03 / 1993
En dehors de leurs problèmes spécifiques, les artisans pêcheurs africains sont désormais confrontés à de nouveaux protagonistes à l’intérieur même de leur zone de pêche. Les menaces que font peser sur l’environnement le développement des activités industrielles et la concurrence du tourisme et de la pêche à grande échelle conduisent à repenser les législations qui régissent l’accès à la mer si l’on veut protéger la pêche artisanale africaine de ces nouveaux périls.
Bien que l’industrialisation n’en soit souvent qu’à ses débuts en Afrique et principalement concentrée autour des grandes métropoles, la pêche souffre des dégradations de l’environnement causées notamment par les rejets industriels ou encore par l’existence de forages pétroliers qui entraînent directement ou indirectement une raréfaction des ressources halieutiques.
Le tourisme constitue lui aussi un danger pour le pêcheur artisanal africain car il encourage la pratique de la pêche sous-marine de plaisance dans les eaux normalement consacrées à la pêche artisanale. La pratique de ce sport disposant d’un matériel sophistiqué (fusils de chasse sous-marins, réserves d’oxygène)représente une concurrence déloyale pour la pêche artisanale. En effet, le produit de cette forme de pêche liée au tourisme est revendu sur le marché local, privant les pêcheurs artisanaux de clients potentiels.
Cependant, le péril le plus grand qui menace la pêche artisanale reste celui que fait peser sur elle la pêche industrielle. Cette forme de pêche, qui s’est beaucoup développée grâce au soutien des gouvernements africains et des projets de l’aide internationale, constitue une concurrence pour la pêche artisanale dans la mesure où elle a trop souvent lieu près des côtes, dans les zones réservées traditionnellement aux pêcheurs artisanaux. Elle exploite donc les mêmes espèces (la crevette en Guinée-Bissau, au Sénégal, au Gabon, le thon à la Réunion et au Cap-Vert), souvent en toute impunité. En outre, la coexistence de ces deux types de pêche entraîne parfois la destruction du matériel des artisans pêcheurs (pirogues, filets). "Ainsi, la communauté des pêcheurs artisanaux du village de Kafoutine, en Casamance (Sénégal)a enregistré en une seule année la perte de 140 filets représentant un investissement de 3 500 000 francs CFA 1985".
Enfin, la pêche industrielle a pour conséquence de graves dommages écologiques nuisibles, non seulement à la pêche artisanale, mais aussi plus largement à l’écosystème marin tout entier. Les symptômes de cette gestion à court terme sont bien connus : surexploitation des ressources, non-sélection des espèces, de la taille des poissons, utilisation de techniques prédatrices telles que la pêche au chalut ou à la dague qui, en raclant les fonds marins, détruisent l’écosystème.
Face à cette situation, il est urgent de prendre des mesures pour réglementer le secteur de la pêche industrielle. Si les pays qui ne pratiquent aucun contrôle sont encore nombreux, quelques pays (Algérie, Sénégal ou Gabon)ont mis en place une législation qui vise à réglementer les techniques et matériels de pêche, à imposer des saisons de pêche, à limiter l’intensité de la pêche industrielle par l’octroi de licences de pêche et à interdire la pêche industrielle dans certaines zones. Il faut cependant remarquer que ces mesures sont difficiles à appliquer en l’absence d’un personnel suffisant pour en effectuer le contrôle.
Mais il ne s’agit pas d’opposer la pêche industrielle et la pêche artisanale. D’abord parce que des complémentarités entre ces deux types de pêche peuvent être trouvées. "Dans la zone de Dakar (Sénégal), par exemple, des propriétaires de pirogues motorisées se sont spécialisés dans le commerce des espèces de poissons à faible valeur commerciale capturées par les unités de pêche industrielle". Ensuite, parce que le problème de la surexploitation des ressources n’est plus seulement l’apanage de la pêche industrielle à cause de l’évolution des techniques de pêche artisanale, notamment la senne tournante qui peut ramasser jusqu’à vingt tonnes de poissons avec un seul lancer. Cette surexploitation biologique se double d’une surexploitation économique quand les embarcations d’artisans pêcheurs se multiplient : les pêcheurs artisanaux, plus nombreux sur un même marché et se partageant une même ressource, voient leurs parts respectives diminuer et donc la rentabilité de leurs investissements se réduire.
"Manifestement, il s’agit-là de problèmes qui réclament de toute urgence des actions éducatives et d’auto-discipline de la part des communautés de pêcheurs elles-mêmes ainsi que l’attention et la vigilance des autorités responsables de la pêche nationale".
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, África subsariana
Source : Extrait de l’article "Etat, marché et pêcheurs marins artisanaux en Afrique francophone et lusophone".
Artigos e dossiês
PLATTEAU, Jean Philippe in. AFRIQUE CONTEMPORAINE, 1990, N°154
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