1993
Mr. ELIDRISS, ayant comme formation un BEP en "industrie de l’habillement" et quelques connaissances en costumes de théâtre, va créer en juin sa propre entreprise individuelle. Grâce à son atelier, il créera lui-même ses vêtements féminins, plutôt dans le haut de gamme. Ces créations alimenteront dans un premier temps sa boutique; il espère, par la suite, arriver à vendre sa marchandise dans d’autres magasins.
Ce projet est né de son expérience professionnelle et de la période de chômage qu’il connaît depuis maintenant 1 an 1/2. En effet, il a travaillé dès l’âge de 12 ans dans le domaine de la couture; son père avait un atelier dans le Sentier. C’est après avoir occupé un poste de mécanicien modèle dans une société qu’il a été licencié économique. Grâce à cette expérience, il a pu établir de nombreux contacts dans le milieu (avec les fournisseurs, la clientèle et les couturiers-créateurs)qui faciliteront le démarrage de son entreprise. Il compte emprunter quelques bonnes idées à la société pour laquelle il travaillait, laissant de côté les mauvaises qu’il a pu constater. Il est d’ailleurs possible que son ancienne patronne, après avoir liquidé ses sociétés (dont la plupart font faillite)s’associe pour travailler avec lui.
Un an et demi après le début de sa période de chômage, l’ANPE (Agence Nationale pour l’Emploi)ne lui a toujours pas proposé un seul emploi. Tous les mois, il doit mener un perpétuel combat pour toucher le peu d’indemnités auxquelles il a droit. Ainsi, pour vivre correctement, grâce à un atelier chez lui qu’il a pu acheter dès la fin de ses études, il travaille au noir.
Il y a un an et demi, Mr. Elidriss avait les moyens financiers nécessaires pour créer son entreprise. Il s’est renseigné auprès de l’ANPE pour connaître les éventuelles possibilités pour être exonéré des charges sociales au démarrage de l’entreprise. L’ANPE n’a pu le renseigner et l’a envoyé à la Chambre de Commerce, qui lui a appris qu’aucune exonération n’était possible sans demander une subvention auprès de l’Etat (ACCRE : Aide aux Chômeurs Créateurs et Repreneurs d’Entreprises). Ainsi, il y a environ quatre mois, il déposait à la DDTE (Direction Départementale du Travail et de l’Emploi)un dossier concernant un projet de manteaux pour chien. (Ce projet faisait suite à la demande d’un ami qui posédait une boutique de toilettage et avait demandé à Mr. Elidriss de créer quelques manteaux pour chien qui s’étaient très bien vendus). Par peur d’une certaine lassitude et d’une limitation de l’innovation possible, il a très vite laissé tomber cette idée et est revenu à la création de vêtements féminins.
Depuis le dépôt de son dossier, il n’a eu aucune réponse. Les conseils de PIVOD (Prospective - Innovation - Valorisation -Opportunité - Disponibilité)ont été précieux pour élaborer le dossier de demande de l’ACCRE. Mr. Elidriss a rencontré un conseiller à deux reprises. La première rencontre lui a permis d’exposer son projet et la deuxième de remplir le dossier. C’est d’ailleurs par cette association qu’il a été mis en contact avec l’ADIE (Association pour le Droit à l’Initiative Economique)où il a assisté à une réunion d’information. A la suite d’une discussion avec un responsable, l’ADIE s’occupant davantage de micro-réalisations dans le domaine du commerce ambulant, il a été orienté vers 3CI (Conseil, Création et Coopération Internationale)qui s’intéresse essentiellement à la création pure.
3CI a demandé un bref exposé par écrit de l’élaboration de son projet, ainsi qu’un curriculum vitae. Mr. Elidriss a sollicité un prêt de 20.000 FF qui sera remboursable sur 2 ans et débloqué par ADIE. 3CI a donné un avis favorable et il attend la réponse. Ces démarches ont pris environ deux mois car Mr. Elidriss avait parallèlement d’autres activités en cours et ne pouvait pas pleinement se consacrer aux démarches sollicitant ces diverses associations.
Il n’a pas voulu s’adresser aux banques et désire rester à l’écart de ces "institutions", qu’il juge trop contraignantes. Les aides financières dont il pourra bénéficier, ainsi qu’un apport personnel de 8.000 FF lui permettront de louer un local (magasin et atelier)et de disposer d’une quarantaine de vêtements en stock.
Mr. Elidriss n’a bénéficié d’aucun stage de formation à la création d’entreprise. Un stage lui a été proposé par l’ANPE; après avoir assisté au début de ce stage, il s’est rendu compte que cela ne lui apportait rien. D’une part, le stage traitait de questions trop générales, peu intéressantes (il avait l’impression que de nombreux intervenants étaient là pour palabrer)et d’autre part, tout l’aspect technique avait été déjà acquis lors de son expérience professionnelle.
Lors de notre entretien avec Mr. Elidriss, celui-ci a relaté l’inefficacité des pouvoirs publics en matière d’aide aux chômeurs et aux futurs créateurs d’entreprise. D’après lui, ce sont les associations qui ont le moins de dépendance vis-à-vis de l’Etat (comme ADIE, PIVOD ou 3CI)qui lui ont apporté l’aide la plus précieuse et la plus concrète. S’il s’était adressé uniquement aux pouvoirs publics, il aurait très certainement vite été découragé. En effet, toutes les personnes qu’il a rencontrées étaient peu compétentes; on ne lui a fourni aucune adresse d’association à contacter. L’ANPE s’est contentée de l’orienter vers les "points chance" (opération lancée par les pouvoirs publics en 1987, constituée par 654 lieux d’accueil au service des créateurs d’entreprises regroupées sur toute la France)ou vers des organismes publics. Son entreprise va être créée grâce à l’encouragement de son entourage et à ces différentes associations. Il déplore le fait que de nombreux porteurs de projets (rencontrés notamment lors de la réunion d’information organisée par l’ADIE)sont freinés dans la création de leur entreprise uniquement par le fait que seule l’attribution d’une subvention leur permette de bénéficier d’une exonération des charges sociales pendant 6 mois. De plus, pour pouvoir bénéficier de l’intégralité de cette subvention (ACCRE), la demande doit être faite dans les trois mois qui suivent le début de la période de chômage. Il est pratiquement impossible si rapidement de projeter la création de sa propre entreprise.
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, Franca
/Commentaire :/Mr. ELIDRISS m’a semblé être quelqu’un de volontaire et d’indépendant. En s’adressant aux pouvoir publics et aux organismes s’occupant de soutien à la création d’entreprise, il n’était pas intéressé par un prêt financier ou une subvention. Il sollicitait uniquement auprès des pouvoirs publics une exonération de charges sociales. Avec le même souci d’indépendance, il ne voulait pas emprunter auprès des banques.
Entrevista
BERTRAND, Valérie; FAUVINET, Claire, CEDAL FRANCE=CENTRE D'ETUDE DU DEVELOPPEMENT EN AMERIQUE LATINE
CEDAL FRANCE (Centre d’Etude du Développement en Amérique Latine) - Franca - cedal (@) globenet.org