En cherchant à promouvoir le développement durable dans des entreprises déjà réceptives à ce concept, Actares, association d’actionnaires responsables, invente un mode de lobbying fondé sur la recherche du consensus
12 / 2001
Tout citoyen suisse est actionnaire, tout citoyen suisse a donc la capacité de peser sur les politiques environnementales et sociales des entreprises. Ce constat simple est à l’origine de l’engagement des membres de l’association Actares (actionnariat pour une économie durable). Alors que le régime de retraite général fonctionne par répartition (un fonds de cotisation salarial et patronal alimenté par la population active est redistribué aux retraités), la retraite complémentaire helvétique est financée par la rémunération de contributions placées dans des fonds de pensions. Ces fonds étant alimentés par des placements financiers en Bourse à fort rendement, toute personne cotisant à la retraite complémentaire (cotisation sur tout salaire supérieur à 2 000 francs suisses) peut se prévaloir de sa qualité d’actionnaire. A chacun, bien sûr, de prendre connaissance de la répartition du portefeuille géré par son organisme de retraite complémentaire.
Si la base de mobilisation d’Actares est large, l’association ne comprend que vingt membres lorsque, en avril 2000, elle envoie une lettre au conseil d’administration de Schindler (fabricant d’ascenseurs et escaliers mécaniques), lui disant en substance : Actares connaît les efforts réalisés par Schindler en matière environnementale, nous souhaiterions obtenir un rapport circonstancié à ce sujet. L’objectif de l’association n’est donc pas de mettre en porte-à-faux des entreprises peu investies dans une politique de protection de l’environnement, mais plutôt de créer un dialogue constructif avec celles auprès desquelles il semble possible de faire avancer la notion de développement durable aux niveaux écologique, social et économique. Schindler SA a donc été contactée dès le début de l’existence de l’association (créée en mars 2000), par l’intermédiaire d’un de ses membres, actionnaire de la société. Malgré la jeunesse de son interlocuteur, le président du conseil d’administration lui a répondu en personne qu’un document serait produit. Et en avril 2001, au moment de l’assemblée générale de l’entreprise, le rapport d’activité comprenait un chapitre sur l’impact environnemental de l’utilisation des produits. Schindler SA y déclare avoir évolué vers l’utilisation de matériaux plus légers afin de réduire la consommation d’énergie, et avoir découvert des possibilités de recyclage des produits arrivés en fin de vie. Toutefois, en dépit de la richesse et de l’intérêt des données transmises, rien n’apparaît, par exemple, sur les conditions de production. Actares demande alors davantage d’informations et la société répond à une nouvelle batterie de questions en octobre 2001. Les membres de l’association en dépouillent le contenu à l’heure de la rédaction de cette fiche. Côté engagements, Schindler SA publiera un nouveau rapport environnemental dans cinq ans, en 2006. Actares y voit l’un des intérêts de son action : concrétiser, sur le long terme, le souci de développement durable des entreprises, par le biais de la publication renouvelée de données chiffrées permettant une évaluation.
Encouragée par son dialogue avec Schindler SA, Actares souhaite pousser les entreprises à publier des rapports spécifiques sur les questions de développement durable (plutôt que de les intégrer à leur rapport d’activité), pour les obliger à donner un certain degré de visibilité à leur action environnementale. Beaucoup de sociétés ont déjà signé des chartes, mais encore faut-il s’assurer que ces intentions seront suivies d’effets. Le rapport que demande Actares est constitué de quatre parties (selon un standard établi par un Centre d’information de Fribourg) :
1. Déclaration de principes,
2. Moyens de gestion : qui, dans l’entreprise, est chargé du suivi du développement durable (équipe spécifique, membres du conseil d’administration, etc.),
3. Objectifs concernant les moyens de production,
4. Objectifs concernant l’usage et le recyclage des produits.
Actares sait que le développement durable et la rédaction de tels rapports coûte cher aux entreprises (mis à part, sans doute, aux plus grandes, comme les banques, qui ne subiraient qu’un coût proportionnellement dérisoire). Ces dernières trouvent cependant un véritable intérêt dans cette démarche. C’est, en effet, un moyen d’intéresser les fonds de pensions éthiques, ces caisses de retraite alternatives exigeantes. Enfin, favoriser la dynamique des fonds éthiques et écologiques, c’est favoriser la dynamique générale du développement durable. Actares a entamé un dialogue avec près d’une dizaine d’entreprises depuis sa création. Toutefois, à l’avenir se pose le problème du développement d’une expertise permettant le contrôle et la vérification des données publiées par les sociétés. Il s’agit là pour Actares d’accroître ses moyens financiers et ses capacités de communication. Ces questionnements sont en cours au sein de l’association.
accionariado responsable, impacto ambiental, método pedagógico, concertación
, Suiza
Actares se différencie des autres associations d’actionnaires responsables du fait de sa méthode de travail, qui privilégie le dialogue par rapport à la dénonciation de pratiques peu soucieuses de l’environnement ou des relations sociales. Sophie de Rivaz ne conteste pas que ce parti-pris révèle un trait sociologique de la Suisse. Ce contexte helvétique pris en compte, Actares a sûrement les moyens de développer des résultats positifs, ce qui n’est peut-être pas le cas dans tous les pays du Nord.
ACTARES, Actionnariat pour une économie durable. Contact : Sophie De Rivaz, secrétaire exécutive d’Actares - CP 171, 1211 Genève 20 Suisse (secrétariat romand) / Solothurnerstr. 107, 4600 Olten Suisse (antenne alémanique) - Tél. : (022) 733 35 60 - Fax : (022) 733 35 80 - secrétariat@actares.ch - www.actares.ch
Fiche rédigée dans le cadre de l’Assemblée Mondiale des Citoyens, Lille, décembre 2001.
Entretien avec DE RIVAZ, Sophie
Entrevista