Malgré des conditions naturelles extrêmement dures, la région autonome de Ningxia Hui se développe. Le gouvernement chinois tente de moderniser son agriculture en y envoyant des vulgarisateurs agricoles et en favorisant l’achat d’engins agricoles et d’engrais
12 / 2001
Monsieur Pan Jinglin est venu de Chine, plus précisément de la région autonome de Ningxia Hui, pour assister à l’Assemblée Mondiale des Citoyens organisée par l’Alliance pour un monde responsable, pluriel et solidaire à Lille (France). Il vient d’une famille de paysans et, après des études d’agronomie, est devenu professeur à l’université de Ningxia Hui. Cela fait maintenant vingt ans qu’il travaille comme directeur adjoint à la Direction des zones rurales. Son rôle est de prendre en compte les doléances des paysans et d’essayer de résoudre leurs problèmes. Il doit aussi veiller à l’application des mesures édictées par l’Etat dans le domaine rural et agricole. Il joue en quelque sorte un rôle de médiateur, d’interface entre l’Etat et la région de Ningxia Hui. Les différentes mesures que doit appliquer Pan Jinglin portent sur la mise en ouvre de l’objectif d’augmentation de la production.
Ningxia Hui est enchâssée entre le Gansu et la Mongolie intérieure. Cette partie de la Chine est entourée de quatre déserts. D’une superficie de 66 400 km2, le Ningxia est une région de montagnes à 59 pour cent, de déserts et de plaines. Son système écologique est pauvre, et ce qui frappe au premier coup d’oil est l’absence d’arbres. En 1949, la région comptait au total 60 000 hectares de forêts, dont à peine un peu plus de 1 pour cent de forêts artificielles. La couverture verte était de 1,3 pour cent. Entre 1977 et 1999, elle est passée de 68 700 hectares à 366 700. On voit par là que des progrès marquants se sont accomplis au cours des deux dernières décennies, où la protection et le développement des forêts sont devenus des objectifs majeurs. Verdir les déserts, reverdir les collines où les chèvres ont, de leurs sabots abusifs, arraché jusqu’aux racines, voilà à quoi le Ningxia voue ses énergies actuellement. De plus, il est à noter que le Ningxia, peu industrialisé à l’exception de la capitale (Yinchuun), est aussi peu pollué, donc sa viande d’agneau, de mouton ou de bouf, ses poulets et ses poissons, ses fruits et légumes, sont purs et savoureux. On a l’habitude de dire au Ningxia, en particulier dans la préfecture de Guyuan, que la viande est tendre parce que les animaux "s’abreuvent d’eau minérale, se nourrissent d’herbe non polluée et dorment sur un matelas de sable". Cette région dispose donc d’atouts et de désavantages importants. C’est l’une des raisons pour laquelle le gouvernement s’attache à développer son agriculture.
En Chine, l’agriculture s’exécute pour moitié manuellement et pour moitié avec des machines. Le gouvernement tente désormais d’assurer la formation d’un maximum de paysans en envoyant des vulgarisateurs dans les campagnes. Ces vulgarisateurs sont des fonctionnaires. Ils dirigent des séances de travail et de démonstration sur l’utilisation des machines et des engrais. Encore peu de familles possèdent du matériel, très cher, et elles se regroupent souvent pour acheter un tracteur, qu’elles utilisent à tour de rôle. Grâce à cette mutualisation, des paysans qui ne pouvaient produire que pour leur propre consommation exportent maintenant en Chine et dans le monde. De plus, leur production, qui ne portait traditionnellement que sur le blé et le maïs, se diversifie. La région dispose d’une usine de transformation du poisson, des légumes ont été plantés, les familles élèvent des vaches et des poulets et le Ningxia Hui est un des douze fournisseurs en grain du pays. Ses viandes, préparées selon les règles musulmanes, ses volailles et leurs oufs sont exportés, en particulier dans les pays islamiques voisins. L’industrie vinicole se développe en qualité et en variété, la terre du Ningxia ayant été reconnue par les spécialistes de pays producteurs de vin comme la meilleure du pays pour la culture de la vigne. Le Produit national brut par habitant de la région a fortement augmenté, même s’il n’est que désormais que d’environs 2 000 francs par an. C’est peu, même en Chine, mais le Ningxia Hui est en train de rattraper son retard sur le reste du pays.
Si Pan Jinglin pense qu’il reste encore du chemin à parcourir, il espère que tous les paysans disposeront rapidement de machines pour pouvoir cultiver et récolter d’une manière plus efficace. En outre, il aimerait voir disparaître la forme ancienne de l’agriculture basée sur l’autoconsommation. Pour lui, l’avenir se situe dans la diversification des productions et dans la commercialisation. Enfin, l’éducation des paysans est l’une de ses préoccupations. Pour lui, il existe toujours un risque important de les voir migrer vers les villes. Pour lutter contre cet exode rural, il faudrait qu’ils puissent tous aller à l’école, assimilent les nouvelles techniques de production et participent à l’essor économique de leur région.
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La région de Ningxia Hui est en train de se développer, non seulement au niveau agricole, mais aussi au niveau des transports et télécommunications, des sciences et technologies, de la santé publique et de l’éducation. On a donc toutes les raisons de croire que le Ningxia est en voie de rattraper son retard. Toutefois, on peut se demander si le fait de recourir aux engrais ne fera pas perdre sa spécificité à cette région, très peu polluée pour le moment. S’agit-il de faire un arbitrage entre développement et protection de la nature ? C’est la question que l’on peut se poser à l’issue de cet entretien.
Source : Entretien avec Pan Jinglin et utilisation d’un article de Lisa Carducci pour les chiffres. Contact : Office of the Rural Affairs Leading Group of Ningxia Hui Autonomous Region - 5 Shuofang, Xinshiqu, Ningxia, China
Fiche rédigée lors de l’Assemblée Mondiale des Citoyens de Lille, décembre 2001.
Entretien avec Pan Jinglin
Entrevista