimentaire se sont vus promettre 12,3 milliards de dollars à la conférence de Rome de la FAO en juin 2008, loin derrière les estimations de l’ONU s’élevant à 25-40 milliards.

Les ONG soutiennent qu’une nouvelle approche est nécessaire car la plupart des pays en développement vont probablement devenir de plus en plus vulnérables aux chocs des cours en raison du changement climatique et de sa combinaison d’élévation de la température, de catastrophes naturelles, et de précipitations erratiques.

Les prix des denrées, bas ou élevés, ressemblent à une épée à double tranchant : ils touchent soit le producteur, soit le consommateur. Ce faux dilemme par rapport à quel groupe soutenir (en pratique les gouvernements choisissent souvent les urbains) peut être résolu à travers des politiques et des interventions sur le marché qui permettent aux consommateurs pauvres et aux producteurs de gérer les périodes de fluctuation des prix.

Enjeux internationaux

Alors que la première décennie de ce millénaire touche à sa fin, nous sommes aux prises avec une crise économique déclenchée par la crise des subprimes aux Etats-Unis. Bien que ce soit une crise d’abord financière, ses impacts sur le système alimentaire seront certainement irréversibles. Ils ont commencé dès la fin du dernier millénaire, alors que l’économie mondiale semblait en plein boom et optimiste. De nombreux pays ont été attirés dans le piège de la globalisation de leur économie alimentaire et poussés à changer le régime de l’OMC (Organisation mondiale du commerce) des échanges alimentaires.

Vandana Ramprasas, de la Green Foundation, parle de la dualité dans la production et l’économie alimentaires liée à une décennie d’économie globalisée uniformément. Les aliments produits industriellement et peu coûteux, principalement dans les pays développés mais de plus en plus dans les poches riches des pays dits émergents, ont des conséquences néfastes sur la santé, alors que les riches ont la possibilité de s’offrir des produits sains, dits organiques, au prix fort. Cela comprend les consommateurs aisés des économies à forte croissance d’Asie, en particulier l’Inde et la Chine, qui importent du monde entier des aliments variés.

Quel avenir pour les petits paysans ?

Cette évolution a des conséquences directes sur les petits paysans qui paient les frais du déclin global des prix et de la compétition inégale et sont contraints d’abandonner leur ferme et de trouver refuge dans les grandes villes à la recherche d’un emploi. La production et la transformation des aliments étant gouvernés par les économies d’échelle, la petite paysannerie est considérée comme non viable. Dans un pays comme l’Inde cela représente 50 % de la population.

La majorité de ces paysans sont des petits paysans et des travailleurs agricoles. Ils sont passés d’une situation où ils étaient payés en nature dans le cadre d’une économie de subsistance qui leur fournissait une part substantielle de leur nutrition et diverses formes de revenus et d’aliments dans une économie rurale complexe, à un régime moderne qui les aliène et les plonge dans la misère. Bien souvent un tel passage a été facilité par des programmes dits « anti-pauvreté » ou de sécurité alimentaire, tels que le programme du kilo de riz à 2 roupies, où les petits paysans ont été attirés dans la production moderne de cultures commerciales qui leur permettaient d’avoir accès aux aides alimentaires. Parallèlement, les cultures résistantes des pauvres tels que le millet ont été découragées en faveur des cultures principales que sont le riz, le blé ou les cultures commerciales tels le coton ou les fleurs.

A côté de l’aide immédiate nécessaire dans les régions en crise, à travers l’annulation des dettes/intérêts et des prix de soutien minimum adéquat pour les produits agricoles, il y a un besoin urgent d’une promotion planifiée et rigoureuse de systèmes agricoles durables, à bas coût, à faible risque, à forte teneur nutritionnelle et holistique afin de revigorer l’agriculture indienne et endiguer la marée montante de l’endettement, de la détresse et des suicides paysans.

Un nombre croissant de paysans font l’expérience de systèmes agricoles holistiques, fondés sur des techniques scientifiquement éprouvées, comme remèdes efficaces aux crises économiques et écologiques créées par les technologies de la révolution verte. L’agriculture holistique repose sur les ressources naturelles disponibles et restaure le capital écologique dont dépend toute agriculture. Elle réduit également fortement ou élimine complètement la dépendance des paysans par rapport à l’achat d’intrants externes coûteux, tels que les semences, les engrais, les pesticides et herbicides.

L’agriculture holistique doit être adoptée à grande échelle en particulier pour les productions pluviales et pour l’horticulture, qui couvrent au moins 60 % des terres cultivées en Inde, sans crainte de baisse de production. En fonction de l’étendue des dommages causés par les monocultures intensives en produits chimiques, il y a une baisse de la productivité pendant la phase de transition si les intrants biologiques appropriés ne sont pas disponibles. Mais au bout de 2 à 3 ans le système est également voire plus productif que les autres systèmes et sur le chemin d’une croissance durable et en constante amélioration. Les rapports de la FAO et de l’ICRISAT ont internationalement et scientifiquement validé cette méthode.

Mots-clés

agriculteur, agriculture, agriculture durable, agriculture et alimentation, agriculture paysanne


, Inde

dossier

L’agriculture paysanne en Inde

Notes

Lire l’original en anglais : Agriculture, Food and Small Farmer in India

Traduction: Valérie FERNANDO

Source

Texte original

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