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Une approche alternative de la régularisation foncière

Une approche alternative de la régularisation foncière dans la lutte l’exclusion massive des pauvres dans les villes en développement

David Bodinier

2010

Une approche alternative de la régularisation foncière dans la lutte l’exclusion massive des pauvres dans les villes en développement a été formulée par des membres de l’Association Internationale de Techniciens, Experts et Chercheurs (AITEC) à l’occasion de plusieurs rencontres internationales organisées dans le cadre du programme Gestion Urbaine de la Banque Mondiale-CNUEH. Cette fiche présente le contexte qui a permis l’émergence de ces travaux ; puis expose des éléments sur une nouvelle approche en terme de régularisation foncière formulée lors de la rencontre de Mexico en 1993. Enfin à partir du compte rendu d’un débat sur la régularisation foncière mené par le réseau N-AERUS, nous présentons un aperçu des formes émergentes de production foncière.

New Dehli, India

Au cours des années 80, plusieurs membres de l’AITEC ont mené des travaux sur la question foncière dans les villes du Sud. Ces travaux s’inscrivent dans la lignée des travaux, parfois qualifié de réformistes, de J-F Turner, qui a proposé une redéfinition du rôle et de la légitimité des divers acteurs urbains : « seule la sécurité de la tenure est susceptible d’apporter une amélioration des conditions de logement ; sans la précarité ni menace d’éviction, l’occupant procède lui-même à l’amélioration de son logement». Selon Alain Durand Lasserve, le phénomène d’exclusion des situations foncières et urbaines dans le Tiers-Monde se situe à trois niveaux : i) en amont du processus de production foncière et immobilière où l’absence de régulation profite aux groupes puissants qui accaparent la terre  ii) au niveau de l’intervention des pouvoirs publics qui à travers l’introduction du crédit « véritable clef de voûte du système » éliminent les groupes à revenus faibles, iii) à travers la concentration des politiques foncières et les politiques d’équipement dans la seule ville « légale » excluant de fait les populations vivant dans les quartiers informels. Face à ces phénomènes d’exclusion, l’une des revendications des mouvements sociaux urbains a été la légalisation/régularisation des quartiers illégaux.

En 1994, l’AITEC a été engagée dans la préparation et dans le déroulement d’un séminaire international sur la thématique de « l’accès des pauvres au sol urbain : nouvelles approches en matière de politique de régularisation foncière dans les pays en voie de développement ». Le séminaire a regroupé quatre-vingt professionnels de dix-neuf pays intervenant sur des programmes de régularisation foncière dans des centres de recherche, des ONG, des institutions nationales et internationales. La définition suivante a été adoptée : « La régularisation de l’habitat donne un contenu concret au droit à un logement décent, à travers un processus qui inclut des méthodes permettant de reconnaître l’occupation (au sens d’occupation du sol en dehors des procédures légalement organisées) et de légitimer l’accès des habitants au crédit et aux services. » Le séminaire a insisté pour que les programmes de régularisation foncière soient considérés comme faisant partie des méthodes de réhabilitation et de production de l’habitat et des techniques d’aménagement et de production foncière. Il a été rappelé que la diversité des pratiques collectives des habitants engagés dans ces processus fondent le caractère particulièrement innovant des programmes de régularisation foncière. Ces définitions et ces positions ont ouvert de nouvelles perspectives. Une déclaration dite de Mexico a été adoptée puis prolongée par des rencontres internationales à Abidjan en 1995 et à New Dehli en 1996, réalisées dans le cadre de la contribution française au programme de Gestion urbaine de la Banque Mondiale–CNUEH. Les propositions formulées lors de ces rencontres seront diffusées lors du Sommet des villes d’Istanbul en 1996.

Lors d’un séminaire du réseau N-AERUS en 2001, la question a été posée de savoir si la régulation des quartiers illégaux était une solution pour combattre la pauvreté :  « l’argument selon lequel la légalisation d’un quartier favoriserait la spéculation foncière populaire, très souvent avancé par les responsables de l’administration, mérite que l’on s’y arrête. L’opération de légalisation-régularisation génère effectivement une plus-value qui bénéficie aux propriétaires-occupants. Or, si l’on cherche réellement à améliorer la situation économique des populations urbaines pauvres, comme le proclament les tenants des programmes d’amélioration de la pauvreté, force est de reconnaître que mettre les pauvres en situation de capter - pour une fois - cette plus-value est une méthode de lutte contre la pauvreté autrement plus efficace que beaucoup de programmes combinant avec plus ou moins de bonheur et au prix d’un montage complexe et souvent coûteux, formation professionnelle, aide à l’emploi, participation communautaire et micro-crédit. C’est sans doute cela que les classes dirigeantes - et avec elles une partie de l’expertise internationale - ne peuvent accepter. Le droit de tirer profit d’une appréciation de leurs très modestes logements est dénié aux habitants des quartiers pauvres ». 

Face au recul du service public de production foncière constatée dans les années 90, une attention particulière a été portée sur les formes émergentes de production foncière dans les zones urbaines, notamment sur les filières coutumières et néo-coutumières qui se sont fortement développées dans les quartiers périphériques des grandes agglomérations. Si les formes néo-coutumières de production foncière apparaissent comme une alternative à l’échec des filières formelles qui garantit une assez bonne sécurité foncière, notamment contre les expulsions, et constituent une réponse à la demande des populations pauvres, il est nécessaire d’interroger cette dynamique sur le long terme. Le principal écueil est l’incapacité du système néo-coutumier à produire des terrains équipés qui permettent un accès aux équipements et aux services urbains.

Dans ce dossier nous prolongeons cette réflexion par une fiche sur une gestion urbaine renouvelée pour lutter contre l’exclusion.

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Comment lutter contre l’exclusion ?

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Pour approfondir :

Le site d’Etudes Foncières, www.adef.org/site/index.php

Source

AITEC, Occupation et régularisation foncière au regard des droits au logement et à la ville, Déclaration de l’AITEC dite de Mexico du 9 juin 1994, aitec.reseau-ipam.org/spip.php?article54

Alain Durand-Lasserce, L’exclusion des pauvres dans les villes du Tiers Monde, Bibliographie commentée, Paris, L’Harmattan, 1986, 198p. (Coll. « Villes et entreprises »)

Tribillon J.-F., 1995, « Contourner la propriété par l’équipement des villes africaines », in Les

annales de la recherche urbaine, n° 66, mars 1995, pp.118-123.

Alain Durand-Lasserve et Jean-François Tribillon, Quel habitat pour demain ? Les pratiques émergentes pour les plus démunis, rapport non publié, 2002

Document de travail pour le séminaire du réseau ESF / N-AERUS, Belgique, mai 2001, Quelles réponses à l’illégalité des quartiers dans les villes en développement,www.globenet.org/aitec/chantiers/urbain/ppu/illegalites.htm

Photo : Niharg, Licence Creative Commons

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