Le point de vue d’un responsable paysan observateur (Entente de Diouloulou)
07 / 1998
Pascal MANE, responsable en communication de l’Entente de Diouloulou décrit les relations de son association avec les administrations locales :
"Au niveau de nos relations avec l’Etat, nous travaillons directement avec les chefs de CER (Centre d’Expansion Rurale) et les agents d’agriculture de l’Etat. Pendant nos séances de réunion, nos séminaires, nos formations, nous avons toujours invité le sous-préfet ou les chefs de CER. On travaille également avec les instituts de recherche comme l’ISRA (Institut Sénégalais de Recherche Agricole).
Par contre l’association n’a pas accepté de collaborer avec un projet d’aide qui voulait nous responsabiliser dans la mise en place de son programme, et se chargeait du suivi. L’association a dit : "Ce n’est pas l’argent qui nous importe mais c’est la formation que l’action à mener nous apportera. Mais pour cela, il faut que le suivi soit fait par nous-mêmes, parce qu’une institution qui se trouve à quelque 200 kilomètres de chez nous ne peut pas venir faire un suivi réel sur le terrain. Donc, si notre association pouvait avoir une personne qui soit formée pour la gestion de ce programme, nous serions prêts à accueillir ce programme". Malheureusement, ils ont refusé.
Des actions de complémentarité existent avec le PAARZ (Projet d’Appui a l’Auto-Promotion dans la Région de Ziguinchor mis en place par la coopération allemande GTZ), qui a trouvé que l’Entente avait mis un système d’épargne et de crédit très intéressant en place, le PAARZ a aidé l’association à implanter des caisses d’épargne et de crédit. C’est vrai que dans le temps, quand on faisait cette activité d’épargne et de crédit, l’argent était logé à la CNCAS (Caisse Nationale de Crédit Agricole Sénégalais) et que les membres se demandaient souvent où se trouvait leur épargne. C’est ainsi qu’on a commencé à travailler avec le PAARZ. La coordination des organisations paysannes a choisi notre Entente pour la phase test. C’est ainsi que le PAARZ a accompagné ce processus.
Avec le PAARZ, il y a eu des problèmes. En 1991, durant les 2 années d’expérience, le projet avait fixé des plafonds de financement pour 3 niveaux (groupements de base, département et niveau régional.) Pour toutes les réunions (durant lesquelles toutes les actions étaient élaborées et devaient être exécutées à la base), le projet donnait 3 500 CFA (environ 70 FF à l’époque) de frais de nourriture et d’hébergement. La troisième année, ils ont changé de barème et ils ont fixé 750 CFA de nourriture par personne et par jour, 500 CFA de transport et l’hébergement à la charge des groupements de base. On a dit au PAARZ qu’il fallait que ses responsables descendent à la base pour expliquer à la population, les nouvelles orientations du projet. Sinon si c’est un responsable d’une organisation paysanne qui devait expliquer ce changement. Cela va créer des problèmes comme cela a été le cas dans d’autres associations qui avaient accepté le changement de tarifs. Il faut dire que les gens, quand il y a une rencontre du PAARZ s’attendent toujours à un remboursement de transport, de la nourriture et de l’hébergement de 3 500 CFA. Il est très difficile pour nous-mêmes de leur dire aujourd’hui que le PAARZ est à 1 250 F CFA de remboursement de transport et de nourriture ; ils vont nous prendre pour des voleurs qui mentent !
Et puis le PAARZ ne va pas jusqu’au bout de son appui. Par exemple, il accepte de donner 20 millions CFA (20.000 FF) à mon association pour des études socio-économiques, des voyages d’étude ou d’échanges dans le cadre de l’implantation de caisses d’épargne et de crédit mais il n’accepte pas d’investir pour la construction d’une seule de ces caisses. Il demande à l’association de contribuer par les efforts physiques de ses membres. Les caisses sont alors construites en banco, parce que quand on demande à une association de participer, les caisses étant autonomes, il y a seulement quelques personnes pour la construction. Je dis que le bailleur n’a pas beaucoup réfléchi à cela, parce que si vous acceptez d’invertir 20 millions CFA pour des échanges et, qu’après, l’argent épargné doit être mis quelque part, il faudrait que cet argent au moins soit bien garanti (dans une vraie construction en dur).
Ils ont également formé des animateurs-planificateurs en maraîchage alors que le même PAARZ n’accepte pas de financer et d’équiper les jardins (en grillage et en puits). Alors ces animateurs où vont -ils travailler ? Dans quels jardins ?"
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, Senegal, Diouloulou
En 1998, les organisations paysannes expérimentées de la région de Basse Casamance au Sénégal ont leur propre coordination entre elles et animent un réseau de caisses mutuelles d’épargne et de crédit. Elles coopèrent depuis leur naissance avec l’administration locale et désormais se lancent à répondre aux offres de collaboration des grands projets de l’Etat. Ces derniers ont leurs propres objectifs et des procédures pas souvent souples. Il est des cas où les organisations paysannes refusent ces offres et d’autres où -les ayant accepté sans assez négocier, ou sans arriver à faire reconnaître leurs conditions- elles souffrent des conditions pré-imposées par les projets financés par des bailleurs de fonds publics.
Entretien de Baba Ouedraogo par Pascal Mane en mai 1998 à Zinguichor.
Les fiches DPH préparées par l’équipe du GRAD à partir d’interviews auprès de responsables d’organisations paysannes en zone sahélienne, sans cesse renouvelées depuis 1995, sont un instrument commode pour suivre la progression du monde rural de cette région.
Entretien avec MANE, Pascal réalisé en mai 1998 à Ziguinchor.
Entrevista
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