Livrer des semences de qualité produites par plusieurs producteurs, un casse-tête !
2002
M. Julien BADJI, semencier-pépiniériste, parle de son expérience : " Ce que je fais présentement (la production de plants et de semences), c’est individuel mais d’autres le font également. Pour collecter, on se met parfois ensemble. Mais aussi le groupe est là prêt à faire comme moi, prêt à faire autre chose. La plupart du temps c’est décidé 2 mois avant l’hivernage et les pépiniéristes ne savent pas comment va se passer la vente. Ils sont prêts à prendre toutes les avances finançant. Mais dès qu’il commence à pleuvoir et que d’autres clients se présentent, là vraiment les données changent et il y a des gens qui sont tentés de faire monter les prix, de vendre aux nouveaux venus pour pouvoir rembourser au premier client qui leur avait donné son argent pendant la saison sèche. Cela existe. Comment on fait pour ne pas avoir ces problèmes ? On essaie de rester avec des gens avec qui on partage de plus en plus le quotidien, des gens à qui on peut faire confiance, des gens qui sont sûrs de pouvoir produire.
Mais présentement, ce que je fais avec ma femme, les autres le font aussi avec leurs femmes. Mais quand on trouve un marché de production, par exemple quand on dit qu’on a trouvé un marché de 5 000 plants de fruitiers, je ne peux pas fournir tout seul. Donc je retourne voir d’autres pépiniéristes. Je leur demande de travailler ensemble pour pouvoir fournir ce marché. Et là on est en communauté de fournisseurs.
Les gros marchés prennent parfois la totalité de votre production et vous êtes content à l’avance en sachant que dans 2 mois vous vendrez totalement votre production. Si vous faites confiance au système, en retour le système vous fait confiance. Mais parfois des gens n’ont pas apporté le produit qu’on attendait d’eux. Surtout au niveau de la multiplication des semences de riz, quand les gars ont vraiment la semence de qualité, la semence d’élite, la semence qui, en principe, ne devait pas être de la semence à manger. Mais instinctivement ils pensent qu’il faut tout amener au grenier familial ! Et quand vous venez pour leur demander : "Avec la semence qu’on vous a donnée au départ, vous avez fait 1/4 hectare, vous devriez avoir récolté tant de kilos de riz (on fait le carré de rendement), alors comment se fait-il que vous ne commercialisez que ça ?", ils disent : "L’autre bout de la parcelle n’a pas bien marché". Mais on se connaît entre nous. C’est pourquoi on peut prévenir ces risques là.
Présentement, j’ai demandé à mon groupe de fournir un marché sur la banane. Et je sais que je peux travailler avec mon association. Mais je sais que je peux travailler également avec des gens qui ne sont pas de mon association. Cependant, j’aménage toujours une porte de sortie. Quelqu’un qui a gagné le marché sous-traite avec les autres. Le contrat parfois est oral quand c’est la sous traitance dans le groupe. Mais quand je traite avec un client au Nord du Sénégal, je fais un contrat écrit, je dépose une facture pro-forma, je reçois une avance, je réalise le marché. Mais quand je viens voir les collègues qui ont des plants et que je leur demande à quel prix ils les vendent, ils veulent obtenir pour eux le prix que j’ai négocié avec mon client ! Je leur dis : "Cela ne doit pas entrer dans ce cadre là. Franchement je suis prêt à te les acheter au prix que je les vends à Dakar mais sache que j’ai déjà fait les frais de démarche, de livraison, et les risques qu’il y a aussi".
On a également des problèmes au niveau de la qualité. Je produis par exemple 50 pour cent d’un marché, les autres amènent 50 pour cent, et parfois il y a des problèmes. Quand les gens sèment, là bas au Nord, ils voient que ça ne germe pas, et à ce moment, on ne peut savoir de quels 50 pour cent la semence mauvaise fait partie. L’autre a déjà encaissé l’argent et il est parti mais vous, avec votre client, vous êtes obligé de rembourser la semence parce que vous n’avez pas veillé à la qualité. Donc de plus en plus je demande aux collègues de faire des tests de germination et d’accepter d’être payé une fois que les résultats des tests sont positifs. "
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, Senegal, Bignona
Notre interlocuteur développe dans cette fiche sa stratégie commerciale personnelle, les difficultés qu’il peut rencontrer à travailler en collaboration avec d’autres semenciers et comment il limite ses risques en prenant un maximum de précautions.
Voir les fiches extraites du même interview mené par Benoît Lecomte en mars 1999.
Entretien avec BADJI Julien, réalisé à Bignona en mars 1999.
Entrevista
LECOMTE Benoît
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