Un total de 42 peuples indigènes habite les montagnes et collines de l’Himalaya dans le Royaume du Népal. Leur langue, leur culture et leur identité se trouvent en danger du fait de l’absence de représentation. Dans certains cas, ils ne bénéficient même pas de la reconnaissance de leur nationalité indigène. S’organiser pour porter une voix plus forte représente aussi une opportunité pour perpétuer son identité.
Le Royaume du Népal est enclavé sur une longueur de 650 kilomètres sur le versant Sud de l’Himalaya, avec seulement 200 kilomètres de large du Nord au Sud. Il s’agit d’une société agraire qui en 1951 s’est ouverte au monde alors qu’elle n’abritait ni industrie, ni écoles, ni hôpitaux, ni routes ni énergie électrique. Depuis lors, le pays a avancé lentement sur le chemin de l’amélioration de la qualité de vie de ses habitants, même si l’on estime qu’encore 47% de la population est sans emploi. Selon les indicateurs de développement contemporains, le Népal est l’un des pays les plus pauvres du monde, mais il dispose d’une richesse en termes de diversité biologique et socioculturelle. Biodiversité et peuples indigènes s’avèrent d’ailleurs étroitement connectés.
Ce petit pays a pour point culminant le mont Everest, et pour point le plus bas des plaines situées à seulement quelques centaines de mètres d’altitude. Géographiquement, le Népal est divisé en trois régions : les montagnes, les collines et les plaines du Teraï. L’agriculture occupe quasiment 80% de la population disposant d’un emploi ; elle est localisée principalement dans les plaines, depuis lesquelles elle alimente les zones montagneuses qui souffrent de pénuries plus graves. Les terres de collines et de montagnes se sont révélées trop difficiles pour y construire des infrastructures, même des routes. Dans la totalité du pays, on compte moins de 4000 kilomètres de routes asphaltées. Le Teraï borde la frontière indienne et partage avec le pays voisin des plaines baignées par trois grands fleuves. La zone est chaude et humide. La zone des collines varie en altitude de 1000 à 4000 mètres ; la vallée de Kathmandou y est située. Au Nord, on trouve la zone la plus élevée, la chaîne de l’Himalaya, qui compte sur le territoire népalais huit des plus hautes montagnes de la planète. Le Royaume du Népal possède donc une grande variété de caractéristiques géographiques, qui ont fourni le cadre du développement d’une richesse culturelle tout aussi impressionnante, dont les 59 nationalités indigènes distinctes reconnues en 1997 par le gouvernement népalais constituent un reflet.
Pas de mécanismes pour faire entendre l’opinion des minorités
Le Népal estimait en 2005 sa population totale à 27 millions d’habitants, dont environ 36,1% d’indigènes. Toutefois, dans les discussions politiques, dans le cadre de l’élaboration de programmes de lutte contre la pauvreté ou tout autre type de décision d’importance nationale, jamais les 59 nationalités indigènes reconnues ne furent représentées ni consultées.
Le Royaume du Népal est une nation multiculturelle, multilingue, multireligieuse et multiraciale. La Constitution népalaise garantit les droits des nationalités indigènes, leurs cultures, langues, croyances et religions. Elle ménage véritablement un espace légal spécifique pour les groupes minoritaires. Pourtant, le gouvernement n’a mis en place aucun mécanisme pour consulter et s’assurer de la participation des peuples indigènes à l’identification des problèmes, la préparation et l’évaluation de propositions alternatives et la prise de décision finale quant aux mesures à adopter. Il n’a rien prévu non plus en ce qui concerne sa propre relation avec les peuples indigènes et leur accès à l’information, à la recherche, à la participation et à l’association. Les peuples indigènes ne participent pas à l’identification des priorités en ce qui concerne leurs propres problématiques, ni à la planification, à la prise de décisions, à l’accès, au contrôle et aux bénéfices des ressources qui les entourent.
Toutes les activités de consultation et de participation sont menées à bien par les groupes socialement dominants : hindous, hommes, castes supérieures, chercheurs et dirigeants politiques. Le gouvernement n’a jamais appliqué le principe de « demander d’abord » et n’a jamais organisé de consultation d’aucune sorte, ni sollicité de commentaires écrits sur ses documents en débat auprès des peuples indigènes.
Dans la foulée de la reconnaissance légale des nationalités indigènes fut créée en 2002 la Fondation nationale pour le développement des nationalités indigènes, une entité autonome. Mais le gouvernement n’a ni consulté ni permis aux peuples indigènes de participer aux activités de lutte contre la pauvreté.
Les conséquences de cette absence de consultation son graves. Selon Yasso Kanti Bhattachan, l’absence d’expression des voix minoritaires a fait que le gouvernement s’est aliéné les peuples indigènes, qui dès lors étaient très peu motivés à participer aux programmes de développement gouvernementaux. Cette situation a rendu de nombreux projets et programmes non viables, et a même entraîné une augmentation significative du nombre des indigènes qui ont décidé de prendre part aux conflits armés internes au pays.
Grâce à l’ordre et à l’effort, on parvient à conserver sa culture
Jusqu’à aujourd’hui, personne n’a entrepris d’étude exhaustive des castes, ethnies et langues présentes sur le territoire népalais. Pour cette raison, le nombre officiel de langues et de nationalités n’est pas exact et pourrait être plus important. Toutefois, parmi les nationalités que le Royaume du Népal a officiellement reconnu, on trouve 18 nationalités cataloguées comme de montagne et 24 dans les collines. L’identification et la définition des nationalités indigènes est de grande importance, pour deux raisons principales : pour reconnaître leur existence, et pour rendre clairement visibles leurs intérêts et problématiques à tous les niveaux gouvernementaux, civil et internationaux.
D’identité Thakali, une nationalité indigène des montagnes, Yasso Kanti Ĺ“uvre pour conserver les cultures, modes de vie, langues et traditions des peuples indigènes du Népal. Elle s’implique particulièrement sur les questions de genre et sur les nationalités indigènes en péril, ainsi que sur les communautés les plus marginalisées. C’est une chercheuse universitaire qui travaille aussi activement avec les communautés. Elle est présidente de l’Association des femmes Thakalis, ainsi que l’une des fondatrices de la Fédération nationale des femmes indigènes du Népal – parmi de nombreux autres groupes, forums et fondations dans lesquels elle participe comme présidente, vice-présidente, administratrice ou membre.
Ses efforts et son travail sont consacrés aux peuples indigènes en danger, marginalisés ou désavantagés. Elle les aide à former des organisations qu’ils peuvent enregistrer officiellement auprès du gouvernement. Elles encourage aussi à créer entre les différents groupes indigènes des associations au niveau de chaque district et des comités représentatifs au niveau national, afin d’obtenir des réponses plus satisfaisantes à leurs revendications, comme dans le cas des indigènes Bankaria.
Les Bankaria sont une très petite nationalité indigène qui habite les collines proches de la vallée de Kathmandou. 64 personnes à peine composent la population totale de ce peuple indigène, et aucune d’entre elles ne dispose d’un document officiel attestant de leur appartenance à une nationalité-identité distincte. Une virulente campagne menée par le Forum national des femmes indigènes permit à 22 Bankarias d’obtenir la reconnaissance de leur nationalité, et par là même la propriété d’un peu de forêt et de terre à cultiver.
Yasso Kanti et ses partenaires dans différentes organisations s’efforcent d’aider les indigènes en les orientant sur la défense de leurs droits et sur les moyens de renforcer leur identité. Préserver, promouvoir et conserver leur langue, leur culture, leur tradition, leur religion et leurs coutumes dans la mesure du possible. Ils ont mis l’accent sur l’alphabétisation au sein de ces peuples, à travers par exemple des programmes d’éducation de base. Tous ces efforts ont permis l’établissement de nouveaux liens entre les associations indigènes récemment créées et les ONG et organismes gouvernementaux qui peuvent apporter des bénéfices à ces peuples.
Les peuples indigènes des collines et des montagnes sont ainsi encouragés à renforcer leurs capacités à travers des formations qui les mènent à développer des activités économiques productives, le leadership, la prise en compte des thématiques de genre, la compréhension du système juridique et politique. Ils bénéficient aussi parfois d’un appui technique et académique pour la documentation et la préservation de leurs langues et chansons. Yasso Kanti a ainsi pris l’initiative d’enregistrer les chansons religieuses de sa langue natale, le Thakali, et de transcrire et publier leurs paroles. Car si cela n’avait pas été fait, lorsque les anciens de cette nationalité seront morts, tout vestige de cette identité aurait quasiment disparu. Un travail similaire est aujourd’hui réalisé pour 6 autres langues indigènes.
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Le sentiment de Yasso est que le gouvernement du Népal doit mettre en place des mécanismes de consultation qui permettent aux indigènes de participer eux-mêmes à la lutte contre la pauvreté et pour l’éducation. Et ceci ne sera possible que si les peuples indigènes s’organisent en interne avec une représentation politique visible dans les termes du monde moderne.
Entretien réalisé par ALMEDIO Consulting avec l’appui de la Fondation Charles Léopold Mayer durant la rencontre régionale organisée par l’Association des peuples de montagne du monde - APMM.
Fiche originale en espagnol : Recuperando la nacionalidad indígena en el Himalaya nepalí. Traduction : Olivier Petitjean.
Interview
Yasso Kanti Bhattachan
GPO Box 5353, Katmandu, Nepal
Téléphone.: +977-1555-1469
Email: kchan@wlink.com.np
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