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L’évolution de la place des jeunes et des femmes au sein du Foyer des jeunes de Ronkh, entre 1971 et 1989 (ASESCAW, Ross Bethio, Sénégal)

Ndeye SARR, Séverine BENOIT

10 / 1998

Madame Ndeye Sarr, membre de l’Association Sociale, Economique, Sportive et Culturelle des Agriculteurs du Walo (ASESCAW) et Présidente de la FONGS (Fédération des ONG Sénégalaises) :

"Je suis née dans un village, dans le département de Dagana. C’est là où j’ai fait mes études primaires et je les ai terminées dans le village de ma mère qui se trouve dans le même département. Après j’ai fait mon secondaire. En 1971 je suis rentrée au village. J’avais le niveau du BEPC à l’époque, mais cela n’a pas marché. Mon père avait l’intention de me payer des études mais il n’avait pas les moyens. Donc je suis retournée au village et je me suis mariée. De 1971, époque où j’ai quitté les bancs, à 1984, j’étais "femme au foyer". J’étais chez mon mari, je gérais les activités de la maison, comme toutes les autres femmes du village. Je faisais la cuisine, je travaillais aux champs, j’allais chercher du bois dans la forêt avec mon enfant au dos. A l’époque, mon mari était un jeune instituteur qui était à Dakar et venait juste d’être embauché par la fonction publique. Il a eu l’idée de revenir au village pour créer un foyer de jeunes. Il avait des raisons. Premièrement, notre village était encadré par la SAED (Société d’Aménagement et d’Equipement du Delta), une structure de développement de l’Etat qui aménageait les périmètres irrigués. Et il s’est trouvé que mon père et d’autres coopérateurs leur payaient trop de redevances. Il ne leur devait pas car la société majorait la surface réellement aménagée pour toucher plus d’argent. Deuxièmement il y avait eu la grande sécheresse (1973) et les jeunes quittaient massivement les villages. Le ministère de la jeunesse et des sports voulait développer la lutte contre l’exode rural. Ces deux faits ont poussé mon mari à retourner au village et à animer le Foyer des jeunes qui avait pour objectif de lutter contre le sous-développement, de lutter contre l’exode rural et de permettre aux jeunes du village de rester dans leur terroir. Ce sont eux qui ont lancé des activités de développement. Ce Foyer des jeunes de Ronkh avait été créé en 1963.

Depuis qu’existait le Foyer des jeunes, il n’y avait pas d’implication des femmes parce qu’on était dans un village où il y avait encore le poids de la tradition et de la religion. Les Anciens disaient que la femme devait rester à la maison, qu’elle ne devait pas être présente dans certains lieux, qu’elle ne devait pas prendre la parole. Le Foyer a évolué en quelques années. Les responsables du Foyer étaient convaincus que le développement se faisait par l’homme et la femme et ils ont créé la section féminine du Foyer des jeunes.

On a pensé qu’il fallait créer quelque chose pour mobiliser toutes les femmes du village. Et c’était l’époque où, au niveau du gouvernement sénégalais, on avait la politique de créer des groupements de promotion féminine. Pour créer un "groupement de promotion féminine", on devait avoir les jeunes filles et femmes du Foyer, les femmes qui sont aux Comités et les femmes des autres associations. On a créé en septembre 1984 le "Foyer Femmes". J’ai été élue comme présidente. On a travaillé avec le Foyer des jeunes qui était très dynamique à l’époque et qui a aussitôt salué l’implication des femmes dans ce mouvement. Ils nous ont appuyées. On avait des programmes pour retenir les jeunes filles et les femmes dans le village après les récoltes. On avait un programme d’allègement des travaux des femmes afin de pouvoir les aider à s’alphabétiser en langue nationale. On s’est rendu compte que les femmes étaient très occupées pour piler la nourriture, donc on a trouvé une décortiqueuse à riz et un moulin à mil, financés par une organisation européenne. Après, on a pensé aux jeunes filles et on a créé un centre de couture et de teinture.

L’expérience du Foyer des jeunes de Ronkh a fait tâche d’huile et on a pu sensibiliser les autres villages environnants, qui ont répondu favorablement. C’est alors qu’on a créé l’Amicale, l’ASESCAW (Association économique, culturelle et sportive des agriculteurs ruraux). On disait à l’époque "des jeunes agriculteurs" mais finalement on a enlevé "jeunes agriculteurs" et on a mis "des agriculteurs". Lorsqu’on a créé l’Amicale du Walo, on était conscient du rôle de la femme dans le développement. Les femmes de l’Amicale réclamaient leur part parce que jusqu’alors elles n’étaient pas impliquées. C’est là qu’on a créé la Commission de la promotion féminine de l’Amicale que j’ai eu à diriger pendant des années".

Palavras-chave

gênero, mulher, êxodo rural, jovem, desigualdade social, cultura tradicional


, Senegal, Ross-Bethio

Comentários

Faire leur place aux femmes au sein des premières associations autonomes de paysans (qui se sont créées au Sénégal, durant les années 70) n’était pas prévu par les hommes. L’actuelle (1998) présidente de la fédération nationale de ces mêmes associations rappelle les premiers pas de "celles qui réclamaient leur part". Cet interview, fait percevoir le rapide changement social en Afrique sahélienne, avec en trame de fond l’émancipation de la femme. En vingt années, cette dernière est parvenue à faire ses preuves de par son implication dans des associations. Un changement long qui reflète des structures traditionnelles vivantes.

Notas

Entretien avec SARR, Ndeye, réalisé à Bonneville en septembre 1998.

Fonte

Entrevista

GRAD (Groupe de Réalisations et d’Animations pour le Développement) - 228 rue du Manet, 74130 Bonneville, FRANCE - Tel 33(0)4 50 97 08 85 - Fax 33(0) 450 25 69 81 - Franca - www.grad-france.org - grad.fr (@) grad-france.org

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