11 / 2007
Alors que le Traité de Rome de 1957 ne traitait pas de questions environnementales, le sommet de Paris en octobre 1972 a initié la lutte contre la pollution au plan communautaire. La protection des eaux en a représenté un thème important et c’est ainsi que l’Europe a commencé à travailler sur des questions liées au secteur de l’eau. Son approche s’est tout d’abord concentrée sur la protection des eaux utilisées par l’Homme : directives européennes sur la qualité des eaux destinées à la production d’eau potable, sur la qualité des eaux de baignade, sur la pollution des eaux souterraines par des substances dangereuses, etc. La protection de l’environnement est juridiquement introduite dans les traités avec l’Acte unique européen de 1986. Puis le Traité de Maastricht fait état de l’objectif de « parvenir à un développement équilibré et durable ».
Ainsi, bien que l’Union n’ait pas de prérogatives directes en matière de modes de gestion du secteur de l’eau, elle prend par contre, depuis une trentaine d’années, des mesures relatives à la protection de l’environnement et à la santé publique. Des directives européennes sont venues établir des normes de qualité de l’eau et de prévention de la pollution, par exemple les directives relatives aux eaux résiduaires urbaines ou à la réduction de la pollution par les nitrates d’origine agricole. C’est donc par le biais de l’environnement, puis de la santé publique, que se concrétise une politique communautaire relative au secteur de l’eau (le site Internet de l’Union dédié à l’eau fait d’ailleurs partie de la rubrique « environnement »).
Le 23 octobre 2000, une Directive-cadre dans le domaine de l’eau (1) a été adoptée par le Conseil et le Parlement européen. Toujours dans l’objectif de réduire la pollution et de favoriser l’utilisation durable de l’eau, l’Union européenne organise ainsi la gestion des eaux de surface, souterraines, de transition (estuaires) et côtières. La Directive fixe aux Etats membres des mesures en terme d’identification et d’analyse des eaux dans leurs bassins respectifs. Elle demande aux Etats membres d’adopter, sous certains délais, des mesures de gestion, de protection et de tarification de l’eau. Après le recensement des bassins versants (portions de territoire dont toutes les eaux alimentent un même point, un cours d’eau ou un lac par exemple), les Etats membres sont invités à adopter un système de gestion intégrée des ressources en eau, c’est-à-dire qui prenne en compte l’ensemble des activités, naturelles et humaines, au sein du bassin versant. C’est donc dans ce cadre que se feront notamment des analyses de l’impact des activités humaines sur les eaux et une analyse économique de leur utilisation. L’objectif principal de la directive est d’arriver à un « bon état » des eaux de surface et souterraines dans les quinze années suivant son entrée en vigueur, soit en 2015.
Comme le souligne un considérant de la Directive-cadre, « l’approvisionnement en eau constitue un service d’intérêt général tel que défini dans la communication de la Commission intitulée « Les services d’intérêt général en Europe » ». Pourtant, la distinction entre services économiques et non économiques étant de plus en plus floue et compte tenu des définitions actuelles, le secteur de l’eau et de l’assainissement relève de la catégorie des SIEG. Le premier considérant de cette directive affirme que « l’eau n’est pas un bien marchand comme les autres mais un patrimoine qu’il faut protéger, défendre et traiter comme tel ». Paradoxalement, cette même directive fixe notamment l’objectif de recouvrement de l’ensemble des coûts par les divers usagers du service (article 9 sur la tarification).
La Charte européenne des ressources en eau, adoptée par le Comité des ministres du Conseil de l’Europe en 2001, a reconnu le « droit à disposer d’une quantité d’eau suffisante pour satisfaire [les] besoins essentiels » de chaque personne. Et bien d’autres initiatives, institutionnelles (ONU en particulier) ou de la société civile (Forum mondial alternatif de l’eau par exemple) vont dans ce sens. Malgré la notion de patrimoine commun ou de bien public essentiel, malgré la rareté de la ressource et son aspect vital, un véritable droit européen à l’eau n’est pas encore garanti, pas plus qu’au niveau mondial.
Contrairement à d’autres secteurs -tels les communications, les transports, l’énergie, le service postal- l’Union européenne n’a pas mené, jusqu’à présent, de politique de libéralisation des services de distribution d’eau. Ceci peut notamment s’expliquer par la spécificité locale du service, la responsabilité des autorités locales en la matière dans la plupart des pays européens (sauf la Grande-Bretagne) et le fait qu’il y ait peu de transport sur longue distance de l’eau et donc pas d’enjeux en terme d’interconnexion entre les réseaux. Pourtant, tout en restant prudentes, certaines déclarations ces dernières années tendent à montrer que la Commission souhaite évaluer les diverses situations juridiques et administratives relatives à la gestion de l’eau dans les pays de l’Union, notamment les aspects concurrentiels. Les résultats d’une évaluation sur le secteur de l’eau, annoncée par la Commission européenne dans le Livre blanc sur les services d’intérêt général de 2004, ont pris beaucoup de retard dans leur publication, sans doute du fait des multiples débats et enjeux autour de ce bien spécifique qu’est l’eau. Beaucoup de parties prenantes sont attachées au respect du principe de subsidiarité et les grands groupes multinationaux ne réclament pas, contrairement à d’autres secteurs, une libéralisation généralisée, préférant agir au cas par cas. De plus, les vertus de la concurrence pour cette ressource particulière font douter plus d’un acteur et la prise en compte d’aspects purement économiques et financiers est dénoncée par la plupart d’entre eux. Toutefois, il existe un profond paradoxe : l’eau est une ressource vitale et rare mais, en même temps, elle est source de profits faramineux pour certains. Bien que l’Union européenne n’ait pas entamé de processus de libéralisation du secteur de l’eau, une évolution de sa politique en la matière ne doit pas être écartée.
politique de l’eau, service public, législation, gestion des ressources naturelles
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Services publics et Europe : approches nationales et enjeux communautaires
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