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La vision étroite de la Banque Mondiale (Tchad)

Apprendre à quelqu’un à être maçon sans lui donner la truelle ne mène à rien !

Marc MOUGNAN, Benoît LECOMTE

04 / 1998

Marc Mougnan, Vice-Président de l’ASSAILD (Association d’Appui aux Initiatives Locales de Développement) : "La Banque Mondiale (BM), je crois que quelquefois il y a trop de bêtises là-dedans. On fait de la vulgarisation, tous les jours des gens viennent chez les paysans faire la démonstration : "faites ceci, faites cela"; mais la BM n’accompagne pas. Elle dit qu’elle finance la vulgarisation et c’est tout. L’accompagnement, il n’y en a pas. Alors vous venez avec une nouvelle technique, ou bien avec de nouveaux produits que vous proposez aux gens de cultiver, mais vous ne leur fournissez pas de semences. Pourtant, on pourrait leur donner, même à crédit, des moyens de culture comme des charrues et des moyens de transport comme des charrettes, leur donner des crédits pour les aider à acheter des boeufs parce qu’avec les événements que nous avons vécus depuis trente ans, il y a des villages qui n’ont même pas une paire de boeufs. On doit tenir compte de tout cela.

On dit qu’on fait la vulgarisation, mais la vulgarisation ne donne pas les moyens de production. On dit que ces moyens, c’est l’Etat qui doit les donner ! Mais pour l’Etat, avec ses difficultés financières, c’est difficile. On nous a promis, par exemple, que l’Etat apporterait 200 millions CFA (2millions FF) pour les crédits vivriers chaque année. J’avais fait un projet de 200 millions CFA . Et on nous a dit : "L’Etat a des difficultés; il ne peut pas verser 200 millions". Donc on a fait un projet de 100 millions. Il a été envoyé à N’djaména depuis l’an dernier et j’espérais voir cet argent en août-septembre 1997 pour la mise en place de ce projet. Mais il paraît qu’il y a un chèque de 50 millions qui dort encore aux finances. C’est très difficile de faire que l’Etat intervienne pour les moyens d’accompagnement.

La BM surestime toujours la force de l’Etat et s’imagine que ce dernier pourra participer à des choses qu’en fait il ne peut pas payer. Pourtant la BM est au courant de la Situation du Tchad, non ? Il y a des experts qui connaissent le pays, qui connaissent sa situation financière. Cet argent, c’est d’abord des prêts que le Tchad va devoir rembourser. Si on veut seulement faire de la vulgarisation, cela n’a pas de sens : il faut l’accompagner. Mais c’est leur philosophie ! Quel intérêt, quand les pays avancent un peu déjà, de les ramener de dix ans en arrière !

Avant, quand l’ONDR (Office National de Développement Rural) gérait, c’était le FED (Fonds Européen de Développement) et le FAC (Fonds d’Aide et de Coopération, France) qui finançaient et en ce temps-là, les gens pouvaient avoir des crédits pour l’achat de boeufs, de charrues, de charrettes et ainsi de suite. Il y a des paysans qui avaient 3, 4 paires de boeufs, mais avec les événements politiques et les troubles, les gens ont été dépossédés de tous leurs biens. Cela marchait bien, les gens étaient en train d’avancer. Maintenant, la BM est venue dire : "Non, dans mon projet pas d’accompagnement, nous on paie juste la vulgarisation et les gens vont se débrouiller pour se procurer le reste". Apprendre à quelqu’un à être maçon sans lui donner la truelle ni des moules pour faire des briques, ce n’est pas bien ! Et pourtant le programme s’appelle PSAP (Programme de Services d’Appui à la Production) !

Puisque la BM nous fait un prêt, elle n’a qu’à tout prendre en charge. Etant donné que le Tchad doit rembourser, je ne vois pas pourquoi on financerait simplement la vulgarisation et pas l’accompagnement et l’investissement dans du matériel. On n’avancera jamais si on ne fait les choses qu’à moitié."

Palavras-chave

ONG do Norte, banco mundial, dívida externa


, Chade, Moundou

Comentários

Un cadre tchadien déplore le fait que les paysans soient soumis aux visions trop étroites des bailleurs de fonds et en particulier de la Banque Mondiale. Cette dernière en disant : "nous acceptons la seule tâche de vulgarisation et nous refusons de financer par notre prêt certaines semences ou des intrants ou d’autres mesures d’accompagnement", fait comme si l’Etat tchadien avait les moyens de fournir cette part. Mais comme l’Etat est pauvre, l’appui finalement ne sera que de vulgarisation et pour le reste "les gens n’auront qu’à se débrouiller".

Notas

Ce coup de colère de Marc Mougnan, vice-président de l’ASSAILD, s’inscrit dans le contexte de crise au Tchad qui dure depuis deux décennies.

Entretien avec MOUGNAN, Marc, réalisé a Moundou (Tchad) en avril 1998.

Fonte

Entrevista

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