Histoire de la politique de l’Etat espagnol en Amérique latine en matière de liens matrimoniaux
04 / 1993
Aucun autre continent n’a connu un aussi grand métissage des populations que l’Amérique latine. Et cela malgré l’idéologie de la pureté raciale véhiculée par la loi espagnole. L’histoire de l’Amérique latine est une histoire de discrimination. La politique espagnole concernant les liens matrimoniaux est là pour le démontrer. Celle-ci a connu plusieurs étapes. Les premiers espagnols qui débarquent en Amérique avec Colomb sont essentiellement des jeunes de moins de 25 ans, sans femmes. Les caciques indiens les accueillent avec de très belles femmes. C’est de ces unions que naîtra la première génération de métis du continent. Durant les premières décennies de la conquête la couronne espagnole encourage les mariages entres conquérants et femmes indiennes. Cette attitude libérale va s’estomper plus tard sous la pression de l’église. Le mariage avec les païens étant pour celle-ci un sacrilège partir de ce moment une politique de ségrégation entre les espagnols et les indiens va être mise en route. Ainsi en 1549, un arrêté royal va interdir aux espagnols de prendre des femmes indiennes comme épouses ou comme concubinnes. Les colons n’auront alors pour tout choix que d’emmener leur femmes d’Espagne ou d’y retourner pour renforcer cet arrêté de 1549, la suppression du droit à l’encociemmento aux colons qui n’auraient pas épouser de femmes espagnoles dans les trois ans est édictée. Malgré cette législation répressive le nombre de métis va continuer à augmenter et leur mosaïque sera enrichie par l’arrivée des africains en Amérique. Les autorités espagnoles vont continuer à durcir la législation. Un décret royal de 1578 va interdir aux mulâtres, métis et noirs de vivre dans les villages indiens. Un siècle plus tard la mesure sera étendue aux espagnols et aux créoles. Rien n’y fait : le métissage va continuer. En 1781, l’Espagne renforce les mesures discriminatoires. Plus que jamais le mariage, l’entrée à l’université et l’ordination des prêtres seront subordonnés à la présentation d’un certificat de pureté de sang. Plus que d’autres décrets celle-là n’aura pas plus d’impact. Le métissage ayant atteint un point que peu de gens pouvaient oser se prévaloir être de sang pur. Pour sortir de cet impasse un nouvel arrêté royal appelé gracis al suer -le moyen de s’en sortir- est promulgué. Contre paiement d’une somme allant d’une centaine à plusieurs milliers de pesos stipule cet arrêté, les interdits pesants sur les "non purs de sang" pourraient être levés. Il suffira alors d’avoir le sang du terroir pour pouvoir se marier, entrer à l’université ou dans l’administration.
aculturation, cultural identity, cultural interdependence, cultural syncretism
, Latin America
L’histoire du brassage des populations d’Amérique latine malgré les murs sociaux, économiques et culturels qui séparaient les différentes populations et la répression juridique de tout lien matrimonial entre personnes de "races" différentes, est la preuve de la futilité de la préservation du mythe de la pureté raciale.
Fiche de suivi des manifestations du 5° centenaire de la "rencontre des deux mondes". Ces fiches ont été rédigées à partir d’interviews effectués lors de la rencontre "Identité des peuples d’Amérique 500 ans après" organisée par la Fondation Science et Art à Saint Domingue du 13 au 21/11/1992
Interview