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Paraguay 1993 : quelle écriture pour mieux diffuser la capitalisation ?

Pierre DE ZUTTER

04 / 1993

Fin décembre 1992: après avoir révisé toute l’information sur le Projet Planification de l’Utilisation de la Terre au Paraguay, il me faut décider quel genre de livre faire pour ce bilan-capitalisation de l’expérience du Projet. Que dire et comment? Ces questions sont liées: dans les deux cas il faut choisir en fonction du lecteur.

Première phase: rechercher les grands axes au sein des multiples notes accumulées. Il n’y a pas de faits majeurs autour desquels construire la présentation. Mais les évolutions vécues peuvent s’articuler sur trois questions classiques: qui, quoi et comment. Ce seront les parties du livre: 1. Evolutions quant au rôle du projet (des solutions à l’accompagnement); 2. Evolutions quant à l’approche et à la méthode (de la planification centrale à la diversité des acteurs); 3. Evolutions quant aux contenus de l’action (de la foresterie au développement durable).

Les premiers essais d’écriture démontrent tout de suite qu’il est sans cesse nécessaire de reposer le contexte pour que les faits et leurs leçons soient profitables mais que cela nuit à l’agilité du récit et des réflexions. Comment en faire part d’une manière qui soit lisible, attrayante? Un petit conte? Par chance, de l’idée à sa concrétion il n’a fallu que quelques heures: cela n’est jamais devenu un pensum. Les éléments manquants viendront en réserve dans une chronologie.

Quel style pour l’ensemble de l’ouvrage? Cela m’arrive rarement mais j’ai commencé par l’introduction pour intérioriser mon propos et pouvoir ensuite laisser couler les chapitres sans trop avoir à réfléchir sur le pourquoi et le comment.

Le style de la première partie est venu tout seul, inspiré dans une certaine mesure d’une expérience préalable en Bolivie: un fait symbolique sert d’entrée en matière et permet de commenter l’essentiel sans avoir à abonder en détails. Mais choisir ces faits n’est pas toujours évident et entre le moment de l’élection et celui de l’écriture, le fil se perd parfois. L’écriture est lente, parfois pénible, les brouillons se succèdent. Je finis cette partie en janvier en France puis laisse tomber pour ne pas faire de ce livre un calvaire.

Ce n’est qu’après avoir partagé les réactions de mes collègues que je me sens apte à recommencer, en février à Asunción. Trois parties, trois chapitres dans la première partie? Naît alors l’aspiration à un certain rythme de trois. Les décisions sur les deux dernières parties chercheront à respecter ce tempo. De même que la longueur moyenne des chapitres précédents sera une référence importante.

Deuxième partie. Je commence par reprendre la formule approuvée de la première: un fait et ses lumières. Mais il devient de plus en plus difficile de s’y tenir. Il faut parfois exposer l’idée d’abord: les faits ne sont plus toujours un apéritif mais parfois une sorte de trou normand. Ainsi les chapitres 4 et 5 s’éloignent progressivement du schéma initial mais peu importe car j’ai les réactions immédiates de mes collègues-lecteurs: ils assument que tout ne pourra pas être dit, ils prennent du plaisir et ils sont d’accord sur le fond. Le dialogue s’est établi et il me permet d’échapper au moule: la trame du chapitre 6 est un jeu sur les rapports entre action et parole, un jeu de mots donc.

Cette écriture devient de plus en plus facile (six chapitres en six jours)car l’expérience est suffisamment intériorisée pour ne pas avoir à couper l’expression par de longs moments de recherche, car il y a partage avec mes premiers lecteurs et cela m’aide énormément à « sentir » la présentation à un public large. Tout repose dans l’état d’écriture à atteindre chaque jour.

La troisième partie est finalement assez classique: je m’appuie à présent sur des textes existants et sur les nombreux débats partagés, c’est donc plus simple. Le travail consiste surtout à « raconter » les travaux « exposés » dans les documents originaux.

Mais pour ne pas abuser des citations, et puisque ce « bilan » est plutôt devenu une interprétation, une capitalisation, surgit alors l’idée d’une énorme annexe: la table des matières complète de toutes les publications du projet. Ainsi le lecteur pourra avoir sa propre vision d’ensemble et s’il a envie d’approfondir quelque chose il saura où retrouver les sources.

Palabras claves

metodología, comunicación, capitalización de la experiencia


, Paraguay

Comentarios

Les délais et modalités spéciales de la mise en présentation de cette capitalisation d’expérience ont conduit à un travail peu « réfléchi », essentiellement basé sur l’empirisme d’une longue pratique. Il s’agissait surtout de « sentir » le lecteur. Il s’agit donc d’une formule peu habituelle et pas toujours facile à appliquer.

Mais elle rappelle que dans ce genre d’effort il est important que l’auteur y prenne du plaisir sinon le lecteur aura sans doute du mal à trouver le sien. Quand mon écriture s’est-elle débloquée? Quand j’ai pu sentir le plaisir de mes collègues lecteurs, quand leur plaisir de lire m’a rendu le plaisir d’écrire, la capacité d’écrire en dialogue.

La qualité de diffusion passe beaucoup par un lien de plaisir qui se forge aussi bien dans ce qui est dit que dans la manière de le dire.

Etait-ce donc un « travail peu réfléchi »? Les réflexions avaient mûri pendant des mois, ensemble, dans le projet. Pour les partager au-delà du projet, il s’agissait d’entrer en dialogue avec d’autres, pour dire sans prescrire, pour écrire sans étourdir.

Quand la capitalisation devient une fête-travail, il est plus facile à l’autre vers qui on la diffuse d’entrer dans la danse.

Notas

Il s’agit du livre N°13 de la collection « Serie Debate », éditée par le PPUT:Proyecto Planificación del Uso de la Tierraavec le financement de la GTZallemande: « La vaca, la soja y el árbol : Recursos naturales, planificación y desarrollo: experiencias de un proyecto », 148 pages.

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