L’émergence du discours raciste

La recherche présentée a pour but de mettre en évidence un mécanisme de discrimination. plus précisément, il s’agit de montrer que la présence d’un caractère saillant chez la cible entraîne une déappropriation du sujet source se marquant par une rupture de ses conduites routinières. Soixante sujets non racistes avaient à écrire une lettre refusant sa proposition à un candidat présenté comme noir (modalité saillante)pour la moitié d’entre eux et comme blanc pour l’autre moitié. les résultats confirment l’hpothèse de déroutinisation et permettent de mettre à jour la sélectivité des omissions qui vont toutes dans le sens d’une déconsidération du candidat noir par rapport au candidat blanc.

Le sujet source se trouve confronté à un signal effectif indiquant le caractère étrange de l’autre. La première condition nécessaire à l’apparition de la conduite raciste est donc l’existence d’un caractère saillant chez la cible. La saillance se caractérisant par un écart massif à la norme, elle provoque nécessairement la focalisation de l’attention, de la source. Les routines sont constituées par l’ensemble d’actions, de mots ou d’idées (routines comportementales, routines verbales, routines de pensées)qui se présentent sous forme identique dans la répétition, elles sont intermédiaires entre les réflexes et les comportements inédits. Les routines semblent trouver leur origine à plusieurs niveaux. Tout d’abord, elles sont culturelles, ce qui révèle le fait qu’il n’existe pas de rites identiques dans toutes les sociétés. Contrairement à l’animal qui a des rites spécifiques (parade nuptiale, attaque,...), les humains traduisent les mêmes phénomènes par des conduites inscrites dans leur propre culture. L’hypothèse générale relative au déclenchement du processus racisant est donc que la confrontation à une personne porteuse d’un caractère racial saillant entraînera une déroutinisation globale (habituelle, conventionnelle, culturelle)de la conduite. Les auteurs ont proposé aux sujets d’écrire une lettre officielle dans le cadre d’une procédure de recrutement. Les sujets utilisent moins souvent des formules de politesse lorsqu’ils s’adressent à un noir que lorsqu’ils s’adressent à un blanc. Autrement dit on économise plus ses moyens face à un noir que face à un blanc. Les dossiers étant parfaitement identiques à l’exception de la couleur du candidat observé, les résultats sont nécessairement liés à l’état du sujet source. Ainsi, il semblerait que la désappropriation introduise un état d’esprit typiquement négatif.

La désappropriation des outils de gestion du social (les routines)semble donc être la cause essentielle de l’apparition de ces conduites racistes. De ce point de vue, l’extrémisation de l’interdiction de discrimination , allant jusqu’à considérer comme de "bon ton" de faire comme si on ne voyait pas les différences, semble avoir des effets inverses à ceux attendus. Inversement, les pratiques humoristiques jouant sur les stéréotypes associés aux appartenances ethniques permettent de contourner l’écueil de la scotomisation et de ses effets pervers. Cependant, le fait qu’elles ne soient possibles qu’au-delà d’un certain degré d’intimité limite leur champ d’application. La piste suggérée par cette recherche pourrait être de faciliter l’émergence de rituels interculturels généralisables à toutes situations.