C’est bien le débat qui nous intéresse à l’heure de diffuser des capitalisations d’expériences. C’est le débat des savoirs et des pratiques afin d’enrichir une recomposition indispensable après tant d’échecs et tant de modèles agonisants pour cause de dogmatisme.
Alors c’est l’idée que l’on se fait du débat possible et désirable qui préside aux décisions sur les formes de diffusion et donc aussi sur les styles de produits à diffuser. Mais là aussi nous avons tendance à nous laisser guider par des schémas et surtout par l’envie d’un débat autour de ces produits en tant que tels. En même temps que nous y rencontrons bien des frustrations, nous y délaissons d’autres théâtres de réflexion, d’autres temps de partage.
Pour le premier livre de la capitalisation du Priv de Cochabamba, en Bolivie, la Fph essaya de stimuler ce débat en distribuant une cinquantaine d’exemplaires à différents interlocuteurs en Amérique Latine et en réclamant des commentaires: un an après à peine en avons-nous reçu moins de cinq!
En Bolivie même nous avons voulu organiser des sessions pour discuter autour de l’ouvrage et donc de l’expérience et nous ne sommes jamais passés à l’acte car les réticences constatées n’étaient pas très encourageantes.
Et pourtant ce livre a joué un rôle important… lorsqu’il s’est inséré dans les débats des autres, dans leurs réunions, dans leurs propres préoccupations! C’est ce qui est apparu dans bien des rencontres et dans bien des visites postérieures à Cochabamba. Peut-être peut-on songer aussi que, si nous n’avons pas eu les réactions que nous avions sollicitées avec la Fph, les écrits du Priv auront quand même apporté quelque chose à certains interlocuteurs latino-américains, mais dans leur propre contexte et dynamique.
L’expérience du Paraguay va en ce sens. Il n’y a pas eu de grandes discussions publiques autour des capitalisations du Pput mais nous avons obtenu des centaines de témoignages sur leur utilité dans les débats internes qui se déroulaient, suivant les matières et les styles, au sein d’institutions diverses en Amérique Latine et en Allemagne, au sein de projets, d’organisations et d’institutions de toutes sortes au Paraguay. Dans ce cas précis, l’effet de « collection » a joué un grand rôle pour susciter cescommentaires: l’envie d’entrer au partage des publications suivantes ou d’accéder à un plus grand nombre d’exemplaires amenait les utilisateurs à se manifester d’une manière ou d’une autre.
Bien sûr il serait désirable de pouvoir enregistrer et amplifier toutes ces réactions, de pouvoir étendre la dynamique du débat. Mais peut-être n’est-ce pas seulement une question de technique sinon aussi de moment. Chacun a besoin de retrouver localement ses marques avant de s’exprimer dans un débat élargi.
Il est aussi une autre difficulté. C’est le débat du terrain que nous avons priorisé et le style de nos publications a surtout cherché à alimenter la réflexion depuis la pratique et dans la pratique. Or ce terrain a peu d’accès aux canaux et aux formulesdu grand débat public national et international, alors que ce même style qui fait l’impact sur le terrain difficulte à son tour les réactions des habitués du grand débat public.
recomposition of knowledge, communication, methodology, experience capitalization
, Latin America, Bolivia, Paraguay, Cochabamba
Cette question des styles dans la capitalisation et dans sa diffusion n’est pas si innocente qu’elle peut le paraître. Le fossé actuel n’est-il qu’une étape bientôt dépassée dans l’apprentissage par le terrain des termes habituels du débat? Ou bien s’agit-il de reposer ces termes du débat afin que le dialogue entre le terrain et la recherche, entre la pratique et l’académie puisse enfin avoir lieu?
En tout cas, s’efforcer de promouvoir la capitalisation d’expériences et sa diffusion suppose que l’on reconnaît les richesses de l’expérience et les potentialités de ses acteurs. C’est pour cela que nos essais tendent d’abord vers le terrain et ses débats internes.
Le PRIV:Proyecto de Riego Inter-Valles est réalisé à Cochabamba-Bolivie, avec la Coopération Allemande. Le PPUT:Proyecto Planificación del Uso de la Tierra est réalisé au Paraguay, avec le MAG et la GTZ. La FPH est la Fondation pour le Progrès de l’Homme.
Fiche traduite en espagnol : « Capitalización: Más allá de la difusión, el debate »
Ce dossier est également disponible sur le site de Pierre de Zutter : p-zutter.net
Version en espagnol du dossier : Historias, saberes y gentes - de la experiencia al conocimiento