"L’Afrique a vécu ’l’espérance’, mieux ’les espérances’. Elle doit vivre à présent la responsabilité. Elle guérira, je le crois. Mais croire en l’Afrique ne va pas sans ascèse, sans régime de maîtrise de soi et de son destin. Missionnaires, techniciens, humanitaires, militaires... ont essayé de soigner l’Afrique. Elle en est sortie plus malade et plus fragile encore. C’est au tour de l’Afrique, aujourd’hui, de se prescrire, non pas un fortifiant, mais un traitement à la hauteur de son mal. Et ce mal est complexe, profond... "
Cette citation d’On’okundji Okavu Ekanga, auteur de l’ouvrage, en traduit bien le message. L’Afrique est malade, mais ce n’est qu’en elle- même qu’elle trouvera les ressources nécessaires à sa guérison.
L’Afrique est rongée par de nombreux maux : pauvreté, voire misère, maladies et mortalité infantile, mais aussi corruption, perte de dignité, cupidité...
Et pourtant le continent africain a participé depuis toujours à l’avancée du monde, et ce contrairement à ce que l’histoire occidentale veut bien faire croire. La société égyptienne au début de notre ère, forte de "négritude", l’extension des royaumes du Mali ou du Ghana, le savoir-faire des marins de la côte Est, qui dès le XV° siècle, commerçaient avec l’Inde et la Chine, ne sont que quelques exemples pour montrer que ce continent avait de formidables capacités et connaissances. L’histoire africaine est mal écrite, mais elle n’a rien à envier à celles des peuples du Nord.
Mais les relations de l’Afrique avec les autres continents se sont trop souvent soldées en sa défaveur. Le développement de l’esclavage et la colonisation ont vidé l’Afrique non seulement de ses forces vives (combien de millions de jeunes hommes et femmes, en pleine force, ont été déportés dans les pays du Nord, ou ont péri en voyage ou dans les plantations ?), de ses richesses, mais aussi et surtout de sa confiance en soi et de sa dignité.
Et aujourd’hui, la technoscience occidentale qui s’immisce et s’impose dans le continent, ressemble à "cette femme qui passe et que l’on désire ; elle est sans défaut, puis une fois qu’on l’épouse, on lui en découvre neuf".
En particulier, cette technoscience qui, il est vrai, promeut la créativité, ignore le partage et la gratuité. Elle n’est qu’inflation scientifique et technique. Elle entraîne toujours davantage de production, à tout prix et en quantité industrielle, comme si le bon citoyen est celui qui vit pour consommer, pour calculer, pour cultiver l’électron et manipuler le transistor...
Pour de multiples raisons liées à son terroir, son "écosystème", sa spiritualité et son humanisme, l’Afrique doit éviter le piège de la modernité scientifique, refuser la pensée unique, projet totalitaire réducteur de l’homme et du réel.
Mais elle ne peut pas choisir non plus la voie de l’intégrisme africaniste, dramatique et sans espoir, qui consiste à refuser en bloc cette modernité.
Elle doit innover entre la technoscience et l’intégrisme africaniste, entre courants d’air et apoplexie, et redéfinir son développement en se basant sur la biodiversité culturelle et en valorisant sa vision de l’Homme, profondément intégré dans la nature.
corrupção, pobreza, tradição e modernidade, cultura popular, história, cultura e desenvolvimento, ética, ciências sociais
, África, Congo, Zaire
Le texte est écrit dans un style percutant, et l’auteur n’a pas l’habitude de faire des concessions inutiles. Docteur en philosophie, mais aussi prêtre dans une paroisse française, il défend la négritude et tout le savoir, les compétences et le comportement de l’Africain. Il condamne sans violence mais fermement les relations déstructurantes, voire destructrice que l’occident a imposé au continent africain, de l’esclavage à l’hégémonie de la technoscience en passant par la colonisation.
Son propos est très agréablement nourri de nombreux proverbes en langage Tétéla, sa langue d’origine - leur traduction illustre toujours précisément le paragraphe antérieur ou à venir - qui permettent de faire le lien entre nos deux civilisations si différentes.
Parfois, les idées peuvent paraître brouillonnes et répétitives au fil du déroulement des chapitres. Cette faiblesse est fortement compensée par la spiritualité qui traverse l’ouvrage - notre vision occidentale de l’Homme est tellement réductrice -. L’auteur nous accroche par son honnêteté et sa clairvoyance, par son amour pour l’Afrique, par sa motivation et sa combativité à trouver la nouvelle éthique de développement.
Livro
OKAVU EKANGA, On'Okundji, Les entrailles du porc-épic - une nouvelle éthique pour l'Afrique, Grasset-Fasquelle-Le Monde in. Coll. Partage du Savoir, XX/1999 (France), 260 p.
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