En 25 ans de parcours latino-américains, j’ai cherché et rencontré bien des interlocuteurs avec qui partager cette quête d’un art d’accompagner des peuples et leurs processus. C’est la Fundación Colombia Nuestra, à Cali - Colombie, avec qui et de qui j’ai le plus appris, malgré nos contacts on ne peut plus épisodiques depuis bientôt dix ans.
En 25 ans d’appui au Mouvement des Autorités Indigènes du Sud-Ouest (AISO), ces solidaires (comme ils s’appellent eux-mêmes)ont multiplié les occasions de vivre et découvrir ce qu’est le processus d’un peuple qui se reconstruit et lutte pour retrouver une place, ce qu’est le travail d’accompagnement extérieur à un tel processus.
On y apprend à travailler en fonction de rythmes culturels plus que de programmations linéaires. Ainsi une longue lutte pour la terre et le territoire ne débouche pas nécessairement sur leur exploitation immédiate mais sur... une année sabbatique. C’est-à-dire qu’il y a par exemple la patience des périodes où c’est au temps à mûrir l’action des hommes avant qu’elle ne porte ses fruits tandis que les acteurs eux-mêmes se reposent, ainsi que les époques d’activisme acharné où il faut être disponible et inlassable, où il faut polir le détail tout en cultivant la vue d’ensemble.
On y apprend les complémentarités, qui ne sont pas des dépendances ni des impositions, entre professionnels et dirigeants populaires. Car il y faut de la négociation et de la concertation, beaucoup plus que des essais de convaincre et de "conscientiser": celui qui aurait à payer les pots cassés est celui qui doit prendre les décisions.
On y apprend la révision des vies personnelles et familiales pour s’adapter à des mouvements qui sont faits d’histoire et non seulement de projets et de chronogrammes, et qui ne peuvent donc plus s’asseoir sur les garanties d’un salaire de projet ou d’ONG sinon sur les solidarités avec le peuple accompagné et entre "solidaires". Accompagner le mouvement indigène a entraîné bien des décisions essentielles qui bouleversèrent les familles des solidaires.
On y apprend tous les métiers, ainsi que l’impossibilité d’apprendre à fond tous les métiers, donc la spécificité du généraliste qui travaille avec un peuple suivant la stratégie de celui-ci, donc le besoin de spécialistes capables d’apports à la généralité de l’autre. Un peuple accompagné a besoin d’interlocuteurs généralistes, mais aussi d’appuis spécialisés, et les deux ne se marient pas toujours très bien.
Pour moi qui travaille dans le cadre de projets et de leurs logiques institutionnelles, l’expérience de la Fundación Colombia Nuestra est devenue une source permanente d’inspiration. Non pas pour la copier car elle n’est pas généralisable telle quelle, mais pour aspirer à d’autres voies au sein des institutions, pour les découvrir, pour les forger.
Colombia Nuestra c’est le pionnier, c’est celui qui nous dit: "voilà, c’est possible"; c’est aussi l’interlocuteur avec qui débattre les pratiques en Colombie et ailleurs, avec qui construire des mythes fondateurs qui guident ces pratiques et les rendent quotidiennement plus agiles. Colombia Nuestra c’est un capital latino-américain au service du développement des peuples.
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, Colombia, Cali, Cauca
Depuis des années je rêve de pouvoir aider à reprendre cette expérience exceptionnelle et à la capitaliser. Car où retrouver un tel trajet d’appui constant et attentif à un peuple indigène depuis l’époque où son existence était pratiquement ignorée dans le pays jusqu’au récent et fécond protagonisme à l’Assemblée Constituante puis au Parlement?
C’est la conception du travail et de la société que j’aimerais aider à recueillir et à épanouir. C’est la méthode d’accompagnement, ses critères et ses mille techniques que je voudrais aider à partager.
En attendant, pour tous ceux qui avancent dans la même direction, la Fundación Colombia Nuestra est un organisme-ressource qui pourrait être des plus utiles pour réfléchir les axes, les rythmes et les méthodes d’un accompagnement à des processus ethniques.
L’adresse de la Fundación Colombia Nuestraest: Apartado Aéreo 11328 - Cali - Colombie - Tél.: (57)2 - 883 86 39 - Fax: (57)2 - 881 24 41.
Entretien avec BONILLA, Víctor Daniel; FINDJI, María Teresa
Presentación de organismo ; Entrevista