La situation du Chili est très différente de celle du Rwanda mais il existe au moins un élément commun entre les deux pays : les réfugiés, en particulier les jeunes qui rentrent au pays, arrivent dans un pays différent ou inconnu. L’exil des Chiliens a débuté de 1973 et s’est prolongé jusqu’aux années 80 alors qu’au Rwanda, il y a eu plusieurs mouvements d’exode forcé et d’exil (1959, 1963, 1966, 1973 et 1990). Aussi, pour chaque point développé, il sera nécessaire de se demander si la solution présentée est viable au Rwanda.
I. Cadre général
Dans l’objectif de faciliter le rapatriement et la réinsertion des Chiliens victimes de l’exil entre 1973 et les années 80-90, le Gouvernement du Président Patricio Aylwin a créé l’Office National du Retour (Oficina Nacional del Retorno, O.N.R.), organisme gouvernemental qui a coordonné ce mouvement. Outre l’O.N.R, des organismes internationaux (ACNUR et O.I.M.)et des organisations non gouvernementales du pays ayant déjà de l’expérience en la matière ont participé à cette tâche. Au cours de ses quatre années d’existence, l’O.N.R. a assisté plus de vingt mille familles, ce qui représente plus de soixante mille personnes.
II. Critères d’orientation
Plutôt que de faire une « description » du travail fait au Chili, il nous semble plus utile de revenir sur les critères d’orientation que nous avons adoptés et qui pourraient éventuellement être appliqués au Rwanda.
1. L’information : le premier aspect fondamental est que les exilés qui rentrent dans leur pays après une longue absence ne connaissent plus la réalité nationale. C’est pourquoi qu’il est important de disposer : a)d’un programme d’information préalable au retour pour que cette démarche soit le fruit d’une décision bien fondée et responsable. On évite ainsi bien des traumatismes et des frustrations ultérieures; b)d’un programme d’information ou formation sur la réalité du pays, une fois les gens rentrés.
2. Une approche globale : la réinsertion des réfugiés est un problème global qui comprend tous les aspects de la vie de la personne ou de la cellule familiale. Il est donc nécessaire de traiter au préalable ce défi en tenant compte de toutes ses implications : problèmes de subsistance, de santé, d’habitat, d’éducation, de travail et tous les autres aspects qui composent la vie de l’homme. Il faut distinguer deux types de situations qui exigent des réactions différentes : a)lorsqu’une famille entière rentre au pays (parents, enfants), il faut concevoir le processus de réinsertion à l’échelle de la cellule familiale; b)lorsque celui qui rentre est un mineur ou un jeune, sans famille, la réponse aux besoins de réinsertion est différente.
3. L’aide à l’installation : les défis de l’étape suivante sont ceux de la réinstallation. Dans le cas du Chili l’intervention de l’Etat a été nécessaire. Dans la plupart des cas, des mesures d’assistance s’imposent, comme une aide économique minimale nécessaire à la subsistance pendant un certain temps, et des mesures qui rendent possible des solutions de base, au moins dans les domaines suivants : a) accès à la santé primaire et secondaire;
b) accès à un logement de base;
c) solutions de base pour l’éducation des enfants.
Pour faciliter le retour des réfugiés, une loi a été adoptée qui n’est sans doute pas transposable ni viable au Rwanda. Cette loi exonère les réfugiés du paiement de taxes ou droits de douane, permettant ainsi que le déménagement des affaires personnelles et des instruments de travail, automobile compris, se fasse à un moindre coût.
4. La réinsertion professionnelle : il serait faux de penser que ces quelques mesures résolvent le problème de la réinsertion. Il ne s’agit que d’un palliatif temporaire. Ainsi, le maintien prolongé de ces mesures crée une dépendance des personnes qui constituent une charge pour la société provoquant de graves problèmes psychologiques chez les réfugiés eux-mêmes. L’aspect clé est donc sans aucun doute la réinsertion professionnelle. Seul un travail stable permet la réinsertion définitive dans le pays. Si cet aspect n’est pas réglé, les autres problèmes subsisteront pendant de nombreuses années.
a) Les solutions concrètes au problème de l’emploi dépendent complètement du marché du travail de chaque pays. Dans le cas du Chili, les efforts ont porté sur la création par le réfugié lui-même de son poste de travail, grâce à l’aide financière pour la constitution de micro-entreprises et de petites entreprises. Cette solution est peut-être applicable au Rwanda. Dans cette option, il faut aussi tenir compte de l’aspect moral qui revêt une importance primordiale : si la solution proposée implique la participation du réfugié à la solution de son problème, avec l’aide de l’Etat et d’autres institutions, la situation n’est plus un « poids » pour le pays, elle devient l’apport d’un réfugié au développement de son pays, ce qui permet en outre aux réfugiés de se sentir utiles pour leur patrie.
b) Mais comme tous les réfugiés ne sont pas en mesure de devenir des entrepreneurs, nous avons également mis en place d’autres solutions au problème de la réinsertion, à savoir :
- des bourses de travail, destinées essentiellement aux professionnels et techniciens, afin qu’ils puissent, pendant un an, obtenir un poste de travail définitif;
- des subventions pour l’emploi, pour les patrons intéressés dans l’embauche d’ex-réfugiés;
- une qualification professionnelle pour ceux qui ne possèdent aucune formation
5. Le soutien psychosocial : ce type d’aide ne doit pas être négligé surtout lorsqu’il s’agit de retour de jeunes réfugiés qui ne connaissent pas leur pays et qui souffrent de graves problèmes d’adaptation. Il est nécessaire de prévoir, outre les mesures qui favorisent leur intégration dans le système éducatif du pays, un soutien psycho-social pour surmonter les dits problèmes d’adaptation.
6. La coopération internationale : tous les programmes mentionnés, et bien d’autres que nous ne citons pas ici, représentent des efforts financiers impossibles à réaliser sans la coopération internationale d’autres gouvernements ou d’organismes d’aide d’aide internationaux. Mais pour que cette coopération soit durable, il est essentiel d’en faire un bon investissement. On évite ainsi que les gens soient dépendants de l’aide extérieure. Les meilleurs exemples d’un bon investissement sont les programmes de réinsertion ou de formation professionnelle.
7. L’aide privée : il est indispensable d’ajouter aux efforts gouvernementaux l’appui d’institutions privées, en particulier lorsqu’elles ont une expérience en matière de réinsertion d’ex-réfugiés.
8. Les agences spécialisées de l’ONU: dans le cas du Chili, le rôle joué par des organismes internationaux spécialisés, comme l’ACNUR (Haut Commissariat des Nations Unies pour les Réfugiés) et l’OIM (Office Mondial d’Immigration) ont été aussi très importants dans le processus de rapatriement, mais aussi en matière d’assistance juridique et de réinsertion professionnelle.
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, Chile
Ébauche pour la construction d’un art de la paix : Penser la paix comme stratégie
Expériences et réflexions sur la reconstruction nationale et la paix
L’auteur du texte a dirigé pendant plusieurs années l’Office National Chilien du Retour (ONR) à Santiago. Texte traduit de l’espagnol.
Séminaire « Rwanda : reconstruction » (Kigali, 22-28 octobre 1994) co-organisé par la FPH et le CLADHO (Collectif des Ligues et Associations de défense des Droits de l’Homme).
Texto original