Au début des années 80, lors d’une réunion de l’Organisation mondiale pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), les représentants de pêcheurs indiens et canadiens firent remarquer que leur situation était peu prise en compte. Aussi décidèrent-ils de créer leur propre organisation, pour défendre leurs intérêts à un niveau mondial
12 / 2001
Trois sommets destinés à préparer la constitution du Forum mondial des pêcheurs et des travailleurs de la mer ont eu lieu à Namur (Belgique), à San Francisco (Etats-Unis) et à New Delhi (Inde). Très vite, trente-trois pays se trouvèrent impliqués et ce fut la France qui fut chargée de l’organisation de l’assemblée constituante du Forum, en octobre 2000. Les militants français étant surtout présents en Bretagne, c’est à Loctudy, dans le Morbihan, qu’eut lieu l’assemblée. Ses objectifs étaient clairs : formaliser et officialiser le Forum en désignant démocratiquement ses dirigeants, et signer une charte en dix-sept points destinée à améliorer la condition et la survie des pêcheurs du monde entier.
Dès lors, plus rien ne s’opposait à la construction d’un collectif international pour la défense des pêcheurs et des travailleurs de la mer. Plus rien, si ce n’est la subsistance d’une légère tension entre les leaders indiens et canadiens. Et en effet, principalement pour des enjeux de pouvoir et d’influence, une rupture s’effectua au sein du Forum, ce en dépit de l’intervention constante du comité de coordination pour calmer les esprits. Un argument souvent cité dans cette querelle fut la colonisation. La nouvelle génération issue d’anciens pays colonisés semble voir dans la possible prise du pouvoir par un pays du Nord une volonté d’imposer, une fois encore, sa domination. De plus, cette nouvelle génération soutient généralement que les anciens colonisateurs ont une dette envers elle dont il est grand temps qu’elle s’acquitte. Une scission eut donc lieu. Pourtant, il se trouve qu’elle ne s’est finalement pas effectuée selon une stricte répartition Nord/Sud. Même si l’on constate cette tendance, des pays d’Amérique Latine, par exemple, ont rejoint le camp du Canada. En avril 2001, à Québec, au Canada, le premier forum a désigné une présidence chilienne, alors qu’un mois auparavant, l’autre forum avait désigné une présidence sénégalaise. Ironie du sort, tous deux se sont donné les mêmes directives et ont adopté une charte très similaire. Quant aux femmes qui ont, dès le début, refusé la moindre scission, elles ont édicté leur propre charte, s’affirmant ainsi de plein droit dans les négociations et redonnant une certaine crédibilité au mouvement. Ce dernier point est le plus positif selon Danièle Le Sauce, qui a organisé le Forum de Loctudy. Car le sentiment général reste l’amertume d’un échec : "On a perdu vingt ans", dit-elle. Bien sûr, aujourd’hui, les non-dits sont tombés, les relations sont plus franches et vraies et des contacts riches restent établis de personne à personne dans chacun des pays. Dans l’avenir pourtant, une fusion des deux assemblées semble indispensable pour qu’une action plus efficace et plus globale soit menée. Cette tâche de réunir les deux forums incombera probablement à la prochaine génération. Pour l’heure, personne n’est encore prêt.
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C’est souvent des échecs que l’on apprend le plus... même si les femmes n’ont pas attendu les hommes pour passer au-delà. Les enjeux de pouvoir ont encore une fois primé sur les intérêts collectifs, détruisant un processus vieux de vingt ans que beaucoup voyaient comme acquis. Je retire personnellement de cet entretien le sentiment d’une grande incompréhension et d’une émotion encore vive, l’événement étant très récent (un an). Les protagonistes ont toutefois su rebondir en se soutenant à l’intérieur du réseau : même si des Etats se sont alignés derrière des hommes à fort charisme artisans de la scission, certains individus ont su conserver des échanges globaux au-delà des nouvelles institutions. Espérons qu’ils sauront rallier la majorité à leur cause.
Entretien avec Danièle Le Sauce, Route des Pins, Ker Clément, 56550 Belz - Tel: 02.97.55.53.89 - Fax: 02.97.55.45.78 - daniele.le.sauce@wanadoo.fr
Contact organisme : Collectif pêche et développement, avenue de la Marne, 56100 Lorient.
Cette fiche a été rédigée dans le cadre de l’Assemblée mondiale des citoyens, Lille, décembre 2001.
Entretien avec LE SAUCE, Danièle
Institut Supérieur de l'Action Sociale - Domaine de Prières, 56190 Billiers, France - France