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Lutter contre la déforestation en Côte d’Ivoire

La Croix Verte de Côte d’Ivoire à la tête du projet : forêts sacrées

Benoît VERDEAUX

03 / 2002

Les problèmes causés par la déforestation en Côte d’Ivoire, longtemps occultés, sont aujourd’hui une menace directe pour l’équilibre environnemental, culturel et spirituel de la région. En 1957, trois ans avant l’indépendance du pays, le patrimoine forestier était estimé à 21 millions d’hectares. En 1995, la surface couverte par la forêt représentait moins de 2,8 millions d’hectares. L’organisation non-gouvernementale Croix Verte de Côte d’Ivoire a été créée en juillet 1982 par un groupe de jeunes Ivoiriens. Monsieur Gomé Gnohite, à l’initiative du projet, en est l’actuel président.

Le but de cette ONG est "la sauvegarde de l’environnement pour un développement durable de la Côte d’Ivoire". En 1994, la Croix Verte de Côte d’Ivoire s’est affiliée à la Croix Verte Internationale (Green Cross International) créée par Monsieur Gorbatchev. Ses objectifs sont de "développer la conscience écologique nationale", "la préservation de la forêt et de la biodiversité", "l’amélioration de la qualité de vie des populations ivoiriennes", et "la réalisation et la promotion des études d’impact environnemental comme système de management environnemental".

En Côte d’Ivoire, il y a deux types de forêts : la forêt classée et la forêt sacrée. La forêt classée est un espace économique, social et culturel, dont la destruction entraîne des pertes graves pour la biodiversité : disparition de plantes alimentaires de cueillette, de plantes médicinales et d’animaux. Les agressions contre ces forêts proviennent essentiellement de choix de politiques économiques favorisant le déclassement de forêts pour, d’une part, la réalisation de plantations agro-industrielles extensives, et d’autre part, l’exploitation du bois pour la production de charbon ou le commerce des essences précieuses. De plus, ces interventions contraignent les paysans forestiers, qui doivent se réadapter aux nouvelles données environnementales ainsi créées, à empiéter sur la forêt pour cultiver les vivriers nécessaires à la consommation familiale et à la commercialisation locale.

Les forêts sacrées, quant à elles, ont connu en Côte d’Ivoire un recul moins important que les forêts classées. Quelles ont été les pratiques culturelles des populations ivoiriennes pour conserver ces forêts sacrées ? Comment faire profiter de l’efficacité de ces pratiques pour protéger les forêts nationales et leur biodiversité ? Le projet "forêts sacrées, patrimoine vital de Côte d’Ivoire" se penche sur le sujet. La forêt sacrée est, selon Croix Verte, "un espace boisé, craint et/ou vénéré, réservé à l’expression culturelle d’une communauté donnée et dont l’accès et la gestion sont réglementés par les pouvoirs traditionnels". Parti d’une action de la région de Zanzan pour la sauvegarde d’une forêt sacrée promise à la coupe, l’ONG a développé son action au niveau national. La première phase a consisté à réaliser un recensement typologique des forêts sacrées et à montrer ainsi la réalité nationale de ces espaces boisés. La seconde phase a pour objectif un inventaire floristique, l’analyse des divergences d’intérêts avec les forêts classées, et des expérimentations sur l’aménagement des forêts sacrées. Le but ultime étant de parvenir à étayer une argumentation pour la réalisation d’une loi de protection de ces forêts. Ces travaux ont permis d’estimer à 6 702 le nombre de forêts sacrées en Côte d’Ivoire, de publier un ouvrage sur les problématiques soulevées, de réaliser une monographie sur les variétés de plantes présentes dans certaines de ces forêts, de réaliser une enquête sociologique sur les différentes stratégies d’acteurs, de produire un herbier mort et un herbier vivant et de réaliser deux films documentaires. Actuellement, des travaux d’expérimentation sur les stratégies d’aménagement des forêts sacrées, avant leur duplication et leur vulgarisation, sont en cours. Cette action est conduite auprès des politiques, chefs traditionnels, ONG et universitaires et le relais des journalistes est sollicité. Pour l’ONG et son président, la victoire est d’ores et déjà acquise sur trois plans : la sauvegarde d’îlots de forêts sacrées, celle des traditions ancestrales, perçues comme un gage d’identité culturelle, et la protection de l’environnement, "socle d’un développement harmonieux et durable".

Palavras-chave

luta contra a deflorestação, proteção da diversidade biológica, proteção do meio ambiente, floresta, exloração florestal, gestão da propriedade


, Costa do Marfim

Comentários

La définition de la "forêt sacrée" officiellement donnée par la Croix Verte de Côte d’Ivoire aurait pu mentionner une autre caractéristique importante de ces espaces en tant que terres collectives. Il est en effet difficile (mais certes pas impossible), pour un homme ou un lignage, de revendiquer une propriété sur ces espaces collectifs. Leur vente pour défrichement ou leur destruction en est d’autant plus limitée. Cette caractéristique explique, dans bien des cas à elle seule, la survie de ces îlots de bois sacrés au milieu de terres en exploitation. Enfin, parmi les causes de la déforestation en Côte d’Ivoire identifiées par l’ONG, il est regrettable de retrouver les thématiques récurrentes depuis quelques années sur les responsabilités des ventes de terres aux populations "allogènes" et "allochtones" par les aînés de lignage. Comment soutenir que les ventes de terres aux populations extérieures au groupe villageois, qui "continuent", selon les propos du président de l’ONG ivoirienne, puissent être une des causes de la déforestation ? Il n’en est rien. La forêt classée de Côte d’Ivoire a été détruite sciemment pour favoriser le développement de cultures extensives de rente. Elle a été conduite et encadrée par des organismes d’Etat et n’était que l’expression d’une politique économique claire. Les populations sollicitées par les propriétaires fonciers ivoiriens pour mettre en valeur ces terres venaient de l’extérieur du village, du groupe ethnique ou du territoire national. Certains ont eu, pour salaire, une portion du revenu tiré de l’exploitation agricole, d’autres ont reçu ou ont en partie acheté un lopin de terre pour s’y installer. Il y a une vingtaine d’années, il arrivait encore que ces installations se fassent sur des résidus de "forêts noires", mais ce n’est plus le cas depuis plus de dix ans. Il est regrettable que cette thématique, fausse, soit encore utilisée pour expliquer un certain nombre de maux ivoiriens.

Notas

Fiche réalisée lors de la rencontre internationale "Dialogues pour la Terre", à Lyon, du 21 au 23 février 2002.

Entretien avec GOME GNOHITE, Hilaire, président de la Croix Verte de Côte d’Ivoire, 06 BP 1126 Abidjan, Côte d’Ivoire - Tel : 225 22 52 43 43 - Fax 225 22 52 38 45 - xverte@africaonline.co.ci

Fonte

Entrevista

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