…où comment définir, conscientiser et influencer la culture de son organisation
04 / 2010
Préambule
Le présent document présente au lecteur différents modèles d’organisations et explique comment analyser son organisation pour définir sa ou ses cultures spécifiques. Un tel processus peut être bénéfique en isolement, sous forme de présentation, pour prendre conscience de l’importance de la culture dans les forces et faiblesses d’une organisation.
Introduction
Les organisations sont de mini-sociétés, des communautés plutôt que des machines. Il est donc naturel que chaque communauté exhale son parfum unique, ait sa propre manière de faire les choses, ses habitudes, son jargon, ses « vaches sacrées », bref sa propre « culture ». Trop souvent, la gestion est encore conçue comme de l’ingénierie !
Personne ne s’attend à ce que la culture de la Commission Européenne, celle de la Fondation pour le Progrès de l’Homme et celle d’Appartenances soient identiques !
Dire que chaque organisation a une culture unique est vrai mais ne nous aide pas beaucoup ! Pour simplifier et structurer cette observation, il faut regarder le « style » de l’organisation.
Le succès d’une organisation provient (en partie) du fait d’avoir le bon mélange au bon moment. Malheureusement tout cela est trop souvent inconscient et c’est alors plus une question de chance que de choix. Notre but est de mettre le choix avant la chance !
La culture club (patron Zeus)
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Son meilleur symbole est la toile d’araignée. Son patron Zeus. La clé de tout se trouve au centre, entourée de cercles d’intimes et d’influences de plus en plus larges. Plus vous êtes près du centre, plus vous avez d’influence. Il existe des lignes droites de responsabilité et de rôles, mais celles qui comptent vraiment en termes de pouvoir sont les lignes concentriques reflétant la proximité avec la tête.
Le concept organisationnel de cette culture est d’exister pour étendre la personnalité de la tête ou, souvent, du fondateur. S’il pouvait tout faire seul, il le ferait ! C’est donc un club de gens qui pensent pareil.
Force : capacité à répondre immédiatement et intuitivement aux crises comme aux opportunités, du fait des lignes de communication courtes et de la centralisation du pouvoir.
Danger : dominance, sinon domination, du caractère de la personnalité principale. Sans araignée, la toile disparaît. Si l’araignée est corrompue ou incompétente (ne serait-ce que dans certains domaines), toute l’organisation le devient aussi.
Terrain de prédilection : Là où personnalité et vitesse sont déterminantes(start-up ou associations, arts, politique, guérilla et aide humanitaire d’urgence).
Conditions :
Que le leader (et non pas le manager) soit excellent et polyvalent
Petite organisation : moins de 20 personnes à gérer
Parvenir à recruter des employés qui ressemblent à l’araignée et qui pensent comme elle.
La culture de rôle (patron Apollon)
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Très différent : l’organigramme ressemble à une pyramide de petites boîtes où le rôle est en gras et le nom en fin… quand il y figure ! Les cahiers des charges sont essentiels et on se rapproche de la mécanique de l’ingénierie. Il y a des standards, des procédures et un contrôle de qualité. La communication est plus formelle. Elle est dirigée par un manager, pas par un leader.
Organisations plus mûres qui recherchent la sécurité, le confort même. Parfois trop prévisible pour être enthousiasmant !
Force : Efficacité, équité, précision (par exemple les Chemins de Fer Fédéraux suisses- : ils veulent que les conducteurs de train arrivent à l’heure et pas 5’ en avance !)
Danger : Très difficile de changer (rapidement) et de faire des exceptions. Littéralement invivable pour les individualistes.
Terrains de prédilection : routine, tâches stables. Exemple : administration, services sociaux.
Conditions :
la logique de la structure doit être sans faute
la taille peut être (très) importante
Procédures et cahiers des charges bien adaptés
Les employés ont moins d’importance, car ils peuvent être formés pour mieux répondre au rôle.
La culture de tâche (Athéna)
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Elle surgit du besoin de disposer d’une structure moins individualiste que la culture club et plus rapide que la culture rôle.
L’idée de base est qu’un groupe ou une équipe de talents et de qualifications appropriées doit s’appliquer à résoudre un problème ou à accomplir un projet ou un rôle spécifique. Ainsi chaque tâche reçoit une réponse spécifique, pas forcément standardisée. Les équipes peuvent à tout moment être changées. Démantelées ou augmentées en fonction des changements de la tâche. Il y a plus de plans que de procédures. Beaucoup de budgets et très peu de cahiers des charges. Cette culture parlera plutôt de coordinateur ou de chef d’équipe plutôt que de manager.
Cette culture séduit souvent les gens très compétents car ils travaillent volontiers en groupe, partageant compétence et responsabilités sur des tâches qui sont chaque fois différentes. Ainsi ils continuent à se développer et restent enthousiastes. Généralement, cette culture est chaleureuse et amicale, car ces groupes de collègues, réunis temporairement par une tâche, ne connaissent pas beaucoup de hiérarchie.
Force : pleine de gens jeunes, compétents et énergiques qui ont assez confiance en eux pour ne pas se soucier de leur avenir.
Dangers :
Elle coûte cher car elle utilise des gens compétents qui passent beaucoup de temps à parler ensemble pour trouver la bonne solution.
Elle supporte mal la routine ou l’administration.
Elle est inadéquate pour accomplir les tâches simples.
Elle n’offre pas de sécurité de l’emploi.
Terrains de prédilection : agences de publicité, entreprises de construction, journalisme et média, équipes chirurgicales… partout où le travail consiste à résoudre des problèmes changeants et temporaires.
La culture de la personne (Dionysos)
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Très différente des autres qui placent l’organisation avant les individus. La culture de la personne place l’individu avant et considère que l’organisation (qui doit être maintenue au minimum) existe pour servir le talent des individus.
Si vous demandez le manager, on vous conduira auprès de l’administrateur.
Dangers : de plus en plus, ces professionnels reconnaissent que les problèmes deviennent trop complexes pour une organisation aussi légère et évoluent vers la culture de tâche ou la culture de rôle en se soumettant à davantage de discipline organisationnelle.
Terrains de prédilection : cabinets de groupe de médecins ou de psychothérapeutes, d’architectes, d’avocats. Certains laboratoires de recherche. Studios d’artistes.
Le mélange des cultures
Aucune organisation n’est « culturellement pure ».
Changer de culture peut se faire progressivement mais exige parfois une « transfusion » de nouveau personnel.
Le mélange des cultures devrait être influencé par différents facteurs :
Taille : plus de croissance = plus de culture de rôle
Le type de travail : si un projet peut être entièrement géré par une seule personne, alors les cultures club ou personne sont possibles. Si les projets sont plus complexes et font intervenir plusieurs personnes, il faut la culture rôle ou au moins la culture tâche.
Environnement : si l’environnement ne change pas souvent et qu’il n’y a pas beaucoup de concurrence, la culture rôle est idéale. Si les changements exigent des réponses rapides, les cultures tâches ou club auront plus de succès.
Histoire : le caractère des fondateurs, leur type de direction, les traditions pèsent lourd. Passer d’une culture club à une culture tâche, plus participative et responsabilisante, est souvent désiré par le personnel qui va pourtant trouver difficile de s’adapter au changement.
Notre culture en tant qu’organisation sans but lucratif
La plupart des gens ont une culture de prédilection et une autre en réserve dans laquelle ils seraient prêts à fonctionner s’il le fallait. La plupart trouvent aussi qu’une ou deux de ces cultures leur sont très étrangères. Si elles prédominent dans leur entreprise, ils ont alors toutes les chances d’être à la fois malheureux et (surtout) inefficaces.
Être prisonnier sans le savoir d’une culture étrangère peut être très démoralisant, dévalorisant et se solder par des burn-out. Transférez une telle personne vers une autre culture et vous la verrez s’épanouir ! L’ajustement culturel est un aspect malheureusement très négligé du moral et de la motivation dans les entreprises.
A cause de leur histoire et de leurs traditions, les organisations non-lucratives sont particulièrement prônes à la confusion culturelle. Il existe en gros 3 types d’organisations non-lucratives :
les organisations de soutien mutuel (« self-help ») par instinct Dionysos. Ils ne clament pas être des stars mais sont dans l’organisation en tant qu’individus avec un contrat purement psychologique qui leur donne droit d’y rester tant qu’ils veulent. Employés par personne, ils ne servent personne. Pas de directeur ou de manager, uniquement des secrétaires et des coordinateurs pour servir « les membres » ou « les collègues ». Dans une telle culture, personne ne peut donner d’ordre, imposer des règles ou une discipline… mots étrangers et bannis. En théorie, le travail se fait par consentement mutuel, accord sur les procédures, participation démocratique ou une voix en vaut une autre. Ça ne peut PAS fonctionner dans une organisation de service.
les organisations de services : elles ont un job à accomplir, des standards à maintenir et une redevabilité envers leurs clients et leurs donateurs. Elles ne peuvent pas accepter tous ceux qui veulent y travailler ou tolérer des performances insuffisantes. La pression de la tâche les pousse vers la culture de rôle Apollinienne avec ses cahiers des charges, hiérarchies, autorités, systèmes et règlements. Les bénévoles se retrouvent de plus en plus marginalisés vers des taches subalternes de soutien.
les organisations de militance : elles ont besoin d’un bureau efficace mais elles ont presque toujours un Zeus qui va les représenter, qui va diriger les campagnes et non pas les gérer. Elles peuvent bénéficier de petites équipes Athéniennes, genre de commandos, pour résoudre de manière coopérative des problèmes particuliers.
Chaque culture est appropriée pour sa tâche. Le problème survient quand vous les mélangez. Certaines tendances sont compatibles, d’autres pas. Il n’existe pas de solution simple au mélange culturel. Il existe dans toutes les organisations complexes. C’est pourquoi les pionniers ont toujours la nostalgie du début quand, malgré les crises, il existait la simplicité d’une culture unique dont les valeurs influençaient tout.
C’est OK d’être différents. Les autres cultures sont respectables mais il faut être conscient que :
les disciples de Zeus sont des personnalités. Sacré : carnet d’adresses, réseaux ; tabous : formulaires, systèmes.
les disciples d’Apollon sont logiques. Sacré : planification, routine, contrôle.
les disciples d’Athéna aiment les équipes et la résolution de problèmes. Sacré : perfectionnisme, travailler dur, compétence. Tabous : routine, répétition, ennui.
les disciples de Dionysos n’appartiennent à aucune organisation. Sacré : individualisme, respect, influence, liberté, destinée. Tabous : pouvoir, autorité.
Conclusions
1. Nécessité vitale : Reconnaître, comprendre et accepter ces différences de culture (mais ça n’est pas suffisant).
2. Les organisations commencent le plus souvent comme un club autour d’un Zeus charismatique ou une bande de Dionysiens très engagés.
3. En mûrissant, un mélange de culture survient naturellement et des caractéristiques Apolliniennes (rôle) surgissent. Beaucoup d’organisations ne le supportent pas et se marginalisent en restant petites plutôt que de changer leur ethos et leur culture.
4. Ou alors, elles se fractionnalisent en unités plus petites (départements, branches ou secteurs et sous-secteurs) défendant chacune leur territoire.
5. Avec le temps, la culture de rôle à dominante Apollinienne peut se fossiliser.
6. Pour continuer à croître harmonieusement et avec succès, une organisation devra alors intégrer des projets Athéniens avec leur culture tâche, pas facile à accepter pour les Apolliniens.
7. Une organisation intelligente et sage comprend que sa culture ne peut jamais être gravée dans le marbre.
8. Ré-équilibrer les cultures ne peut se faire qu’en changeant comment les choses sont faites, et même en changeant certaines des personnes qui les font.
9. On PEUT changer de culture sans compromettre ses valeurs.
10. Un tel changement exige une prise de conscience, des champions, du/des changement/s et… beaucoup de temps !
cambio cultural, administración de empresas, comunicación
, Francia
Comprendre dans quel environnement on travaille est essentiel au bien être des collaborateurs, donc des usagers. C’est la raison pour laquelle l’auteure, au début de son mandant de directrice, a présenté cette perspective lors d’une journée de réflexion avec tous les collaborateurs d’Appartenances suivie d’un questionnaire diagnostic.
Documents de travail
Livre : Charles Handy, Understanding voluntary organisations (Penguin Business, 1988)
Association Appartenances - Appartenances, rue des Terreaux 10, 1003 Lausanne, Suisse - Tél. +41 (0)21 341 12 50 - Fax: +41 (0)21 341 12 52 - www.appartenances.ch - info (@) appartenances.ch