Ils étaient 14 candidats à vouloir participer de ce deuxième volume où serait capitalisée l’expérience du Priv de Cochabamba - Bolivie, en assistance technique agraire. Puisque les conditions n’étaient pas réunies pour un vrai travail d’équipe, il valaitmieux séparer pour que chacun puisse s’exprimer à son goût. Mais pas question bien sûr de publier un cumul de redites : il fallait se distribuer la matière et la tâche !
En dialogue avec chacun et en fonction d’une vue d’ensemble de ce qui pourrait être utile aux lecteurs, nous avons cherché à stimuler des axes particuliers correspondants à chaque expérience. C’était plus facile pour les métiers « latéraux » et minoritaires (économiste, communicateur, pédagogue…) mais comment faire avec tant d’agronomes et techniciens agricoles ayant eu des activités assez semblables ?
Certains formulaient des « sujets » : l’organisation paysanne, la stratégie productive paysanne… A d’autres nous proposions de se centrer sur les aspects où, de par leur histoire personnelle ou leur pratique, ils avaient un vécu plus spécifique et plus dense.
Cependant, le blocage surgissait dans presque tous les cas: le passage à l’acte s’avérait laborieux; la frustration grandissait.
C’est lorsque nous avons su (pas toujours) bien expliquer les différences entre un « sujet à traiter » et un « axe de réflexion » que nous avons réussi à débloquer les auteurs; et c’est toujours lorsque l’idée de « sujet à traiter » a été dépassée que ceux-ci ont abouti à quelque chose alors que les autres finissaient sur la touche.
Dans le « sujet à traiter » il y avait la notion de rigueur, d’un travail complet et sérieux : c’était le traumatisme de la thèse universitaire qui reprenait le dessus. On cherchait à tout dire et à bien boucler la boucle, même si l’expérience elle-même ne s’y prêtait pas ou mal ou pas encore. On la forçait donc à dire des connaissances au lieu d’écouter ses apprentissages.
Et l’« axe de réflexion » alors ? Eh bien, l’axe il tourne et on peut tourner avec ! Nul besoin de prétendre tout dire : à chacun suivant ses envies et ses possibilités; on dit ce qu’on pense avoir à dire, c’est tout ! Le « sujet à traiter » est ressenti comme un casier fermé qu’il faut remplir et dont il est interdit de sortir; l’axe de réflexion est un centre d’attraction et d’accueil pour ce que l’on a pu glaner un peu partout.
Un peu partout ! C’était finalement là un autre aspect important de notre axe : il aidait à se centrer mais il n’imposait pas de limites. Chacun pouvait alors aller revisiter les terres du voisin de capitalisation et dire ses divergences et même ses désaccords, s’il en ressentait le besoin et/ou si cela pouvait être utile.
Quel changement d’attitude et de production quand l’un de nos auteurs comprit que si nous lui demandions de prioriser la période initiale qu’il connaissait mieux que quiconque ce n’était pas pour l’empêcher d’exprimer ses critiques à certaines évolutions et pratiques postérieures qu’il n’approuvait pas !
Quel changement aussi chez cet autre lorsqu’il perçut enfin que son parcours entre différentes responsabilités ne l’obligeait pas à faire la « théorie de la chose » mais lui offrait la possibilité de proposer une image très différente de celle des spécialistes en la matière !
methodology, science, assessment, disciplines decompartmentalization, experience capitalization
, Latin America, Bolivia, Cochabamba
Certaines réactions à ce style de capitalisation parlent de dispersion, de la difficulté d’y trouver une cohérence qui guide l’action. En écrivant cette fiche m’est apparue une possibilité de mieux redistribuer les rôles : j’avais durement critiqué la « systématisation » telle qu’elle se pratique en Amérique Latine et je l’avais laissée tomber; peut-être pourrait-elle être un bon complément (postérieur ?) de l’évaluation et de la capitalisation. Si on transforme l’expérience en un capital de connaissance, il faut ensuite faire fructifier ce capital et la systématisation s’en chargerait. Alors pourquoi pas une distribution (flexible) comme la suivante?
On évalue des actions, des projets.
On capitalise des expériences.
On systématise des sujets, des méthodes.
Le PRIV:Proyecto de Riego Inter-Valles (Cochabamba-Bolivie, Coopération Allemande) a été capitalisé sur un budget de la GTZ. Le livre: « Del paquete al acompañamiento - experiencias del PRIV en extensión agropecuaria », Hisbol-Priv, La Paz 1994, 204 pages.
Fiche traduite en espagnol : « Capitalización: Escoger un eje de reflexión en vez de un tema a tratar »
Ce dossier est également disponible sur le site de Pierre de Zutter : p-zutter.net
Version en espagnol du dossier : Historias, saberes y gentes - de la experiencia al conocimiento