Pour une école de l’humanisme
10 / 1994
Souvent l’université forme des journalistes sans les mettre en contact avec le monde qu’ils doivent affronter. Ils étudient l’histoire et non la réalité, l’éthique sans application pratique. Ils sont rarement confrontés aux réalités du pays dans lequel ils doivent travailler.
Il faut encourager la connaissance, la réflexion et le débat sur des sujets aussi importants que la paix, le règlement de la violence, le respect et la promotion des droits de l’homme et la recherche de solutions pacifiques aux conflits actuels.
L’université doit former des journalistes humanistes, convaincus que leur profession est un service et non un pouvoir ou un outil servant leurs intérêts. Elle doit former des « leaders » véhiculant des idées de paix, respectant le droit à l’information et le pluralisme. Des journalistes indépendants à la recherche de la vérité et convaincus que leur rôle est lié au bien-être de la communauté. L’académie doit faire prendre conscience aux étudiants que non seulement ils rendent compte d’une réalité créée par d’autres et que de cette manière ils contribuent à écrire l’histoire de leur pays. Elle doit leur montrer leur rôle d’acteurs de l’histoire et de promoteurs d’un futur meilleur pour leurs communautés.
Les écoles de journalisme doivent témoigner de leur vocation historique. Elles doivent donc favoriser une conscience critique chez les journalistes de manière à entraîner des changements d’attitude et de comportement nécessaires à la création de conditions culturelles de tolérance, de coexistence pacifique, de solutions pacifiques aux conflits et de reconnaissance du droit à la différence. Voilà les bases d’une vraie démocratie. Pour cela, elles doivent en particulier réorganiser leurs programmes généraux et spécifiques, leurs théories, objectifs et méthodologies, afin de répondre aux attentes et aux besoins des sociétés en conflit.
L’intérêt nouveau de médias responsables socialement implique unchangement profond des pensums et de l’attitude des professeurs qui ne peuvent être éloignés de la réalité et proposer des théories solides, souvent inapplicables sur le terrain. Il est nécessaire d’adopter une méthode d’observation-déduction, pour analyser des problèmes concrets, liés en particulier à la violence, en respectant et orientant l’éthique des étudiants. Ainsi, l’analyse éthique doit être présente dans tous les programmes du cursus. Les thèmes comme la paix, les droits de l’homme, le règlement de la violence et la recherche de solutions pacifiques aux conflits devraient être à l’origine d’un nouveau cursus mais également être constamment l’objet de discussions et de prises de position à tous les niveaux d’études et être intégrés dans les stages professionnels, séminaires et ateliers.
Des journalistes au service de la communauté
Les journalistes ne doivent pas être formés à se faire le simple écho de la réalité créée par d’autres. Ils doivent être formés à être des humanistes qui croient en une société idéale et travaillent à la réalisation de cet idéal à travers les médias. Les journalistes ne sont pas des hommes politiques mais comme eux, ils doivent travailler pour le bien-être et l’intérêt général, être indépendants des pressions de personnes ou de secteurs puissants. Ils doivent analyser et contrôler les décisions politiques et les critiquer lorsqu’elles nuisent à la communauté. Les sources journalistiques posent encore trop souvent problème. On donne trop d’importance aux sources officielles : la communauté (société civile) doit être la source principale d’information car elle connaît ses problèmes et a des idées pour les résoudre. Elle est le vrai acteur de la paix ou de la guerre, à travers ses attitudes et ses comportements. Elle a besoin et a le droit de s’exprimer. L’importance d’une source d’information est déterminée par son intérêt et sa contribution au bien-être général, et non seulement en raison de sa notoriété ou de son statut.
Les petites gens font l’histoire qui s’écrit non seulement à partir de personnalités ou d’événements connus, mais aussi à partir d’événements de tous les jours, les petits riens de la société et des personnes. Les sources officielles donnent une version officielle de la vérité, les sources non gouvernementales ont leur propre version, toute aussi importante lorsqu’il s’agit de découvrir une vérité non tronquée. L’importance de cet aspect est accrue dans les sociétés en conflit ou dans les démocraties faibles.
Derrière toutes ces idées se pose le droit à l’information, un droit qui va au-delà de la liberté d’information. Il faut insister sur l’enseignement de la signification du droit à l’information en théorie et en pratique. La Déclaration des Droits de l’Homme des Nations Unies de 1948 prévoit ce droit, mais il a été peu encouragé, car les intérêts privés et le confort des propriétaires des médias est un véritable obstacle. La meilleure manière de promouvoir le droit à l’information est de l’intégrer à l’université, de manière à ce que les étudiants et les nouveaux journalistes l’intègrent dans leur code d’éthique et dans leur pratique. Lorsqu’une pratique devient générale, les barrières finissent par s’écrouler. Le droit à l’information est un outil essentiel à la construction de la démocratie, non seulement dans les médias, mais dans la société.
La crédibilité des médias dans les sociétés en conflit est déterminée par leur degré d’engagement en faveur de l’intérêt général et des attentes sociales, sans exclusion ou partialité. Une telle attitude dépend du degré de professionnalisme des journalistes, lui-même largement induit par le type de formation proposé par l’université.
ethics of the media, training, journalist, right to information
, Colombia
Expériences et réflexions sur la reconstruction nationale et la paix
L’auteur de la fiche est la directrice du journal El Colombiano. Texte rédigé à Bogota et traduit de l’espagnol.
Fiche rédigée à partir d’un document envoyé suite à l’appel international à contribution lancé par la FPH pour l’organisation de la rencontre internationale sur la reconstruction du Rwanda (Kigali, 22-28 octobre 1994) co-organisée par la FPH et le CLADHO (Collectif des Ligues et Associations de défense des Droits de l’HOmme).
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