Les tâches domestiques restent entièrement sous la responsabilité de la femme, selon le président d’une organisation paysanne
2001
Noël TINE, président de la Fédération des Associations et Groupements des Agriculteurs de Fandène, explique ceci : " Les femmes avaient des boutiques tournantes où chacune vendait 2 semaines à tour de rôle. Elles vendaient des denrées de première nécessité parce que pendant l’hivernage on avait difficilement accès à Thiès pour acheter des produits. Il y avait des cours d’eau, des marigots, et puis nous n’avions pas le temps parce que nous devions aller aux champs. Alors, on a eu l’idée de mettre en place des boutiques fixes. Nous avons appuyé la création de 5 boutiques dans différents villages par des crédits de 200 à 400.000 FCFA (2.000 à 4.000 FF). La Fédération prêtait de l’argent mais les femmes déposaient une caution équivalente au quart du prêt. Ces boutiques fonctionnent toujours, sous la responsabilité des femmes.
Pour les femmes, le programme en cours, c’est la transformation des légumes. Elles étaient 3 jours en atelier la semaine passée, en formation sur la transformation des légumes et la valorisation des produits locaux.
Il y a des cas où les femmes refusent les hommes dans leurs activités. Par exemple, dans leur groupement chez nous à Fandène, il n’y a aucun homme. Elles ont commencé à marcher seules depuis longtemps et elles ont peur des hommes parce qu’ils peuvent changer les mentalités. Par contre, pour l’inverse c’est sans problème : les hommes veulent toujours travailler avec les femmes et dans toutes leurs organisations à eux, il y a toujours des filles.
Cependant, pour les parcelles situées dans les bas-fonds, c’est géré par les femmes mais les hommes les appuient. Si je cultive une parcelle, je fais une petite partie pour ma femme, où elle va pouvoir faire pousser du piment par exemple. Si elle a le temps elle passe arroser, sinon c’est moi qui le fait. Après, ce que lui rapporte la vente du piment, c’est à elle. Cet argent, elle peut l’utiliser pour ses habits ou pour habiller les enfants.
En principe, les femmes sont autant appuyées que les hommes. En fait, elles sont plus appuyées, en tous cas au niveau du Sénégal. C’est normal parce qu’elles essaient de se prendre en charge. Elles méritent d’être appuyées parce que leurs activités sont durables. Si j’étais bailleur de fonds et que là où je donne des fonds les choses marchent, si on me demande de nouveau de l’aide, je donnerais. Je n’hésiterais pas. Le problème, c’est si je lançais un million et qu’il n’y ait pas de résultat. Alors j’irais vraiment évaluer et faire des recherches et peut-être que je ne financerais plus. Les programmes des femmes fonctionnent mieux que ceux des hommes.
Maintenant, il y a parfois des cas où c’est la femme qui prend son mari en charge. Il y a des mois entiers où la femme a la charge de la famille. Pendant l’hivernage, l’homme n’a pas le temps de vendre car il doit cultiver. A cette période il ne peut pas s’occuper de la famille alors c’est la femme qui la nourrit. L’homme ne peut pas s’occuper des enfants ou préparer les repas, ça se sont les tâches des femmes. Pour l’eau, l’homme peut peut-être aller en chercher, mais seulement si c’est pour les animaux, sinon c’est aussi la tâche de la femme. Même si la femme assure maintenant une partie du rôle traditionnel de l’homme, cela ne change pas le reste : pour nous, voir un homme préparer le repas alors que sa femme est dans la maison, c’est tout à fait impossible. On peut s’organiser d’autres manières, mais tout sauf cela.
Les femmes ont beaucoup plus de tâches que les hommes parce qu’elles assument le travail de la maison. Le matin c’est elles qui partent dans les champs et qui vont chercher du bois de chauffe. C’est elles qui vont au marché pour acheter et pour vendre. Elles ont toutes ces activités et, en plus, il y a une partie des activités de l’homme qui sont faites par les femmes. Pourtant c’est l’homme qui est le moteur de la maison, c’est lui qui est le premier responsable. Dans les cas urgents, c’est l’intervention de l’homme qu’on attend. Par exemple les décès, et même la scolarité des enfants, pour une grande partie, c’est les hommes qui s’en occupent. Cela bloque les femmes d’avoir autant de tâches mais c’est de cette manière qu’on marche. Ce que je peux dire, c’est que toutes les activités de la maison aujourd’hui sont à la charge de la femme. Et une femme n’hésite pas. S’il faut payer pour habiller son enfant, ou pour sa scolarité, ou même acheter de la nourriture pour la famille. Mais le responsable principal reste l’homme. Et si l’homme a des moyens à mettre dans ces tâches, alors la femme peut parfois économiser pour faire d’autres activités.
Avant c’était surtout les garçons qui étaient scolarisés mais maintenant tout le monde va à l’école. C’est l’égalité pour les filles et les garçons. Cela provoque des changements. On peut voir qu’aujourd’hui il y a des jeunes filles à l’université ou qui sont très bien placées dans l’administration sénégalaise. "
mulher, meio rural, produção agrícola, estratégia de desenvolvimento
, Senegal, Thies
Cette fiche montre une réelle avancée de la place des femmes dans la société sénégalaise car elles ont su faire leurs preuves, vis-à-vis de l’aide extérieure notamment. Cependant, si elles ont investi de nouveaux domaines, elles ont aussi conservé leur rôle traditionnel et la lourdeur des charges qui leur incombent reste un frein à leur avancée, comme l’explique un président d’organisation paysanne.
Voir fiches GRAD du même interview réalisé par Séverine Benoît en février 2001 à Thiès.
Entretien avec TINE Noël réalisé en février 2001 à Thiès
Entrevista
BENOIT Séverine
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