Pendant la dictature (1973-1990), le projet syndical était principalement politique; il correspondait à un groupe de pression, un intermédiaire entre l’Etat et la société. Aujourd’hui, depuis la transition démocratique de mars 1990, son objectif relève plus d’un projet social : consolider la démocratie et faire du syndicalisme un acteur national concerné avant tout par le monde populaire au-delà de l’entreprise. Cette ambition explique la relation forte entre syndicalisme et pauvreté dans certaines régions du Chili. Mais cette stratégie fait essentiellement appel aux initiatives sociales et suppose donc une véritable métamorphose du mouvement social, qui demandera beaucoup de temps.
La période de dictature, et plus particulièrement son prolongement ent re 1985 et 1990, a imposé des transformations économiques et une restructuration de l’Etat; dès lors, on a assisté à une véritable atomisation du travail - avec l’institutionnalisation du travail temporaire, du contrat à domicile-, qui a abouti à une désorganisation sociale et syndicale. Les syndicats ont de fait des difficultés à s’imposer parmi les acteurs nationaux, mais des expériences prouvent qu’ils sont porteurs d’espoir, espoir qui portera se fruits dès que la population sera plus organisée et active, et que les entreprises et l’Etat joindront leurs efforts à cette politique sociale.
L’expérience de Santa Maria, entreprise agro-industrielle spécialisée dans la fruticulture, illustre la force syndicale au niveau régional : au début de l’année 198 9 a été créé un syndicat composé principalement de travailleurs temporaires (la loi leur interdisait alors de négocier collectivement). Après quelques mois, il regroupait 18% des travailleurs temporaires et actuellement il en compte 36%. Le syndicat est de caractère territorial et communal; il est présent dans différentes entreprises et s’organise en distribuant le travail à des délégués de villages et de quartiers, chacun chargé d’un programme particulier.
Ces programmes, qui se fondent principalement sur l’auto-développement, se concentrent soit sur les urgences découlant de la profession, soit sur les longs mois de chômage imposés par ce secteur agricole (monoculture d’exportation). La solidarité est donc forte et les préoccupations sont communes, c’est pourquoi l’organisation prend l’aspect d’un "syndicat-assemblée" de voisins. Le syndicat de Santa Maria a signé un ensemble d’alliances avec des ONG, l’église catholique, des Confédérations Nationales Paysannes, le gouvernement et les entreprises. Les relations n’ont d’ailleurs pas été faciles avec ces deux derniers : si le gouvernement a accepté, après la visite du site, d’entamer des négociations et d’interdire des salaires trop bas, il n’a pas été assez fort pour imposer ces décisions aux chefs d’entreprise qui ont continué à verser des salaires inacceptables et ont refusé toute négociation avec les travailleurs.
C’est sans doute le problème majeur pour ces derniers : l’Etat n’est pas capable de réguler le marché de façon équitable et transpare nte, au bénéfice des consommateurs et des travailleurs. Or la force économique chilienne est regroupée dans à peine 6 groupes, qui ont un pouvoir égal sinon supérieur à celui de l’Etat; et leur politique se fonde sur un capitalisme totalement hermétique aux problèmes sociaux. Face à cela, le syndicat de Santa Maria a développé une nouvelle forme de concertation, en réunissant des acteurs pouvant avoir du poids en leur faveur; ils ont ainsi obtenu en partie gain de cause, au détriment des chefs d’entreprise trop "modernes" et du gouvernement trop indifférent
L’expérience de Santa Maria illustre la volonté de décentralisation dans les organisations syndicales, qui est nécessaire tant pour mobiliser la population que pour lutter contre la corruption, v éritable fléau parmi les hauts dirigeants syndicaux. L’action du syndicat des travailleurs temporaires leur permet de s’imposer peu à peu face aux chefs d’entreprise et au gouvernement. L’organisation territoriale et inter-entreprise du syndicat est parailleurs déterminante, car elle permet de projeter son travail au-delà du contexte purement laboral, et de prolonger la solidarité active après la période de récoltes. De plus, les mouvements syndicaux régionaux nourrissent des processus identitaires qui constituent un moyen efficace pour responsabiliser et motiver les populations. Il semble en outre important que les syndicats développent plus la coopération avec d’autres acteurs, et plus particulièrement avec les ONG. Ensemble, ils pourraient former une véritable campagne contre la pauvreté, étape indispensable pour moderniser le pays
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, Chile
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DIAZ, Alvaro, DIAZ, Eugenio, LOPEZ, Ricardo
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