L’effet de l’éducation chinoise centrée sur les villes et l’industrie sur le monde rural - entre l’inadéquation et l’émergence d’une société civile rurale et d’une urbanisation des campagnes
07 / 2001
Depuis 1905 la Chine a mis en place un système éducatif visant à cultiver de nouveaux intellectuels et des professionnels compétents pour relever les défis de la modernisation. Pour ce faire elle s’est largement inspirée des systèmes éducatifs "matures" des pays occidentaux et du Japon, puis de l’Union soviétique. Ces systèmes ne reconnaissent pas la spécificité des contextes urbains et ruraux mais forment des touts homogènes, tout en étant implicitement centrée sur les réalités urbaines et "modernes". Les mêmes programmes sont enseignés dans les villes et les campagnes. Dans ces dernières, l’enseignement paraît donc comme exogène et comme coupé des réalités locales. S’ajoute à cette première aliénation une seconde par le fait que cette éducation n’est non seulement urbaine mais qu’en plus elle a été empruntée à d’autres contextes culturels, le modèle soviétique apportant en plus une connotation politique spécifique. Dés le début du vingtième siècle, des voix alternatives, comme celle de Tao Xinghi qui écrivait en 1926 "The fundamental Reform of Chinese Rural Education", se sont fait entendre. Elles défendaient l’idée de créer des écoles spécifiques pour les campagnes qui s’enracineraient dans les réalités du lieu et enseigneraient des choses utiles en rapport avec leur environnement - par exemple des techniques agricoles. Dans les années 1940, les communistes ont commencé à vivement critiquer le système éducatif dominant. Mao lui-même était très opposé au système des "écoles étrangères". La défiance de l’éducation moderne s’est cristallisée dans toute son ampleur lors de la révolution culturelle. Le savoir intellectuel y était décrié et le savoir pragmatique valorisé de manière très extrémiste : les étudiants brûlaient leurs livres. L’idéal n’était plus celui de l’intellectuel, "inutile", mais celui du paysan et de l’ouvrier, forces productives du pays. Après cet "interlude" l’Etat chinois est cependant revenu à une éducation moderne des masses inspirée du modèle soviétique. Le problème qui se pose aujourd’hui est que d’une part les élèves provenant des campagnes et ayant suivi une éducation moderne ne trouvent pas de place dans les villes, donc dans l’environnement urbain et modernisé pour lequel ils ont été formés (que ce soit comme étudiants ou comme employés) et que d’autre part il n’y a pas de débouchés pour eux dans leur région d’origine où l’offre des emplois ne correspond pas à leur profil. S’ajoute à ce dilemme que le "retour à la campagne" est mal vécu par une grande partie d’entre eux. Ils ne se retrouvent plus dans ses modes de vie et aspirent à un mode de vie urbain qui leur reste néanmoins fermé, ce qui engendre de grandes frustrations. On observe alors un phénomène nouveau d’urbanisation des campagnes "par le bas". Le nombre d’étudiants retournant chez eux sans espoir de trouver des postes en adéquation avec leur formation commencent à créer eux-mêmes une demande pour les services qu’ils peuvent offrir. L’éducation chinoise moderne contribue ainsi à mener à une urbanisation des campagnes, non pas tellement comme prévu à travers les programmes éducatifs et l’objectif d’une formation des élites rurales permettant un accès au développement, mais par un phénomène social : les jeunes éduqués se trouvant inadaptés à leur environnement modèlent celui-ci selon leurs aspirations et leurs compétences. Le monde rural se trouve ainsi "urbanisé" et "modernisé" de l’intérieur.
ensino, tradição e modernidade, educação e intercâmbio cultural, educação e intercâmbio social, formação e emprego, meio rural, meio urbano, programa escolar
, China
L’expérience de l’éducation moderne en milieu rural en Chine est un parfait exemple de la complexité des situations où il s’agit de trouver des voies pour articuler "traditions" et "modernités", modes de vie urbains et modes de vie ruraux. Comme on le voit la problématique n’est pas nouvelle. Pour l’instant ce sont les logiques modernes et urbaines qui semblent avoir le dessus. Si on s’inscrit dans une vision progressiste pour laquelle la modernité constitue l’ultime horizon on ne peut que se réjouir de cet état de fait. Si on est plus sceptique, on peut être effrayé de ce démantèlement, venant maintenant de l’intérieur même, des communautés rurales. Quant à nous, il nous semble que le défi est de prendre au sérieux les spécificités des divers contextes ruraux tout en reconnaissant la puissance et l’inéluctabilité des dynamiques modernes. Pour pouvoir s’ouvrir à la complexité des situations et apporter des réponses à la hauteur de cette complexité, nous devons commencer par nous ouvrir à l’altérité et au pluralisme. Tant que le modèle d’une éducation homogène et uniformisante n’est pas remis en question ainsi que son présupposé implicite, celui que l’idéal de toute vie en société est forcément l’idéal urbain et moderne, il est impossible de véritablement s’ouvrir aux réalités rurales et d’inventer des réponses complexes entre "ruralité" et "modernité".
Cette fiche a été rédigée dans le cadre du Pôle de médiations entres les villes européennes et chinoises. Ce pôle est piloté par l’Aitec, Association Internationale de Techniciens Experts et Chercheurs, 21 ter rue Voltaire, 75011 Paris - Tél : 01 43 71 22 22 - Fax : 01 44 64 74 55 - aitec@globenet.org - www.globenet.org/aitec
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SHULEI, Li, The Contribution of Education to the Rural Community - A Case Study of the Fengning Manchu Nationality Autonomous County, 14 p