01 / 1996
Aujourd’hui, je rencontre une esthéticienne pas comme les autres. En effet, Nadine PELLETIER a installé son institut à son domicile, dans un quartier d’habitat social de Vaulx-en-Velin depuis août 1992. C’est donc au premier étage d’un immeuble d’habitation que je me rends pour découvrir une double pièce bien aménagée, séparée du reste de l’appartement par un long couloir.
Dans ce métier où il est très difficile d’avoir un emploi stable, elle n’avait trouvé que des contrats à durée déterminée ou comme dans le cas de son dernier contrat, des emplois à temps partiel (moins d’un mi-temps). Son employeur (dans la même ville, à Vaulx-village)revendait son cabinet et la licenciait, le "repreneur" travaillait seul. N’ayant pas de clause de non concurrence dans son dernier contrat de travail et ne voulant pas se retrouver au chômage, elle a voulu utiliser ce concours de circonstances pour réaliser l’envie de se mettre à son compte. Son diplôme et son expérience (2 ans)lui donnaient des assises professionnelles.
DE NOMBREUSES DÉMARCHES ET L’UTILITÉ D’UNE AIDE POUR LES COORDONNER
Mais par quel bout prendre la question sachant qu’elle n’avait aucune ressource propre au départ ? Il y a bien l’aide aux chômeurs créateurs d’entreprises. Mais quelles démarches effectuer ? L’ANPE semblait être le meilleur interlocuteur, le service économique de la mairie aussi pour un local...
Dès juin 1992 quand elle a su qu’elle allait être licenciée, elle s’est renseignée à l’ANPE qui lui a proposé un stage pour les créateurs d’entreprise auquel elle ne souhaitait pas participer, son projet étant bien formé dans son esprit. En insistant sur ce qu’elle recherchait, elle a obtenu les coordonnées d’un organisme d’aide aux créateurs d’entreprise (3CI). Cela s’est avéré la meilleure solution : "avec 3CI, on a regardé mon projet, s’il était viable, Puis ils m’ont aidé à monter les dossiers, étape par étape : l’ACCRE (aide aux chômeurs pour la création d’entreprise - 16400 F en 1992), qui a mis ensuite un autre dossier en route (10000 F), et enfin ils m’ont fait un dossier pour les créateurs de moins de vingt-six ans (10000 F).
Après ils m’ont mise en relation avec l’ADIE (Association pour le droit à l’initiative économique). Les trois premiers dossiers, même après avoir été acceptés demandaient du temps pour que l’argent soit débloqué. Il fallait que j’attende novembre et décembre 1992. J’ai donc fait une demande de prêt à l’ADIE qui m’a accordé le maximum de 30000 F, remboursable dès septembre 1992 sur trois ans.
Avec ces 30000 F, j’ai pu démarrer, acheter le matériel (table...)et les produits nécessaires tout en assurant le quotidien (loyer, alimentation...). Avec l’ADIE, j’ai eu l’opportunité d’aller régulièrement à des rencontres avec des personnes qui étaient dans la même situation que moi, on a eu le soutien de comptables..."
Avant de démarrer son activité, elle a suivi le stage de gestion d’une semaine auprès de la chambre des métiers qui lui a permis de s’organiser et de connaître les échéances principales pour les deux premières années (cotisations...).
ESTHÉTICIENNE à SON DOMICILE : UNE SOLUTION QUI S’AVERE ORIGINALE
Entre temps, son projet s’était modifié. L’absence de fonds propres l’a amené à retenir une solution peu courante : exercer à son domicile. N’ayant pas eu de réponse de la mairie, elle s’est adressée à l’organisme HLM qui la logeait. Elle a été bien reçue quand elle a demandé une mutation en expliquant son projet : elle est passée d’un F1 sur le quartier à un F3 (avec une dérogation de la préfecture pour transformer son habitation en "local partiellement commercial"): "dans ces quartiers c’est plus facile et puis il y a un supplément de loyer de 30 % , ça intéresse les HLM, et pour moi c’était quand même le moins onéreux". Elle a débuté son activité dans son nouvel appartement fin août 1992, avec un statut d’entreprise individuelle.
Les débuts ont cependant été difficiles : d’un point de vue financier bien sûr car il lui a fallu vivre trois mois avec les 30000 F de l’ADIE, n’ayant par ailleurs pas d’autres ressources. Elle dit aujourd’hui "avec le recul je ne conseillerais pas à quelqu’un de célibataire de se lancer, c’est trop risqué au moins en couple, on est assuré de pouvoir payer le loyer" . Au bout d’un an de fonctionnement, son résultat était négatif. Conseillée par une amie qui travaillait au service RMI de la Caisse d’Allocations Familiales, elle a su qu’elle pouvait prétendre au Revenu Minimum d’Insertion. Elle a donc demandé et obtenu toute l’année 1993 cette allocation différentielle. Il lui a fallu insister sur cette possibilité au guichet qui lui opposait un refus car elle était en activité, ils ont donc vérifié les textes de loi.
Son expérience antérieure et la publicité qu’elle a déposées dans toute la ville lui ont permis de trouver une clientèle, ensuite c’est le bouche à oreille qui a le mieux fonctionné. "Au début, les gens n’avaient pas confiance, esthéticienne en appartement c’est un peu "louche", ç’aurait été sur Vaulx-village je crois que ça aurait été pareil, mais en plus sur la ZUP, cela n’a pas simplifié mes affaires. Et puis au fur et à mesure que les clientes venaient, une fois la surprise passée, elles ont apprécié l’appartement, le fait de ne pas être dérangées pendant les soins, un espace plus grand qu’en institut.... Les femmes sont originaires de toute la ville, beaucoup viennent des copropriétés, d’autres travaillent en ville... Je propose des prix un peu moins chers que les instituts sur Lyon. Maintenant, l’activité en tant que telle fonctionne bien. Cette année j’ai un chiffre d’affaires en augmentation mais un bénéfice qui diminue à cause des charges. C’est encore difficile et très juste... J’arrive à peu près à me payer au SMIC, mais sans plus...".
creación de empresa, iniciativa económica, movilización de los habitantes
, Francia
L’exemple de Nadine Pelletier montre sa capacité à créer son emploi et à trouver des solutions adaptées à sa situation. N’ayant pas de soutien ni "moral" ni financier, elle trouve une structure d’accompagnement qui lui permet de coordonner ses démarches, de l’aider dans le suivi de son projet et de trouver un financement de départ. Elle modifie son projet initial pour travailler à domicile, sortant de l’image des esthéticiennes traditionnelles en institut... Elle s’y retrouve en terme de qualité de vie personnelle, bien que du côté financier, ce soit très juste. Au bout de trois ans, elle peut vivre de son activité sans excès particulier, mais elle a dû pour cela vivre avec des revenus inférieurs au SMIC et le soutien de transferts sociaux... ce qui démontre l’importance de ces "filets" y compris dans la création d’activité. Si à terme elle espère trouver un local commercial, ce n’est pas la priorité qu’elle se fixe.
Entrevista
CR-DSU=CENTREDE RESSOURCES SUR LE DEVELOPPEMENT SOCIAL URBAIN
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