11 / 1994
Le Chili a beau parfois se penser comme une île, enserré entre la Cordillère, le Pacifique, les mers australes et le désert du nitrate, il n’a pas échappé en 1993 à ce qui est devenu le lot de ses voisins : pénétration accrue sur son territoire du trafic des drogues, développement des opérations de blanchiment qu’attirent sa stabilité politique et sa santé économique actuelles, et installation dans le pays des têtes de pont de cartels et organisations mafieuses. Les saisies de cocaïne, en transit au Chili par centaines de kilos (600 dans les seuls six premiers mois de 1993, un chiffre supérieur au total de l’année antérieure)ne sont qu’une indication imparfaite du trafic qui concerne également les importations illicites de pâte-base, consommée dans les milieux les moins aisés, et dont l’entrée sur le territoire chilien est facilitée par l’étendue de la frontière avec la Bolivie, deuxième exportateur mondial de ce produit derrière le Pérou. Quant à la marijuana, qui pousse un peu partout au Chili, elle reste, malgré les opérations ponctuelles d’éradication et la percée du "bazuco"(base de cocaïne - PBC- fumée dans du tabac)très populaire parmi les lycéens, les étudiants et la nouvelle génération des classes moyennes.
Le Chili intéresse les organisations de trafiquants à deux titres : d’abord comme route alternative, grâce à sa proximité avec les grands pays producteurs de PBC, Pérou et Bolivie, et comme étape intermédiaire utilisant l ’actuelle "boom" des exportations licites chiliennes - en particulier de fruits et légumes - pour masquer l’origine des cargaisons et profiter des routes maritimes ouvertes vers les Etats-Unis et l’Europe par le commerce national; ensuite, comme base de repli ou de gestion à distance du narcotrafic. De nombreux points de passage par le sud de la Cordillère, de l’Argentine vers le Chili, sont mis à profit pour faire passer de la cocaïne jusqu’aux ports chiliens du Pacifique. Selon des estimations policières, une douzaine d’organisations pratiquant le trafic à grande échelle étaient actives dans le pays en 1993.
Les précurseurs chimiques exportés par le Chili, escortés règlementairement par les carabiniers jusqu’aux postes de douanes boliviens, "s’évaporent" ensuite sans laisser de traces. Dans le nord, la zone franche d’Iquique voit passer des "cholas", paysannes de l’altiplano cachant sous leurs amples jupes des paquets de pâte-base, produit tiré de leur propre récolte de coca, et aussi des trafics plus importants bénéficiant à l’occasion de complicités sur le port. La frontière péruvienne, truffée de mines pour cause de différend territorial avec le Pérou, est évidemment moins poreuse, mais le port d’Arica est devenu une plaque-tournante de tous les trafics. On peut estimer à près de 4 tonnes par an la quantité de cocaïne transitant dans cette seule zone.
La présence d’argent de la drogue transparaît dans le secteur de la construction, avec la transformation du jour au lendemain de paisibles cités en centres touristiques suréquipés, comme La Serena. Un des plus grands hôtels de Santiago, le Hyatt Regency de Las Condes avait bénéficié de ces capitaux. Son propriétaire n’est autre que Gaith Pharaon, affairiste saoudien sous mandat d’arrêt international pour sa participation au krach frauduleux de la BCCI. Les mêmes soupçons pèsent sur l’origine de certains des immeubles construits ces deux dernières années à Concepcion et Temuco. Le libéralisme économique chilien ouvre largement les bras aux investissements de toute nature et origine, grâce à des dispositions fiscales favorables et une pratique proverbiale du secret bancaire.
agricultura ilícita, tráfico de droga, cocaína, droga, delincuencia, toxicomanía, consumo de droga, reciclaje de desechos, organización criminal
, Chile
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Investigación
OGD=OBSERVATOIRE GEOPOLITIQUE DES DROGUES
OGD (Observatoire Géopolitique des Drogues) - Francia