Après une mise au point sur la définition et les motivations de l’interculturel, l’auteur dégage l’ensemble des conditions de base qui permettraient aux entreprises interculturelles de se construire correctement et de se maintenir: fourniture d’informations anthropologiques sur le culturel et de sciences humaines sur la perception négative d’autrui, prise de conscience du contentieux entre les porteurs de culture et éducation des attitudes envers la différence, manière d’aborder le traitement des conflits de valeurs entre partenaires et les antinomies impliquées par l’édification du groupe interculturel.
Camilleri estime que le terme interculturel apparaît le plus souvent pour "les situations mettant en jeu au moins deux cultures différentes. Ainsi, nombre de recherches dites "interculturelles" s’efforcent de préciser ce qui se passe lorsque des systèmes coexistent, qu’ils soient représentés par des individus distincts ou qu’ils s’affrontent chez le même sujet. En outre, on peut tout simplement se livrer à des comparaisons entre cultures différentes. L’auteur démontre ensuite une certaine confusion de sens quand on parle interculturel. Il propose des clarifications nécessaires. Le qualificatif interculturel s’appliquerait seulement à tout effort pour construire une articulation entre porteurs de cultures différentes - ce qui donnerait son plein sens au préfixe "inter" - cet effort visant au minimum à prévenir les inconvénients de leur coexistence et au mieux à les faire bénéficier des avantages qui en sont attendus. Ainsi clarifié le sens de l’interculturel se trouve renforcé par des arguments réalistes, scientifiques, éthiques et philosophiques. Camilleri nous rend attentifs sur la nécessaire durabilité des actions interculturelles. Il estime que beaucoup d’actions interculturelles cherchent à établir une bonne relation entre partenaires uniquement basée sur les sentiments généreux, le simple discours humaniste. Or, les conduites basées sur ce seul support sont précaires et éphémères. Aller du multiculturel à l’interculturel suppose selon Camillieri une longue entreprise qui mène de l’imaginaire au réel.
L’auteur aborde ensuite le rôle de l’interculturel dans l’apport d’informations sur la structure des cultures: "Il faut faire comprendre , à travers la présentation des systèmes, ce qu’est une culture". Ceci est un bon moyen pour montrer comment certaines caractéristiques du contexte cotemporain corrompent les systèmes culturels anciens, parce que ce n’est plus leur contexte d’origine: si bien qu’ils ne doivent pas être jugés d’emblée à partir de leur dysfonctions actuelles.
L’interculturel est une bonne technique pour modérer l’"orgueil culturel" des partenaires, qui les amène à placer leur système au-desus des autres, en dégageant la perspective historique. On fera ainsi comprendre ce que l’évolution des cultures doit aux échanges et aux emprunts. Et on montrera comment des traits culturels de tels étrangers se sont trouvés ou se trouvent encore, sous des formes différentes, dans les systèmes de ceux qui les regardent de haut. La compréhension approfondie de la dynamique de toute culture, procurée par les apports d’informations anthropologiques, n’est pas encore suffisante; car elle aboutit seulement à installer dans l’esprit du sujet de bonnes dispositions intellectuelles, d’ordre cognitif. Mais il faut en plus que l’affectivité, alimentée par le système des attitudes profondes de la personnalité, permettent à ces dispositions de se manifester sans obstacle.
Les écarts entre cultures n’expliquent pas selon l’auteur les contentieux entre les porteurs de cultures. Ainsi, dans l’entre-deux-guerres, les immigrés Polonais et Italiens en France avaient une culture très proche de celles des Français: ils n’ont pourtant pas été mieux traités que les actuels immigrés du Tiers-Monde. Inversement, les Asiatiques, actuellement, sont mieux considérés en France que les Maghrébins, alors que leurs cultures et leurs religions sont plus éloignées. En plus des différences culturelles, il faut considérer la tendance à s’en saisir comme d’un matériau permettant de répondre à telle frustration, de satisfaire certaines pulsions: bref, à rétablir à bon compte un équilibre personnel ou collectif menacé. La question des différences culturelles amène à un point central de l’interculturel, celui de l’antagonisme des valeurs fondamentales dans un groupe. En effet, si la première condition de base de l’interculturel est d’assurer la légitimité des cultures, la deuxième aussi fondamentale que la première consiste en l’acceptation du minimum de représentation / valeurs communes permettant l’émergence d’un groupe. Ainsi, dans un groupe qui veut durer dans l’interculturalité, la confrontation sérieuse des codes en présence, des modèles et des logiques d’où ils procèdent , exigeant des partenaires qu’ils accèdent à un niveau plus profond de réflexion, puisqu’il s’agit non seulement de s’accorder sur les moyens de réalisation d’une valeur commune, mais de s’accorder à propos de cette valeur en elle-même.
Camilleri conclut son article en rappelant que la première mission de l’interculturel est de donner aux partenaires l’équipement nécessaire pour qu’ils perçoivent leur culture comme légitime et, par là, pour qu’ils accèdent au sentiment fondamental d’être reconnus. L’interculturel contraint les individus à réfléchir sur leur culture, donc les empêche d’y rester "immergés". Cette prise de distance leur permet, s’ils le désirent, de transformer leur système et d’élaborer leur "formule culturelle" individuelle. Ainsi engagé, l’interculturel est un lieu de créativité, permettant de passer de la culture comme "produit" à la culture comme "procès". En fait, c’est une attitude d’apparence contradictoire que les praticiens de l’interculturel doivent surmonter : assurer le respect de cultures, mais dans le cadre d’un système d’attitudes autorisant leur dépassement.
interdependencia cultural, antropología, pluralismo cultural
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CAMILLERI, Carmel in. REVUE FRANCAISE DE PEDAGOGIE, 1993, 103
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