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Les comités de réconciliation au Bénin : un outil de prévention et une alternative au dysfonctionnement de la justice

Cyprien GANGNON

2001

Face à la recrudescence de la violence constatée au quotidien dans les villages de la région de Parakou (nord Bénin) et à l’incurie de l’Etat à y apporter une solution, une expérience vient de démarrer, visant à mettre sur pied des comités villageois de réconciliation destinés à prévenir les conflits ou à favoriser leur résolution.

Cette expérience a commencé à Kika, un petit village à 15 km de Parakou. Bourgade située à quelques encablures du fleuve Okpara, ses riches terres accueillent les paysans Otamaris et Lokpa venus du nord-ouest du Bénin et du Togo voisin. L’état de violence y est devenu particulièrement inquiétant, notamment les jours de marché: querelles entre femmes ou entre hommes à propos d’une femme, vols de poules, jalousies diverses... Le recours à la machette est fréquent et les risques d’escalade sont sérieux. L’abus d’alcool, courant dans cette région, est considéré comme une des causes essentielles du passage à l’acte.

Pour tenter d’y remédier, la CDDH (Commission Diocésaine des Droits de l’Homme) entreprend depuis avril 2000, avec l’accord des communautés villageoises, un projet pilote de constitution de comités de réconciliation. Les équipes constituées ont pour rôle d’être attentives aux situations conflictuelles et de prévenir leur dégénérescence, d’agir de façon curative en cas de violence pour rapprocher les parties en désaccord, de reconstituer le tissu social brisé.

La mise en place de ces groupes s’est opérée en trois étapes. Tout d’abord, des discussions informelles sur les droits humains ont été organisées par les parajuristes de la CDDH dans les villages, en vue de sensibiliser le plus grand nombre de personnes à la nécessité, pour chaque village, d’apporter une réponse collective à la multiplication des situations de violence constatées.

La deuxième étape a consisté en la mise en place des comités de réconciliation à partir de critères de sélection des candidats préalablement définis. Les cinq comités pilotes pour l’instant installés respectent un équilibre : représentation des femmes, des jeunes, des hommes, des ethnies et des religions. Ils ont été constitués par les villageois eux-mêmes et sont composés chacun de cinq personnes.

La troisième étape a consisté à organiser, pour les comités de réconciliation, des formations spécifiques sur la définition du conflit et de la violence, l’analyse des réactions humaines face au conflit et à la violence que sont : “ l’indifférence passivité ”, “ la contre violence” et “ la non violence active”. Il s’est agit d’expliquer notamment, en quoi la dynamique non violente active visait à terme la réconciliation des personnes en situation conflictuelle, qu’elle n’était ni une fuite dans la neutralité silencieuse, ni une tentative d’arrangement superficiel qui ferait rebondir le conflit ou la violence, encore moins un laisser-aller qui voudrait qu’on laisse le temps au temps.

L’application de cette démarche implique d’analyser le conflit ou l’injustice en les nommant, de désigner les auteurs sans les diaboliser, de décortiquer les raisons et les conditionnements historiques, culturels, politiques et sociaux. Elle repose également sur le refus systématique de toute réaction violente dans le processus de dénouement.

L’enseignement de cette démarche et des techniques auxquelles elle renvoie a conduit les personnes membres des différents comités de réconciliation à revisiter leur culture et y découvrir ses forces et faiblesses, notamment en ce qui concerne la question de la désignation des injustices et de leurs auteurs.

Depuis leur création, ces comités ont déjà à leur bilan plusieurs dizaines de cas traités. Le pivot ici reste le dialogue, très proche de la palabre qui se tient souvent sous le grand manguier du village, autour du roi et de sa cour, ou autour d’autres dignitaires suivant l’importance de la question à discuter.

Une évaluation sérieuse est prévue au cours de l’année 2001. Une telle expérience, dans le cas où elle serait positive, mériterait d’être dupliquée dans de nombreuses communautés villageoises, où depuis le bas âge, l’enfant est éduqué à démontrer sa bravoure et son courage à travers la réplique énergique avec laquelle il répond à une agression.

Cette expérience, encore toute récente, montre que le modèle de transformation sociale peut venir de la base, d’autant plus que les paysans dans nos régions sont de plus en plus ouverts aux propositions d’outils visant au “mieux vivre ensemble”.

CDDH (Commission Diocésaine des Droits de l’Homme) - BP 226, Parakou, BENIN - Tél. : (229) 61 11 16 - Fax : (229) 61 11 17 - Benin

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