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dialogues, proposals, stories for global citizenship

Déconstruire les mythes partisans pour guérir la mémoire

Jean Pierre GONTARD, Marie Joséphine NSENGIYUMVA

10 / 1994

1. Mémoire collective ou mémoire individuelle

Existe-t-il une mémoire collective qui serait différente de la somme des mémoires individuelles et familiales? Si oui, y a-t-il un fonds commun à toute la région des Grands Lacs qui serait un des fondements de la culture régionale ? Ou bien cette mémoire collective est-elle fractionnée, socialement, géographiquement, ethniquement ? Comment certains éléments récents peuvent-ils prendre la place d’éléments plus anciens dans la mémoire collective ? Comment valoriser certains éléments unificateurs anciens pour diminuer l’importance d’éléments de discorde récents?

Quel est le rôle de la famille dans la formation de la conscience individuelle des jeunes et de l’appartenance à un groupe ou une collectivité ? Quel est le rôle particulier des femmes (mères, grand-mères, grandes soeurs)dans la prise de conscience des très jeunes des difficultés ou des joies du passé?

2. L’éducation, l’histoire et la mémoire

Il n’existe toujours pas de manuel d’histoire dont le texte serait commun aux pays d’Europe, au moins à la France, à la Belgique et à l’Allemagne, qui se sont combattues lourdement à trois reprises en moins d’un siècle. Cependant, il existe des commissions qui essaient d’éliminer des textes scolaires les affirmations trop tendancieuses. Peut-on en conclure qu’il n’est pas possible de mettre au point des textes représentant le consensus minimum sur l’histoire récente ? L’exemple du Burundi est intéressant. Dans le cadre de l’ouverture et de la démocratisation, la Commission Constitutionnelle, composée de 35 membres, a jugé bon de consacrer une part importante de son temps à écrire collectivement l’histoire du Burundi au 20ème siècle. Le « Rapport sur la démocratisation des institutions et de la vie politique au Burundi » (août 1991)comporte 10 pages de consensus très utiles pour unifier la mémoire collective et l’interprétation de l’histoire récente. Peut-on imaginer que de tels textes figurent dans les manuels d’histoire rwandais?

3. Mémoire et impunité

L’impunité est-elle un danger majeur pour l’évolution de la mémoire collective ? Certainement. De nombreux exemples, d’autres pays, ou d’autres cultures le prouvent. La fiche consacrée à l’impunité développe une série d’enjeux liés au système judiciaire. Est-ce suffisant ? Peut-on envisager la constitution d’une « Commission de la vérité » qui précéderait ou qui compléterait la mise en place d’un système judiciaire cohérent ? Une commission de la vérité peut enquêter, identifier des coupables, démonter des mécanismes de manipulation, sélectionner des événements significatifs dans une masse d’événements apparemment identiques. Le cas du Chili et du Salvador seraient très utiles pour la réflexion préalable et la mise en place de telles commissions dans la région des Grands Lacs. Une telle commission doit-elle être strictement internationale (comme au Salvador)ou peut-elle inclure des membres ou des experts de la région ? Une commission de la vérité peut-elle établir des listes de personnes désignées symboliquement à l’opprobre nationale ? Les témoignages recueillis par la justice au cours des divers procès pénaux doivent-ils être rendus publics maintenant ou plus tard ? à l’état brut ou après traitement par des historiens ?

4. Une piste de réflexion : pour un « florilège des hauts faits humanitaires au Rwanda 1959-1994 »

Les mémoires collectives et individuelles doivent garder le souvenir de tous les actes exceptionnels qui ont été accomplis par des individus, des familles et des institutions pour sauver des Rwandais lors des divers épisodes des massacres qui se sont succédés depuis 1959. L’éducation des générations futures sera basée non seulement sur l’étude de l’enchaînement tragique : peur - violence - peur- violence mais aussi sur les actes de civisme et de courage qui se sont multipliés en ville comme à la campagne. Les Hutus qui ont risqué leur vie pour sauver des Tutsis et les Tutsis qui ont fait de même pour permettre à des compatriotes Hutus de se mettre à l’abri méritent que l’on fixe en détails leur histoire.Un groupe de personnes issues des milieux associatifs pourrait faire un premier inventaire discret de cas et témoignages. Les mêmes méthodes utilisées pour les commissions d’enquête sur les crimes contre l’humanité seraient utilisées pour documenter et vérifier les hauts faits humanitaires. Un florilège regroupant les meilleurs exemples serait un instrument de réconciliation et de culture de portée régionale et durable.

Key words

collective memory, representation of the enemy, history teaching, peace culture, restoring historical truth


, Rwanda

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Expériences et réflexions sur la reconstruction nationale et la paix

Notes

Fiche de synthèse rédigée par Jean Pierre GONTARD sur la base des recherches de l’IUED et du travail de Marie-Joséphine Nsengiyumva, étudiante rwandaise à l’IUED. J.P. Gontard est le directeur-adjoint de l’Institut Universitaire d’Etudes du Développement (Genève); il a été un des partenaires actifs dans l’organisation de la rencontre internationale sur la reconstruction du Rwanda, co-organisée par la FPH, et qui s’est tenue à Kigali du 22 au 28 octobre 1994.

Fiche rédigée à partir d’un document envoyé suite à l’appel international à contribution lancé par la FPH pour l’organisation de la rencontre internationale sur la reconstruction du Rwanda (Kigali, 22-28 octobre 1994)co-organisée par la FPH et le CLADHO(Collectif des Ligues et Associations de défense des Droits de l’HOmme).

IUED (Institut Universitaire d'Etudes du Développement) - 20 rue de Rotschild, CP 136, CH-1211 Genève 21. SUISSE - Téléphone :  + 41 22 906 59 40 - Fax :  + 41 22 906 59 47 - Switzerland - www.unige.ch/iued/ - iued (@) unige.ch

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