09 / 2005
Les scénarios analysés nous apprennent tout d’abord que les stratégies de maîtrise de l’énergie et de production décentralisée, en permettant de limiter les besoins d’électricité et de ne pas renouveler le parc nucléaire en fin de vie (2045), (qui ne sont pas neutres sur le plan énergétique et induisent bien sûr d’autres types d’efforts en particulier une politique sérieuse de sobriété et d’efficacité électrique), conduisent à des bilans de matières nucléaires dangereuses beaucoup plus faibles et surtout beaucoup plus tôt (entre 2050 et 2080) que les stratégies de poursuite, qui supposent, quelles que soient les technologies utilisées, une très grande pérennité (plus d’un siècle) pour atteindre la même efficacité.
En cas de poursuite…
Le scénario de poursuite d’une prédominance nucléaire fondée sur un parc tout EPR [➊] impose le maintien du retraitement pendant toute la période. Même si elle est gérée dans des conditions optimales, cette stratégie impose la gestion de stocks d’actinides mineurs, de produits de fission, et de MOX irradié en rapide croissance sur la période comme le montre le tableau ci-dessous. Cette accumulation de stocks croissants accompagne une extension de l’industrie du retraitement et des multiples risques spécifiques qui lui sont associés (voir fiche L’option française du « retraitement-recyclage »). Elle génère des quantités importantes d’uranium de retraitement à entreposer (11000 t en 2004, plus de 40000 t en 2050, probablement plus de 80000 t en 2110) en attendant son usage éventuel. Par ailleurs, la sécurisation des stocks de produits de fission et d’actinides mineurs extraits du combustible irradié impose leur vitrification rapide et leur stockage définitif (quels qu’en soient les risques), ce qui est tout à fait antinomique avec l’espoir de leur transmutation éventuelle à long terme.
Bilans matières des scénarios de poursuite nucléaire
Le scénario qui substitue une partie des EPR par des RNR réalisant la transmutation [➋] apporte à l’horizon du siècle un gain majeur sur le MOX (stocks finaux divisés par huit), un gain appréciable sur les actinides (division par deux) et nettement plus modeste sur les produits de fission (baisse de 20 %). Mais il soulève une série de questions.
La réussite scientifique, technique, industrielle et économique, dans les délais, de la séparation-transmutation est un pari qui implique la possibilité d’un échec qui pourrait créer une situation plus difficile encore que celle du scénario précédent.
La mise en place d’un « multirecyclage » et d’un parc RNR à l’échelle industrielle visée engendre des risques dont la maîtrise devient très difficile.
Enfin, si le déploiement à partir de 2040 d’une industrie de séparation-transmutation s’appuie sur la poursuite d’ici là du retraitement, la prévention implique la vitrification des actinides mineurs (et produits de fission) ainsi générés, les soustrayant par là même à une future incinération puisqu’on considère aujourd’hui comme impraticable la reprise ultérieure des matières contenues dans les verres des colis.
Et en cas de non renouvellement du parc actuel ?
Les trois options de non renouvellement du parc actuel en fin de vie se distinguent par des gestions très différentes de l’héritage de matières issues de ce parc. Le tableau suivant en rappelle les conséquences en termes de bilan final, autour de 2045 ou de 2075 selon les cas.
Bilans matières en fin du parc actuel dans les scénarios de non renouvellement du parc
La première option [➃] articule à deux horizons de temps des décisions incohérentes entre elles, consistant à accumuler des matières valorisables (poursuite du retraitement) pour renoncer ensuite à les valoriser (non renouvellement lorsque cette échéance se présentera). Elle prolonge les risques associés au retraitement, sans en tirer de bénéfice ; au contraire elle augmente considérablement les masses de MOX irradié à gérer.
L’option d’arrêt du retraitement [➅],est plus cohérente. Elle réduit les risques avec la fermeture dès 2010 des usines de l’industrie du plutonium et l’arrêt des transports associés. Elle implique en revanche de consentir au futur stockage, réversible ou non, à la fois des matières et déchets hérités du retraitement (combustibles MOX en quantités importantes, déchets vitrifiés) et des combustibles UOX soustraits au retraitement. Elle suppose également une reprise, sans valorisation, des stocks d’uranium de retraitement et surtout de plutonium séparé subsistant en 2010.
La troisième option, plus audacieuse, consiste à faire le pari d’une réduction des matières issues du retraitement au-delà de la fin de vie du parc actuel dans un parc de réacteurs dédiés, de type HTR [➄]. Elle présente l’avantage de faire tomber l’inventaire final de MOX irradié et de plutonium et d’actinides mineurs à des valeurs très faibles. De plus le combustible usé des HTR est particulièrement stable et ne suppose probablement pas d’opération supplémentaire avant stockage. Mais cette option suppose la pérennisation des opérations de retraitement pendant encore 60 ou 70 ans, avec les risques que cela comporte, et la mise en route et l’exploitation d’une petite série de HTR.
Les trois options décrites ci-dessus présentent également, en termes de gestion, quelques caractéristiques communes. Elles font l’économie du développement incertain de la séparation-transmutation et déplacent le choix entre stockage réversible ou non, de considérations sur la possibilité de reprises des déchets vers des critères de confiance à très long terme sur la fiabilité du confinement. Enfin, elles présentent l’intérêt majeur de fixer dès aujourd’hui (à des niveaux divers) la quantité de déchets ultimes, alors qu’elle ne peut l’être dans aucun cas pour les scénarios de poursuite du nucléaire.
déchet nucléaire, énergie nucléaire, production d’énergie
, France
Les déchets nucléaires (HS Global Chance, septembre 2005)
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