Tendances générales et quelques exemples en Oural, notamment à Tcheliabinsk
Iaroslav STARTSEV, Inga JOUKOVA
08 / 2001
Des communautés considérées comme sectaires ont fait une apparition massive en Russie dès 1989; depuis cette date leur influence augmente pour se fixer à un taux stable à la fin des années 1990. Selon les représentants de l’Eglise orthodoxe, près de 5 millions de Russes sont, ou ont été durant cette période, sous l’influence des leaders de sectes. Les cultes qui attirent le plus grand nombre de personnes sont les suivants: les Témoins de Jéhovah, le Mouvement de l’Unité de S.M.Moon, l’Eglise de Scientologie (avec d’autres organisations scientologues) et l’ensemble de sectes charismatiques néo-pentecôtistes. Les sectes les plus actives en Russie en général le sont aussi à Ekaterinbourg: ainsi, le nombre d’adeptes de la secte néo-pentecôtiste "Nouvelle vie" atteindrait 3 000 personnes; les moonistes et les jéhovistes se vantent d’un nombre semblable d’adeptes, pour une ville de un million quatre cent cinquante mille habitants, et il ne s’agit que de pratiquants. Des chiffres semblables se retrouvent dans d’autres grandes villes de l’Oural, comme Perm ou Tcheliabinsk.
Jusqu’aux années 1995-1996 les autorités russes ont soit accueilli toutes les confessions, soit n’ont pas prêté attention au problème des sectes. Les changements d’attitude sont dus à quelques facteurs conjoints:
- une politique anti-sectes plus active de l’Eglise orthodoxe, y compris un lobbying plus efficace auprès des pouvoirs publics (à côté d’une participation de l’Eglise au champ politique il faut noter le rôle du théologien orthodoxe rapatrié Aleksandr Dvorkine, un vrai "croisé" en ce qui concerne le combat contre les sectes, et le jeune diacre et écrivain Andreï Kouraev);
- l’apparition d’une "masse critique" de victimes de sectes et, par la suite, l’organisation d’associations de lutte contre les sectes, la publication d’articles dans la presse et la formation d’un mouvement laïque dans l’opinion publique;
- quelques conséquences négatives causées par les sectes dans le domaine public (l’intégration de plusieurs sectes dans les écoles, des actes de vandalisme, des escroqueries concernant les fonds publics).
Les suites politiques comportent quelques changements mineurs de la législation portant sur les religions, une politique plus stricte concernant la séparation de l’Eglise et de l’école (quelques arrêtés ministériels), une politique plus différenciée dans le domaine de l’enregistrement officiel de cultes différents (cette politique reste tout de même basée sur l’arbitraire).
La situation en province commence à changer toujours sous l’influence de l’Eglise orthodoxe. Ainsi à Novokouznetsk (région de Kémérovo) alors qu’une secte pentecôtiste avait déposé une plainte devant le juge à l’encontre d’un prêtre orthodoxe l’ayant traitée de "totalitaire", après avoir examiné l’affaire au fond le juge a rendu un jugement soutenant le prêtre. A Tioumen, les représentants des confessions traditionnelles ont demandé l’interdiction du congrès régional des Témoins de Jéhovah. Ce congrès a pourtant eu lieu, mais la position solidaire des hiérarques orthodoxes et musulmans a une portée symbolique non négligeable. Globalement, la position de l’Eglise change. D’abord, les croyants et même les prêtres sortent dans la rue : dans les grandes villes de l’Oural toute réunion des adeptes de sectes est accompagnée d’une manifestation de protestation organisée par l’Eglise orthodoxe ; les prêtres font des offices sur place pour " chasser les démons ". Ensuite, l’Eglise participe de plus en plus aux procès initiés par les sectes pour se légitimer et se défendre. A. Dvorkine est le représentant permanent de la Patriarchie à ces procès, que ce soit à Moscou, à Novokouznetsk ou à Tcheliabinsk. L’Eglise gagne de plus en plus souvent. Enfin, des organisations laïques se créent. Ainsi, Vladimir Syrov a créé à Tcheliabinsk une association anti-secte, très petite mais très active. Ils utilisent des reportages vidéo, et les plaintes adressées aux autorités publiques pour montrer les pratiques des sectes et pour stigmatiser les sectes. Des contacts personnels avec la police et des ruses sont souvent utilisés vu l’absence de lois anti-sectes. Deux exemples : 1) un film vidéo fait par V.Syrov et diffusé à la TV régionale montre un témoin de Jéhovah battre et humilier ses enfants pour les forcer à fréquenter la secte. Suite au reportage, un responsable des Témoins a initié un procès contre la chaîne en affirmant que les actes d’un particulier non-membre de la secte étaient utilisés pour calomnier son organisation. Syrov, en privé, a convaincu le père que ses actions étaient odieuses. Finalement ce dernier a reconnu tous ses actes devant un juge en les argumentant par son appartenance à la secte et en en donnant des preuves exhaustives. Les Témoins ont perdu le procès. 2) Quelques mormons venus des Etats-Unis ont organisé leur centre dans les locaux d’une école à Tcheliabinsk. Aucune transgression de la loi n’a eu lieu : les mormons sont des représentants officiels d’un centre humanitaire laïque. Les militants anti-sectes utilisant leurs connaissances pour provoquer une intervention de la police, sous prétexte d’une vérification de papiers, ont permis de faire quelques photos prouvant la réalisation d’offices religieux mormons dans l’école ; enfin, grâce à la découverte d’un problème de passeports, la police a pu faire expulser les Américains rapidement.
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La reconnaissance par l’Etat de l’orthodoxie et de l’islam en tant que religions quasi officielles en Russie leur donnent une légitimité utilisée pour combattre les sectes. Les musulmans, plus sûrs de leurs ouailles et moins touchés que les sectes chrétiennes sont moins actifs, par opposition à l’Eglise orthodoxe. Une modernisation des moyens d’action permet à l’Eglise de médiatiser sa tâche en la transformant en une affaire publique. La position de l’Etat est loin d’être nette mais il semble que les religions traditionnelles soient de plus en plus préférées à d’autres pratiques. La position des juges qui dépendent en Russie de la sphère politique, prouve cette tendance.
Plusieurs données concernant les sectes en Russie sont consultables sur le site du Centre orthodoxe d’étude des sectes : http://iriney.vinchi.ru/
Texto original
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