C’est en autofinancement que j’ai commencé à capitaliser mon expérience, il y a bien des années. Car nul n’attachait vraiment d’importance à ce genre de labeur. On est du terrain ou de l’académie, il faut choisir ! J’avais choisi le terrain, au moment des études, tout en refusant que celui-ci soit exclu de la gestion ou production des connaissances. Mais ce n’est qu’en prenant sur mon temps et sur le budget de la famille que je trouvais les conditions pour transformer l’expérience en connaissance.
C’est volontairement en autofinancement que nous voulions commencer des capitalisations d’expérience comme Villa El Salvador au Pérou, comme l’accompagnement au mouvement des autorités indigènes du Cauca en Colombie, comme la santé publique au Pérou. D’abord parce que nous nous cherchions encore, quant à l’optique et la méthode. Ensuite parce que nous voulions que les processus se lancent à base de vraies motivations au lieu de devenir des « activités de projet ».
C’est pour cause d’absence de financement que bien des capitalisations d’expériences en sont restées au stade du désir et que d’autres, comme celles que j’ai mentionnées, n’ont pas encore réussi à décoller. Car les temps ont changé et, alors que la survie accapare les meilleures volontés, il devient de plus en plus difficile de préserver des moments pour travailler à quelque chose d’aussi « lointain » ou « hasardeux » qu’une capitalisation, pour dérober sur des budgets personnels de quoi acquérir les quelques fournitures indispensables.
Je crois être allé jusqu’au bout des possibilités d’échapper à des financements extérieurs et donc à la logique institutionnelle de projet. C’est sur la base de cette expérience que je pose à présent la question des ressources financières dont a besoin la capitalisation. D’autant plus que les récentes dynamiques vécues avec le Priv à Cochabamba en Bolivie et avec le Pput au Paraguay (dans les deux cas la coopération allemande, avec la GTZ, a joué le jeu et a pourvu aux besoins) m’ont démontré qu’on pouvait faire beaucoup, même dans des cadres de projet.
Combien faudrait-il ? Malheureusement je n’en sais rien, je n’ai même pas un exemple. Nous n’avons pas encore tiré le bilan sur ce point avec le Priv. De toutes manières, il faut toujours plus que ce qu’on peut avoir. Car l’appétit vient en mangeant et plus on a de disponibilité et plus on cherche à compléter le nombre d’années à réviser, le nombre d’acteurs qui capitalisent, le nombre d’aspects à approfondir. C’est tellement passionnant !
Mais il y a au moins quatre rubriques à considérer : le temps des acteurs-auteurs, l’équipement, le personnel d’appui, la diffusion. Tous quatre sont nécessaires. Pour Villa El Salvador et la santé publique au Pérou il ne nous manquait que de quoi assurer la disponibilité des acteurs-auteurs et nous avons échoué !
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Qu’il est difficile de faire financer les capitalisations d’expérience ! Pour l’instant je n’ai connu que la FPH et la GTZ allemande (et également le Programme des Nations Unies pour l’Environnement à Cajamarca en 1989, mais encore s’agissait-il d’une capitalisation extérieure, par des « experts »).
Deux éléments peuvent aider à changer progressivement cette réalité. D’abord l’exemple des produits de capitalisations réussies. Car il faut voir pour croire que c’est possible et que c’est utile ! Ensuite la crise des savoirs qui, à travers la crise de nos sociétés et de leurs modèles, appelle à une recomposition et donc au concours de tous, en particulier du terrain. Encore faudra-t-il que cette recomposition se généralise pour que beaucoup commencent à en découvrir l’importance.
Les capitalisations financées par la GTZallemande sont celles du PRIV à Cochabamba en Bolivie et celle du PPUT au Paraguay. Pour le PNUE, Programme des Nations Unies pour l’Environnement c’est celle du PPEA à Cajamarca au Pérou.
Fiche traduite en espagnol : « Capitalización: Las necesidades de financiamiento »
Ce dossier est également disponible sur le site de Pierre de Zutter : p-zutter.net
Version en espagnol du dossier : Historias, saberes y gentes - de la experiencia al conocimiento