11 / 1993
Depuis le début des années soixante-dix, les gouvernements des pays développés ont progressivement pris en compte la variable financière dans leur lutte contre la criminalité organisée. Ils se sont rendus compte que le recyclage des sommes provenant des différents trafics et de la corruption constituait un puissant vecteur de criminalisation de leur économie. Le recyclage des capitaux ou blanchiment est en effet le point de rencontre de toutes les activités occultes. Quelle que soit l’origine de l’argent, drogue, racket, prostitution ou corruption, il doit être blanchi pour être utilisable. Partant de là, il convient d’éclairer le concept de blanchiment à partir de sa définition légale. La réflexion sur le blanchiment conduira ensuite à l’analyse des conséquences possibles de cette activité sur les plans économique et politique.
Dans le sens courant, blanchir l’argent sale, c’est se donner les moyens d’en justifier l’origine, en intercalant un intermédiaire fictif dans le circuit. Le Groupe d’action financière (GAFI), organisme mis en place par les pays riches pour lutter contre ce phénomène, précise cette définition générale en relevant trois éléments constitutifs de la notion de blanchiment : 1)La transformation ou le transfert de biens, lorsque l’on sait que ces biens proviennent d’agissements délictueux, en vue d’en déguiser l’origine illicite ou pour procurer une aide à toute personne impliquée dans la réalisation de tels agissements aux fins de la soustraire aux conséquences légales de ses actes 2)Le recel ou la dissimulation de la véritable nature, provenance, localisation, cession, mouvement, droits, concernant de tels biens, ou la possession de ces biens, sachant qu’ils proviennent d’une infraction 3)L’acquision, la détention ou l’utilisation de biens, dont celui qui les acquiert, les détient ou les utilise sait, au moment où il les reçoit, qu’ils proviennent d’une infraction ou de la participation à l’une de ces infractions. Cette définition prend en compte tous les types d’activités financières criminelles et englobe dans l’infraction de blanchiment aussi bien l’action de transformation de l’argent que les investissements illicites en découlant.
Si l’on se penche maintenant sur les définitions légales du blanchiment dans les différents pays d’Europe, on s’aperçoit qu’elles sont très restrictives, et même souvent en parfaîte contradiction avec les recommandations des organismes internationaux comme le Gafi, la Convention de Vienne des Nations unies, etc. Sur 12 pays, six ne criminalisent pas le blanchiment de l’argent (Allemagne, Danemark, Grèce, Irlande, Pays-Bas et Portugal). Sur les six autres pays, trois le considèrent comme une infraction uniquement dans cas où il est lié au trafic des stupéfiants (France et Luxembourg)ou au terrorisme (Royaume-Uni). Trois seulement considèrent le blanchiment comme une infraction en soi : Espagne, Belgique et Italie.
Ce constat appelle plusieurs remarques. D’abord la diversité des législations montre que tous les pays ne poursuivent pas les mêmes objectifs en matière de lutte contre le blanchiment, ceci pour des raisons essentiellement économiques : on remarque que sur les six pays n’incriminant pas le blanchiment en soi, cinq font partie des moins avancés en Europe qui ont un système financier peu développé et ont besoin de financer leur croissance. Le sixième, l’Allemagne, est le pays le plus intéressant au niveau de la rentabilité des investissements. On peut aussi noter que les pour les autres pays l’incrimination de blanchiment correspond à des besoins spécifiques : la lutte contre les groupes mafieux en Italie ; contre le trafic des stupéfiants en France et en Espagne ; contre le terrorisme irlandais au Royaume-Uni. La position du Luxembourg peut donner matière à réflexion : les activités financières étant à l’origine d’une fraction importante du PIB de ce pays qui abrite en outre les sièges sociaux de nombreux groupes financiers internationaux et les succursales des plus grandes banques. Dans ce contexte, élaborer une législation anti-blanchiment concernant le trafic des stupéfiants, permet de se donner une image de respectabilité tout en sachant qu’il est quasiment impossible de déterminer si telle ou telle transaction est en rapport avec le trafic des drogues.
droga, banco, corrupção, reciclagem do lixo, convenção internacional
, Europa
On peut mesurer l’écart qui existe entre la définition "idéale" du GAFI et les règlementations en vigueur dans les différents pays d’Europe. Des efforts sont entrepris pour combler cet écart. Des déclarations (Bâles)sont faîtes et des conventions (Vienne)sont signées. Il n’en reste pas moins que leur application est difficile, voire impossible, tant que l’on ne se donnera pas, au niveau de la communauté internationale, les véritables moyens de lutter contre le blanchiment.
Outro
GUIGNARD, Jean Noël, OGD=OBSERVATOIRE GEOPOLITIQUE DES DROGUES
OGD (Observatoire Géopolitique des Drogues) - Franca