08 / 1993
Deux sortes de dialogue animent la capitalisation de l’expérience. L’un est intérieur, avec soi-même et en équipe si tel est le cas. L’autre est extérieur, avec le public, avec cet autre avec qui l’on souhaite partager et entrer à l’échange et à l’élaboration collective.
Tous deux s’accompagnent : le dialogue avec l’extérieur est une occasion et une exigence pour élaborer, pour ne pas se bercer de formules vides, pour approfondir; le dialogue intérieur l’est également car les faits et les sentiments sont bien là pour réfléchir l’expérience et pour obliger à la reprendre.
Tous deux sont un défi à la méthode de travail car il s’agit de dialoguer pour confronter et donc pour dépasser certaines apparences, et en même temps pour apprendre ce qui peut être utile à partager et comment le faire.
Alors, partir de soi ? partir de l’autre ? par où commencer ?
Par l’envie ! Par ce que chacun désire le plus.
Bien sûr, à mon avis il serait sans doute préférable de commencer par exprimer ce que l’on a et ce que l’on croit, toute sa subjectivité, avant d’entrer à des consultations de faits, de dates, etc. : il s’agit là d’un matériel utile pour des confrontations postérieures entre le souvenir et sa subjectivité d’un côté et certains éléments objectifs de l’autre. Mais j’ai également pu constater qu’insister sur ce point pouvait bloquer et frustrer quand ce n’était pas encore ressenti ni comme un besoin personnel ni comme quelque chose d’utile.
Commencer par l’envie, oui. Le terrain a en général peu d’expérience de ce genre d’élaboration. Il existe suffisamment d’occasions pour le découragement car ce n’est pas facile. Mieux vaut ne pas exiger dès l’abord quelque chose d’apparemment incompréhensible ou inutile.
En fait, même si l’on commence par la tentative de dialogue avec le public extérieur en essayant de présenter ce que l’on croit être les acquis de l’expérience, il arrive toujours un moment où surgit la nécessité de reprendre l’expérience personnelle et de l’approfondir.
Dans le pire des cas cela se passe au moment d’entrer à la diffusion quand le responsable de celle-ci, un éditeur par exemple, répond qu’il y a trop d’incohérences ou que les apports promis ne sont pas compréhensibles ou insuffisants pour justifier la publication.
Dans le meilleur des cas, ce moment arrive parce que l’on cherche vraiment à dialoguer avec son public et que l’on essaie de voir ce qui peut l’intéresser et pourquoi, ce qui peut lui être utile et de quelle manière.
Et dès que l’on met le pied dans l’engrenage, on découvre d’autres possibilités de réfléchir et de comprendre, pour soi d’abord car le nouveau regard remet en cause bien des évidences supposées. C’est là la reconstruction personnelle qu’apportent l’expérience et ses défis: si elle ne s’est pas faite lors de l’action , elle se produit lors de sa capitalisation.
Et de toutes façons celle-ci offre toujours un nouvel éclairage: celui de ce public, de cet autre avec qui l’on voudrait dialoguer, mettre en commun, partager.
De la reconstruction personnelle au dialogue avec un public ? Il ne s’agit pas d’un schéma linéaire. On passe de l’un à l’autre. Mais le dialogue avec le public élargi est un stimulant de l’ensemble de la capitalisation, c’est vers lui que l’on tend, c’est grâce à lui que l’on dépasse la simple autoévaluation, l’autoformation, etc. C’est l’envie de prendre part à une construction d’ensemble qui catalyse la reconstruction personnelle.
metodología, capitalización de la experiencia
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Il n’est pas évident de jouer à tant de dialogues tout seul dans sa tête. D’où l’avantage d’une capitalisation en équipe avec ses débats multiples. D’où l’intérêt aussi parfois d’appuis spécialisés, aussi bien pour reprendre le dialogue avec soi-même sur le vécu personnel que pour mieux sentir les possibilités, les intérêts et les exigences du dialogue avec un public.
Fiche traduite en espagnol : « Capitalización: De la reconstrucción personal al diálogo con un público »
Ce dossier est également disponible sur le site de Pierre de Zutter : p-zutter.net
Version en espagnol du dossier : Historias, saberes y gentes - de la experiencia al conocimiento