En 1995, Logirep, bailleur social propriétaire d’un terrain en friche de 2,5 hectares dans le quartier du Pont Blanc, à Sevran, fait appel à l’Association pour la recherche d’alternatives à l’exclusion pour mettre en place des jardins d’insertion. L’APRAE, dont l’objet premier est le développement de structures d’accueil et d’hébergement pour des personnes en difficulté, réfléchissait à l’époque sur une réorganisation de ses activités visant notamment à intégrer la question de l’emploi.
Le projet démarre véritablement en 1997, avec l’embauche d’un premier salarié, agronome de formation. Sur le modèle des jardins d’insertion développés depuis une vingtaine d’années, les jardins biologiques du Pont Blanc proposent un accompagnement vers l’emploi à des personnes en difficulté. En moyenne, 15 à 20 personnes travaillent chaque matin dans les jardins. Ces hommes et ces femmes sont considérés comme "inemployables" au regard des critères des entreprises, en raison de difficultés diverses : handicap mental, instabilité professionnelle, faible maîtrise du français, méconnaissance du monde du travail, troubles psychologiques, alcoolisme, difficultés familiales, etc. Un tiers d’entre eux habite le quartier, un tiers vient de Sevran et les autres sont suivis par l’APRAE pour des problèmes de logement. Ils sont orientés par des référents, service social, centres sociaux ou associations, et passent par l’ANPE avant d’arriver aux jardins.
Ils sont embauchés en Contrat emploi solidarité, d’abord pour 3 mois. Puis, les contrats sont renouvelés, pour une durée totale de 12 mois maximum. Dans cet intervalle, sur le terrain, il s’agit pour les 2 encadrants techniques et le chef de service de profiter de ce "milieu protecteur" pour aider les salariés à faire face aux exigences du monde du travail sans "exploser" ou se renier. Dans un premier temps, les personnes doivent s’approprier l’activité, admettre l’idée que l’on travaille d’abord pour soi. Puis, il devient possible de faire des compromis par rapport aux contraintes qu’impose tout cadre de travail. Dans les serres, progressivement, l’encadrement aborde les questions d’hygiène, de sécurité, les relations entre collègues ou avec la hiérarchie, la législation... S’il existe un discours collectif, sur le respect des horaires en particulier, la majeure partie de l’accompagnement doit s’adapter aux situations individuelles.
Parallèlement, la médiatrice sociale de l’association peut accompagner ou aider à résoudre des problèmes administratifs, de logement ou de santé. Présente à plein temps, elle est un repère et un relais pour les salariés des jardins. Deux autres professionnels sont là régulièrement : des permanences hebdomadaires sont assurées par la psychologue de l’APRAE et un conseiller professionnel d’Astrolabe Formation (travail sur le projet professionnel). Des partenariats ont été mis en place pour la sortie, avec des entreprises "classiques" par le biais d’Astrolabe, avec l’atelier protégé de Montfermeil, des centres d’adaptation par le travail et des entreprises d’insertion. A la fin du contrat, un bilan est effectué avec la personne et son référent, et celle-ci continue à être suivie pendant 3 mois au moins. Pour près de 3 personnes sur 4, estiment les encadrants de l’APRAE, un changement visible s’est opéré, qu’il s’agisse d’un emploi, d’une formation ou d’un logement.
Dans les jardins, l’environnement devient un outil au service de l’insertion. Travailler la matière permet de reprendre contact avec des choses de la vie, de redécouvrir une certaine réalité. "On travaille le sol, on plante une graine, on obtient une floraison puis un fruit"... Les interactions sont relativement nettes : on ne peut se permettre de rater une étape. Il faut aussi maîtriser son corps et ses gestes. En étant mises en situation, les personnes peuvent elles-mêmes établir des analogies, avec la vie, le développement et la mort. L’environnement est alors un moyen pour elles de se reconstruire, de trouver des repères.
Par ailleurs, l’APRAE souhaitait que les jardins d’insertion soient appropriés par le quartier, fassent partie intégrante de la vie du quartier. Un jardin pédagogique, géré par une animatrice à plein temps, est aujourd’hui aménagé sur le même terrain. Il propose aux classes maternelles et primaires de l’école voisine diverses animations sur le thème de l’environnement : études des arbres, des insectes, plantations et dégustations de légumes, atelier de recyclage... Les fêtes du quartier sont également l’occasion d’animations auxquelles sont associés les parents.
En principe, les jardins ne s’adressent ni aux adolescents ni aux jeunes mineurs. Mais des articulations se sont construites au fur et à mesure. Un club jardinage a ainsi été mis en place dans le collège du quartier ; il fonctionne sur le temps scolaire et les mercredis. L’APRAE a de plus participé à un projet monté par un club de prévention et un collège de Sevran : après des séances de découverte du monde agricole, un groupe de collégiens est parti sur un chantier agricole de coopération internationale à Cuba. En 1999, une action de ramassage des déchets a été organisée pendant les vacances scolaires avec 6 jeunes "difficiles" du quartier. Conçue avec un accompagnement (visite d’une exposition en Normandie, d’usines, ateliers de recyclage du papier, contact avec les salariés des jardins d’insertion...), cette action a été l’occasion de travailler à la fois sur le comportement de ces jeunes et sur une sensibilisation plus large des habitants du quartier.
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, Franca, Sevran
Contact : Jardins biologiques, 7 allée des Chèvrefeuilles, 93270 Sevran - Tél. 01 43 85 69 66 - Fax 01 43 83 74 29 - jardinbio.aprae@wanadoo.fr
Entretien avec SACI, Hamama et GAMET, Olivier, APRAE, le 19.09.20
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