08 / 1993
La Coopérative a été constituée à l’initiative d’un groupe de 18 femmes immigrées avec l’appui d’une association féministe de Turin, "Produrre e riprodurre" et de la Commission régionale pour l’égalité des chances. Il s’agit essentiellement de femmes d’origine étrangère provenant de 13 pays du Sud, spécifiquement d’Amérique du Sud, d’Afrique Noire, de la côte Sud de la Méditerranée, des Philippines et d’Iran.
L’Italie, étant devenue très récemment un pays d’immigration, ce qui explique que l’Etat et la société civile n’ont pas encore mis au point une politique d’accueil efficace et le manque d’initiatives pour la promotion des immigrés. Les femmes surtout sont encore perçues comme des personnes démunies, incapables de se prendre en charge et ayant besoin d’assistance. De plus, elles connaissent de graves difficultés d’insertion, compte tenu de la suppression massive d’emplois qui a touché la ville de Turin dans les années 1990 et la crise de l’Etat-providence qui ne permet plus d’offrir les services sociaux traditionnellement garantis dans le domaine de la maternité et de la santé.
Les femmes de l’association féministe de Turin (voir fiche IRED n.24)travaillent, depuis des années, sur les différents aspects économiques de la condition féminine et en particulier sur tout ce qui touche à la place des femmes dans l’économie de la reproduction. C’est pourquoi elles ont décidé de promouvoir un débat avec les femmes immigrées et les femmes engagées dans les organismes publics de la ville autour d’initiatives qui soient en même temps génératrices de revenus et porteuses de nouvelles formes d’échanges et de nouveaux rapports sociaux et culturels entre des femmes de cultures différentes.
A l’aide du Fonds Social Européen, l’administration de la Regione Piemonte a organisé un cours de formation pour aides familiales et travailleuses sociales qui s’adresse aux femmes immigrées majeures de plus de 25 ans, ce qui a permis de développer un projet d’entreprenariat. Pendant l’activité de formation centrée sur les aspects spécifiques de la condition féminine et utilisant une méthodologie d’approche de genre pour les problèmes liés à l’apprentissage, les femmes ont eu la possibilité de réfléchir, au-delà de la qualification spécifique, aux conditions sociales, de découvrir leurs potentialités et d’élaborer un projet d’entreprenariat de groupe.
La mise en commun de leurs itinéraires très variés constitue une ressource importante : on assiste à une différenciation par rapport aux qualifications professionnelles de départ, certaines ont exercé des activités libérales au pays (avocats...), d’autres ont acquis des savoir-faire traditionnels (cuisine, vêtements..), toutes en tant que femmes ont une maîtrise des soins ménagers en ce qui concerne les enfants et la famille.
Toutes sont animées par la volonté de sortir de la situation de précarité sociale et de marginalisation dans laquelle elles sont tombées du seul fait d’être des immigrées. Leur désir d’autonomie et d’émancipation est très affirmé. Elles veulent, à travers la création d’une entreprise, prouver leur sens des responsabilités, s’autoreprésenter dans la ville de Turin d’une façon positive par une contribution aux problèmes d’intégration culturelle.
Le cours a terminé fin février 1992 et elles ont aussitôt commencé à se réunir pour définir ensemble des objectifs, l’objet social de l’entreprise et son réglement intérieur. Elles ont choisi de travailler soit en établissant des conventions avec des organismes publics pour la gestion des services (aides soignantes...), soit directement sur le marché avec la mise en place d’entreprises privés dans le domaine de la restauration et d’aides familiales.
Aujourd’hui, les activités se sont diversifiées quant à leur contenu et à leur clientèle. La coopérative a créé 7 emplois pour la gestion des services d’assistance ; 3 des adhérentes occupent des postes de responsabilité dans la gestion administrative et la coordination, pour lesquelles elles perçoivent une petite rétribution ; un groupe gère une activité de restauration principalement dans le milieu associatif.
Le plan de développement prévoit la gestion d’un hammam à l’intérieur d’un Centre interculturel (voir fiche n°25), d’un service d’assistance aux étudiants étrangers dans le cadre d’une convention passée avec l’Ecole Polytechnique et la participation à une association en voie de constitution de médiation interculturelle pour l’insertion sociale des immigrés.
Les difficultés majeures rencontrées sont liées aux problèmes de gestion administrative pour lesquels elles ont bénéficié du soutien bénévole d’une Coopérative Sociale de Turin, la Cooperativa Progetto Muret, à la difficulté de prise de décisions et d’un travail en groupe.
En revanche la volonté de réussir leur projet et d’arriver à tout prix, surtout par rapport au milieu social de la ville et à leurs familles d’appartenance, constituent des atouts considérables. Elles ont choisi de se donner une rétribution égale, une rémunération faible afin de constituer un fond de roulement. En parallèle, elles ont décidé d’agir au niveau de l’opinion publique en participant aux initiatives sociales et politiques de lutte contre le racisme, l’indifférence et pour l’amélioration des rapports interculturels.
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, Italy, Turin
L’expérience est très dynamique : les femmes ont mis en commun leur besoin de se rendre indépendantes vis-à-vis de leur famille, leur courage et leur ténacité, leur volonté de réussir. Sur ce terrain, il y a une convergence entre les objectifs sociaux et les objectifs économiques qui représente un parcours original pour la construction d’une société interculturelle et pas seulement pour les problèmes liés à l’immigration.
L’information a été collectée au cours de l’entretien réalisé par Mariateresa BATTAGLINO à Pas BROSAS, présidente de la coopérative, à Turin le 12 mai 1993.
Interview
BATTAGLINO, Maria Teresa, IRED NORD
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