En Seine-Saint-Denis, deux villes font appel à l’association MDSL (Mouvement pour un Développement Social Local - Intervention) pour l’animation et l’accompagnement d’Ateliers de l’Avenir

Elaborée en Allemagne dans les années cinquante, la méthode des Ateliers de l’Avenir vise à donner sa place à la population comme force de proposition. Cette technique dynamique permet la confrontation d’idées entre les différents acteurs concernés par un même territoire : habitants, usagers, élus, personnels municipaux, travailleurs sociaux... Il s’agit à la fois de construire un dialogue démocratique favorisant l’émergence de points de vue différents, de définir collectivement des objectifs de développement et d’élaborer des projets concrets pour les atteindre. Si ce processus de formation réciproque nécessite une égalité dans l’accès à l’information, l’organisation d’échanges d’expériences et de pratiques et la construction d’un langage commun entre les différents acteurs du territoire (dont les habitants), chacun conserve néanmoins son rôle : l’enjeu est la construction collective, non la confusion ou l’inversion des champs de compétences et des légitimités. Dans cet objectif, l’animation du dispositif doit être confiée à une équipe extérieure, chargée entre autres de concevoir des outils pédagogiques et de consigner la mémoire.

La méthode

Les ateliers se déroulent en trois phases. Tout commence avec des billets, sur lesquels chaque habitant ayant répondu à l’invitation inscrit tout ce qui, à ses yeux, dysfonctionne dans son quartier. Les billets sont recueillis et mélangés (l’anonymat favorisant la liberté de parole). L’équipe d’animation des ateliers lit à voix haute chacune des remarques et les affiche face à l’assemblée. Les participants sont alors invités à regrouper les différentes récriminations en quelques grandes thématiques, puis à résumer chaque thème par une phrase.

Après cette "phase critique", la "phase imaginative" peut commencer. Les participants sont amenés à exprimer un idéal pour le quartier : il s’agit dorénavant de laisser la place au rêve et de ne pas limiter les propositions à ce qui est "faisable"... Puis vient le temps de la construction : quels objectifs se fixe-t-on ? Et quels sont les moyens qui permettraient d’avancer vers l’idéal ? Les professionnels - institutionnels et associatifs - présents dans les ateliers jouent alors un rôle de personne-ressource pour aider au montage de projets cohérents.

Programmés sur deux jours, ces ateliers représentent une occasion pour les participants d’établir ou de renforcer leurs relations, autour notamment d’un déjeuner pris en commun. Par ailleurs, un compte rendu complet des ateliers constitue une référence pour mesurer le chemin parcouru, mais sert aussi d’outil d’explication et de restitution pour l’élargissement de cette démarche à de nouveaux partenaires.

Expériences

A Noisy-le-Sec, la ville avait fait réaliser en 1996 une étude sur le quartier du Londeau. Le projet de réhabilitation des espaces extérieurs qui en découlait avait été validé par la ville, la préfecture et les bailleurs sociaux. Mais lors d’une réunion publique organisée en 1997, ce projet a été rejeté par les habitants.

Pour remédier à cette situation, le MDSL a été chargé de favoriser l’impulsion d’une dynamique de participation des habitants, l’objectif étant d’aboutir à la proposition concrète d’un projet global d’aménagement qui remplacerait le premier. Des groupes de réflexion ont donc été organisés, qui se sont réunis à partir de juin 1997. Les Ateliers de l’Avenir ont eu lieu en novembre de la même année. Une vingtaine de personnes y ont participé. A l’issue de la restitution publique, deux ateliers de travail ont été constitués pour approfondir la réflexion engagée et élaborer un projet de réaménagement ; ils ont fonctionné pendant sept mois avec 20 à 30 personnes. Un projet participatif a alors pu être présenté et 400 foyers environ ont été consultés sur ces propositions (création d’une "Maison du Londeau", des circulations automobiles pénétrant "en boucle" dans le quartier, tandis que son centre serait réservé aux cheminements piétons...), qui ont ensuite été validées.

Au Blanc-Mesnil, le contexte s’avérait sensiblement différent. Faire appel au MDSL répondait à l’objectif de donner une place centrale aux habitants : dans le cadre de la préparation du contrat de ville 2000-2006, il s’agissait de travailler collectivement à la définition des objectifs et à l’élaboration de projets concrets. Quatre réunions ont préparé la tenue des Ateliers de l’Avenir. En octobre 1999, 85 personnes ont participé aux ateliers des quartiers Sud de la ville, et 35 à ceux des quartiers Nord. Suite à ces ateliers, des groupes de travail se sont constitués afin d’élaborer un projet prioritaire pour chacun des thèmes retenus et de le réaliser, soit 5 projets dans les quartiers Sud et 4 dans les quartiers Nord.

Si le dispositif des Ateliers de l’Avenir vise à enclencher un processus d’autonomisation des habitants-acteurs, il est cependant nécessaire, pour avoir de réels effets, que la démarche ne soit pas seulement "une expérimentation de plus". Les attentes ainsi créées réclament d’être satisfaites. Dans cette optique, un "conseil de ville et de voisinage" a été créé en mars 2000 sur les quartiers Sud du Blanc-Mesnil, chargé de faire le point chaque trimestre sur l’avancement des 5 projets et la poursuite de la dynamique des échanges engagée avec les ateliers. Ce conseil doit permettre une plus grande cohérence des actions, mais contribue aussi, de fait, à instaurer des habitudes de travail collectif.

Mais le fonctionnement classique des municipalités peut aussi en être modifié : alors que les élus locaux sont souvent amenés à répondre à des demandes individuelles, la démarche de concertation mène à ce que les demandes, et les réponses, s’inscrivent dans un débat collectif. Elle devient en cela un outil d’aide à la décision. Il s’agit ensuite, sur le long terme, de transformer un état de fait ponctuel en réelle habitude...