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Financer l’agriculture

Quels systèmes bancaires pour quelles agricultures ?

Pierre Yves GUIHENEUF

01 / 2002

Le crédit joue un grand rôle dans le développement des activités agricoles dans le monde, mais celles-ci sont très diversifiées et les systèmes de crédit fortement liés à l’histoire, à l’importance de l’Etat et des organisations collectives. Après avoir décrit une quarantaine de cas de différents pays, l’auteur en tire des constats et des suggestions.

Premier constat : les systèmes actuels de crédit à l’agriculture présentent tous des limites. Les systèmes informels sont nécessaires mais trop ponctuels, les banques commerciales et les systèmes coopératifs trop sélectifs dans le choix de leurs clients. Quant aux banques solidaires, elles jouent un rôle décisif auprès des populations pauvres, mais leurs moyens sont souvent insuffisants et elles opèrent dans des contextes économiques et sociaux peu favorables.

Pour la réussite d’une banque agricole, il faut prendre en compte cinq facteurs principaux :

1. les ressources financières doivent être suffisantes pour assurer les prêts à long terme que requièrent les investissements agricoles. Pour cela, plusieurs possibilités existent : souscription des agriculteurs au capital des banques coopératives, collecte de l’épargne rurale (et non seulement agricole), interventions publiques par des dotations en capital, la création de fonds de garantie, ou même la création de banques de crédit, comme c’est le cas par les organismes internationaux pour l’Europe de l’Est.

2. la densité du réseau d’agences en milieu rural garantit la proximité avec l’emprunteur, ce qui est particulièrement important pour toucher les petits producteurs qui ont souvent des difficultés de déplacement et ont besoin d’un contact direct avec leur partenaire financier. C’est également souhaitable pour permettre la participation active des sociétaires aux banques coopératives. Les banques solidaires tournent cette difficulté en ouvrant de toutes petites agences sans luxe inutile, parfois ouvertes certains jours seulement, par exemple les jours de marché.

3. les prêts doivent être ciblés pour correspondre aux besoins et aux possibilités de remboursement des agriculteurs, mais dans tous les cas, ils doivent permettre une augmentation du chiffre d’affaires de l’agriculteur pour que celui-ci puisse faire face aux échéances de remboursement. Les taux d’intérêts peuvent être relativement élevés lorsqu’ils financent de petits investissements à rentabilité forte et rapide (exemple de la Grameen Bank au Bengladesh) alors qu’ils doivent être bas lorsqu’ils s’agit d’investissements de long terme, comme dans le cas de plantations ou d’achat de terre.

4. les risques de non-remboursement spécifiques à l’agriculture (dus aux aléas climatiques, aux baisses prolongées des prix des produits, etc.) sont importants si l’agriculteur n’a pas de stratégie de maîtrise des risques, par exemple par la diversification de ses productions. L’extension du champ des assurances est une formule qui connaît un certain succès : des compagnies peuvent couvrir ces risques, éventuellement avec une aide de l’Etat. Mais le risque de non-remboursement reste fort dans les pays les plus pauvres.

5. Enfin, le renforcement des systèmes de garantie réelle (hypothèques) ou personnelle (cautions) est nécessaire aux banques pour sécuriser leurs prêts. A ce niveau, l’intervention publique est utile pour fixer un cadre réglementaire à ces garanties et permettre aux créanciers d’appliquer les décisions de justice. Or, cette intervention est souvent défaillante.

Les possibilités d’amélioration des sytèmes de crédit restent donc limitées et d’autant plus complexes à mettre en oeuvre que l’on s’adresse à une population pauvre vivant dans un environnement politique et économique instable. C’est pourquoi le système bancaire tend à privilégier les agriculteurs les plus favorisés, qui offrent des capacités de remboursement et des garanties plus importantes. Comment sortir de ce cercle vicieux ?

Dans les pays d’Europe occidentale et de Méditerranée, où le système bancaire est en général bien structuré, il faut développer une politique d’accès prioritaire aux petits agriculteurs et à l’installation des jeunes (y compris à temps partiel) pour freiner la concentration des terres. Dans les pays moins développés, l’avenir appartient aux systèmes financiers décentralisés, c’est-à-dire aux banques solidaires, qui devront donner priorité aux projets permettant de réguler les rendements ou de lutter contre les pertes de récolte ; l’intensification doit être mesurée car elle peut être synonyme de catastrophe environnementale. Dans les pays de l’Est en transition, un redressement de la situation des petites exploitations est prioritaire pour assurer l’approvisionnement des villes : une organisation bancaire spécifique serait la bienvenue, entre système coopératif et banques solidaires.

Quoi qu’il en soit, les systèmes de crédit peuvent être conçus autrement que de façon à sélectionner les individus et à concentrer le capital. Il faut pour cela les orienter vers ceux qui en ont le plus besoin.

Palavras-chave

agricultura, financiamento, banco, crédito rural, sistema de poupança e crédito


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Cet ouvrage présente un panorama de nombreux systèmes bancaires en résumant en quelques pages la situation de plus de quarante pays. Cette diversité des situations est certainement son principal attrait et séduira un lecteur désireux de s’initier à cette question. Pour approfondir les propositions qui sont évoquées, plusieurs ouvrages utiles sont cités en bibliographie, notamment concernant les banques solidaires qui semblent les solutions les plus adaptées aux laissés-pour-compte des systèmes de crédit conventionnels.

Fonte

Livro

NEVEU, André, Financer l'agriculture, C.L. Mayer in. Dossier pour un débat, 2001 (FRANCE), 113, 170 p.

GEYSER (Groupe d’Etudes et de Services pour l’Economie des Ressources) - Rue Grande, 04870 Saint Michel l’Observatoire, FRANCE - Franca - www.geyser.asso.fr - geyser (@) geyser.asso.fr

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