Sonia BEN MESSAOUD, Vladimir UGARTE
03 / 2003
Le GRAD (groupe de réalisations et d’animations pour le développement) est une association créée en 1978. En France, son objectif est d’informer et de proposer des outils de réflexion sur le développement et les grandes questions qui s’y rattachent : environnement, droits de l’Homme, tiers-monde, interculturalité... Elle a mis en place différents outils pédagogiques : livres de contes, livres-cassette, montage de diapositives, dossiers, vidéos...
Dans les pays du Sud, le GRAD coopère avec des organisations paysannes du Sahel et des Ong locales pour la production et la diffusion de matériel pédagogique destiné aux paysans et aux acteurs locaux du développement. Son but est de favoriser l’échange d’expériences entre paysans et de développer l’information et la communication entre les organisations paysannes, de rendre ce savoir "utilisable" par les bailleurs de fonds et les autres acteurs de la coopération internationale, et de faire en sorte que la parole des personnes qui n’écrivent pas devienne un outil de travail pour enrichir les expériences d’autres acteurs.
Après un long travail en milieu rural ouest-africain, le GRAD fait différentes constatations. D’une part, la consultation des bases de données RITIMO, Dph ou GRAD sont un fait rare de la part des organismes ou des personnes concernées. D’autre part, les utilisateurs potentiels recherchent rarement l’accès au "capital brut". Ils sont plus soucieux de résoudre tel ou tel problème ou de mieux comprendre tel phénomène.
Fort de ces constatations, le GRAD expérimente une nouvelle méthode qui se décline de la façon suivante :
- une collecte des données sur un moment ou un thème particulier grâce à des interviews enregistrées. Chaque interview est menée de façon à obtenir, à partir d’un historique, des paroles sur le thème central, tout en laissant place à ce que souhaite exprimer l’interviewé au-delà du thème ;
- une transformation de ces données en capital (fiches Dph) : pour être utilisables par d’autres personnes, ces interviews sont exploitées, sous-thème par sous-thème, sous forme de fiches "pré-Dph". Le contenu de chacune d’elles devra correspondre aux libellés de leur titre et de leur sous-titre. Une à dix fiches sont extraites de chaque interview. Relues et recentrées au besoin, sans transformer les paroles entendues, chaque fiche pré-Dph devient alors une fiche Dph à laquelle sont ajoutés le commentaire, les notes et les mots-clés. Par la suite, une double validation est effectuée, par la personne qui a été interviewée et par une personne extérieure choisie par RITIMO, avant son entrée dans la base de données ;
- une transformation de ce capital en production. Les fiches appartenant à un même sous-thème sont rassemblées, confrontées et publiées sous forme écrite ou audio (sur papier, cassette ou sur le site) ;
- une diffusion de l’information : vendre ou mettre en consultation ces produits, afin que les acteurs et les utilisateurs puissent les échanger.
camponês, metodologia dph, projeto de desenvolvimento, avaliação
, África Ocidental, Franca
Pour améliorer et adapter sa façon de travailler, le GRAD est parti de différentes constatations sur la capitalisation par les organisations paysannes et les organisations d’appui.
- une organisation paysanne peut faire assumer la tâche de suivi d’une ou de plusieurs de ses activités par un organisme d’appui, qui a des comptes à rendre à un bailleur ;
- beaucoup d’organisations paysannes sont conscientes que l’on peut apprendre à partir de l’analyse d’expériences réussies. Mais elles ont plutôt tendance à imiter ces expériences, plutôt qu’à les réinventer pour les adapter à leur propre contexte ;
- il est rare de voir des organisations paysannes analyser leur échec ;
- il est rare que les organisations paysannes conservent une trace écrite des résultats du suivi et de l’analyse qui sont, avec les voyages d’étude et les visites entre paysans, les principales sources potentielles de documents de capitalisation ;
- les organisations paysannes sont en général peu enclines à utiliser leurs documents pour en faire des outils d’information, et si elles le font, elles échappent difficilement au style "voilà ce qu’il faut faire".
Aux vues de ces différentes analyses, le GRAD préconise donc :
- de "confronter des expériences de même type provenant de plusieurs institutions plutôt que de chercher à faire capitaliser les divers membres d’une seule institution".
- de multiplier les contextes et les historiques, ce qui permet de mieux repérer les points-clefs de chacun des processus. De ne pas nommer l’institution ou la personne qui aurait été à l’origine d’une erreur, ce qui permet d’exposer des points de vue critiques.
- de collecter les informations par des interviews plutôt que de chercher à obtenir des écrits
- de "livrer telles quelles, dans une fiche Dph, les paroles collectées plutôt que de les exploiter pour qu’elles illustrent un article."
Pour le GRAD, l’extrait d’interview apporte au lecteur ou à l’auditeur villageois, non seulement un contenu mais aussi une émotion : "Celui qui a dit cela me ressemble". "L’expérience exprimée peut ainsi être analysée directement par celui qui lit ou écoute, sans avoir été incorporée dans le discours de celui qui transmet (et transforme)".
En conclusion, d’après l’évaluation du GRAD, "rien ne sert d’accumuler les fiches Dph sur les expériences paysannes si l’on ne produit pas, à partir d’elles, des outils d’information adaptés à chaque public visé. En outre, "rien ne sert de produire ces outils d’information si l’on n’a pas les moyens de s’assurer d’une diffusion ciblée, efficace et durable de ceux-ci vers le public visé."
Cette fiche a été réalisée à partir de textes de Bernard Lecomte.
Contact : GRAD, 228 Rue du Manet, 74130 Bonneville, France - Tél. + 33 (0)4 50 97 08 85 - Fax. + 33 (0)450 25 69 81 - grad.fr@fnac.net
Documento de trabalho