10 / 1994
La situation de l’Afghanistan, après quatorze années de guerre, d’abord menée contre l’occupant soviétique puis contre le régime afghan pro-soviétique, apparaît catastrophique : un dixième de la population tuée (1.500.000 morts), un quart de la population réfugiée (plus de 5.000.000 de personnes)dans les camps de Pakistan et d’Iran, des destructions massives d’équipements collectifs dans l’ensemble des provinces (routes, barrages, canaux d’irrigation, réseaux de téléphone et d’électricité), la destruction quasi-totale des villages, des fermes; le minage général des sols, jusque dans les zones montagneuses les plus inaccessibles (largage de mines anti-personnel par hélicoptères); des populations mutilées (plus de 400.000 victimes, jeunes pour la plupart), enfin l’effondrement des structures sociales.
De plus, après une éphémère cohésion nationale contre l’occupant soviétique, le pays semble éclater en groupes ethniques rivaux, factions politiques et religieuses dans un jeu d’alliances complexe sans cesse bouleversé et une lutte meurtrière pour prendre le pouvoir, spécialement dans et autour de la capitale Kaboul, aujourd’hui en partie détruite. Quelle action de reconstruction entreprendre, pour quel résultat, dans de telles conditions ? En Afghanistan, tous les défis sont posés à la fois, tous les secteurs de l’activité économique et sociale posent problème, dans l’urgence le plus souvent.
Les points marquants de l’action de Madera
Tout en essayant de répondre aux besoins les plus criants des populations, le programme de MADERA poursuit depuis 1988 des actions de développement rural inscrites dans la durée, dans quatre provinces en vue de reconstruire les structures de production et contribuer ainsi au retour des réfugiés. Ces actions concernent les secteurs agricole (remise en culture des terres, distribution de semences sélectionnées, tests variétaux, locations de matériel, conseils agricoles)et vétérinaire (prévention des maladies, gestion des troupeaux), le domaine hydraulique (réparation des barrages et canaux, protection des berges, stockage des eaux de source et adduction d’eau potable)et forestier (gestion forestière, installation de pépinières, action de sensibilisation de la population), mais aussi des activités de formation (formation technique, formation/vulgarisation, production d’outils pédagogiques).
Devant une situation hérissée de difficultés et de défis impossibles, nous n’avancerons que quelques observations, modestes éléments de réponses fragmentaires, mais qui fondent notre action :
1)Les communautés locales (shouras villageoises ou provinciales)sur lesquelles nous avons toujours pris appui doivent être partie prenante des programmes mis en oeuvre, aussi bien dans la définition des objectifs que dans une active contribution à leur réalisation. Ces communautés villageoises traditionnelles constituent, particulièrement en l’absence de pouvoir politique central, une structure sociale de substitution, jouant un rôle pacificateur très visible dans leur zone géographique d’influence,car elles contribuent à marginaliser les "commandants" et autres petits seigneurs de guerre.
2)Le retour effectif des réfugiés sur leurs terres et le repeuplement des vallées comme facteur de normalisation. On observe que les zones remises en culture deviennent des secteurs pacifiés où règne un minimum de sécurité alors que les zones non réhabilitées et non repeuplées sont toujours tenues par des gens armés.
3)Dans les provinces sur lesquelles l’aide se porte depuis l’origine du programme, les résultats en matière de production agricole sont conséquents : le niveau global de production actuel dépasse celui d’avant la guerre.
4)La réintroduction progressive du fonctionnement de circuits économiques : après une première phase de distribution gratuite de céréales, produits phytosanitaires, médicaments vétérinaires par l’intermédiaire des communautés villageoises, passage à unevente à prix subventionnés, puis au prix du bazar.
5)L’expérience réussie d’échanges de cadres techniques salariés issus d’ethnies différentes, dans de nouvelles provinces.
6)L’émergence de besoins nouveaux en matière de santé et d’éducation acquis par les réfugiés, grâce à l’aide internationale mise en place dans les camps de réfugiés, comme la contagion du savoir et sa diffusion par des circuits divers et non institutionnels.
rural development, transition from war to peace, national reconstruction, self evaluation, NGO, development project, community participation
, Afghanistan
Expériences et réflexions sur la reconstruction nationale et la paix
L’auteur de la fiche est la déléguée générale de MADERA(Mission d’Aide au Développement des Economies Rurales en Afghanistan). Présente depuis 1988, avant même le retrait des troupes soviétiques, l’association MADERA mène un programme de développement rural dans 4 provinces d’Afghanistan.
Fiche rédigée à partir d’un document envoyé suite à l’appel international à contribution lancé par la FPH pour l’organisation de la rencontre internationale sur la reconstruction du Rwanda (Kigali, 22-28 octobre 1994)co-organisée par la FPH et le CLADHO(Collectif des Ligues et Associations de défense des Droits de l’HOmme).
Original text
MADERA (Mission d’Aides aux Développements des Economies Rurales en Afghanistan) - 3 rue Roubo, 75011 Paris, FRANCE - Tél :+33 1 43 70 50 07 - Fax :+33 1 43 70 60 07 - France - www.madera-asso.org - madera (@) globenet.org