Une association créée par une femme en 1975 en Casamance
07 / 1998
"Je m’appelle Souaïbou MANE, connu sous le nom de Pascal, je suis d’un petit village dans l’arrondissement de Diouloulou, au Sénégal. Ce village est membre d’une association dénommée "Entente de Diouloulou". Au début, cette Entente portait le nom du siège : Kabiline. Puis au cours de son évolution, il y a eu l’intégration d’autres villages, ce qui l’a conduit à prendre le nom de l’arrondissement dans lequel elle évolue. C’est une association qui évolue depuis 1975. Elle a été reconnue administrativement en 1984. Je suis animateur d’alphabétisation depuis 1986 après mes études au lycée. En 1987 l’association m’a confié la responsabilité d’une entreprise qui fabrique des tuiles. J’ai voyagé pour une formation au Canada. Après deux ans d’expérience, j’ai été nommé responsable de la communication de l’association.
"L’Entente de Diouloulou" est née à partir de l’expérience du groupement de Kabiline. C’était un regroupement de femmes du village qui évoluaient chacune dans son petit jardin. Les femmes ont une fois appelé les hommes pour leur demander une aide physique leur permettant de clôturer deux hectares pour pouvoir faire du maraîchage. Alors d’autres villages en ont fait autant, ils ont trouvé la nécessité de venir visiter ce premier groupement qui avait déjà reçu un financement de 15 millions pour la mise en place d’un verger. Deux groupements se sont affiliés à ce village pour travailler ensemble.
L’Entente avait comme premier objectif de freiner l’exode rural qui n’avait pas seulement touché les jeunes mais également les femmes. Donc, il fallait régler ce problème, puis ensuite régler le problème de la sous-alimentation. Car la région avait connu une saison pluvieuse très mauvaise. Nous avons réussi à retenir les jeunes sur place par la mise en place également de Foyers de jeunes. Car on sait que l’activité des jeunes c’est les loisirs, les divertissements, les activités sportives; on a mis en place des foyers, des boîtes à musique, on a ensuite équipé les villages pour le football (chaussures, ballons, maillots).
Les femmes, parce qu’elles n’avaient pas de quoi s’habiller et que leurs maris ne pouvaient rien donner, préféraient aller en Gambie travailler et pouvoir se faire des habits. On a donc mis en place des structures qui répondent aux besoins des femmes : des ateliers de couture, de teinture, puis de savonnerie et même de transformation des fruits et légumes.
Après les regroupements des femmes, il y a eu le problème du manque d’intellectuels. Les villageois se sont regroupés pour faire revenir deux personnes du village qui travaillaient à Dakar, l’un dans une entreprise de menuiserie-ébénisterie et l’autre dans une usine de fabrique de savons. Ces gens sont revenus et ils ont tenu la gestion et l’élaboration des projets de ce groupement. Par leur sensibilisation ils ont eu à faire voir aux membres du groupement que le village seul ne pouvait pas avancer, que le village seul ne pouvait pas développer tout l’arrondissement, que le village seul ne pouvait pas satisfaire toute la population en matière d’amélioration des conditions de vie. C’est ainsi qu’ils ont élargi leurs expériences, qu’ils ont fait appel à d’autres groupements qui évoluaient également chacun dans leur coin.
L’association s’est vraiment lancée pleinement dans les activités à partir de 1984, et s’est mise en GIE (Groupement d’intérêt économique). Il y avait deux bureaux dans l’association : un Bureau Social, qui gérait uniquement les activités sociales, et le Bureau du GIE qui gérait uniquement les activités économiquement rentables.
De 1984 à 1986, on avait une boutique, et puis on avait des entreprises comme la menuiserie, ensuite la mécanique et les champs collectifs qui permettaient aux groupements de s’acquitter des cotisations. A partir de 1987, on a commencé à installer l’unité de fabrique de tuiles, mais en ce moment l’unité produisait les tuiles seulement pour la couverture des cases de santé, des maternités et des foyers des jeunes et de quelques maisons des villages membres de l’Entente. L’association a contacté NCOS BELGIQUE, pour la mise en place d’une ferme expérimentale et en même temps une ferme de formation où on formait les animateurs à l’agriculture et à la gestion de l’environnement.
De 1992 à 1993, nous avons mis en place 4 autres boutiques alimentaires, qui ont permis également la création de deux petites activités des femmes, la teinture et la transformation des fruits et légumes.
Notre association, depuis 1987, s’est fédérée avec d’autres "Ententes" qui se trouvent au Sénégal (par exemple, Bamba, Koungheul, Koupentoum). Les Ententes ont créé une fédération de ces ententes, la fédération "Inter-ententes". Puis chaque association avait érigé un GIE et en plus de "l’Inter-ententes", nous avons créé "l’Union des GIE". Dans le département de Bignona, nos organisations paysannes se sont aussi fédérées en une association appelée CORD (Coordination des Organisations Professionnelles du Département du Bignona). Cette coordination a un outil unique au Sénégal qui est la "Maison du Paysan". Avec une association voisine, qui évolue dans le même chef-lieu, l’AJAC (Association des Jeunes Agriculteurs de Casamance fondée en 1977), nous avons créé une association commune : Amangora. Nous sommes également membres de la FONGS (Fédération des ONG du Sénégal) depuis 1990 seulement car pour être membre, il fallait que l’association soit en fonctionnement depuis 10 ans."
história, organização camponesa, desenvolvimento local, êxodo rural, mulher, gênero, concertação
, Senegal, Diouloulou
L’histoire d’une Union de groupements paysans membres des Ententes au Sénégal dont le point de départ a été la reconnaissance des besoins et des capacités des femmes rurales. Association novatrice qui, dès 1984, avait bien perçu la nécessité de distinguer par des structures spécifiques deux types d’activités : les activités d’objet social ("le bureau social") et les activités économiques gérées par un GIE (Groupement d’Intérêt Economique).
Cette fiche en introduit trois autres qui décrivent avec précision le rôle clef des femmes dans cette organisation paysanne de Casamance et les essais/erreurs pour mieux s’organiser entre femmes et hommes.
Voir fiches GRAD n° : 200 à 206.
Entretien avec MANE, Pascal réalisé en mai 1998 à Ziguinchor
Entrevista
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