Le point de vue de la coordinatrice des activités féminines d’une importante ONG
Kébé Ndiémé NDIAYE, Séverine BENOIT
06 / 2001
Madame Kébé Ndiémé NDIAYE, Coordinatrice des activités féminines de l’Association Nationale des Maisons Familiales Rurales (ANMFR) explique ceci :
a) La "femme aux mille bras".
"Il faut faire beaucoup de choses à la fois pour appuyer la femme. Nous avons caricaturé cela avec une image : la femme aux 1000 bras. Elle est aux champs, à la cuisine, elle lave le linge, elle fait le repassage, elle balaie la chambre, elle nettoie l’enfant, elle surveille la maman qui est malade, elle prépare le repas, elle va faire son petit commerce, chercher son bois, à la classe d’alphabétisation. Qui va appuyer une femme qui a 1000 bras ? On est obligé de faire beaucoup de choses pour cela.
L’aide aux femmes, c’est vraiment quelque chose de normal parce que les femmes sont excessivement fatiguées maintenant. Avec la conjoncture, surtout dans nos milieux où les maris sont polygames, le mari ne peut plus satisfaire aux besoins de toutes les femmes. Alors parfois c’est la femme qui prend en charge les frais de scolarité de ses enfants, les frais de santé, qui se prend elle-même en charge, ce qui fait qu’elles ont besoin de l’aide.
On peut dire qu’aujourd’hui l’ANMFR reçoit plus d’aide en faveur des femmes qu’en faveur des hommes, si on prend l’enveloppe globale qu’on reçoit des partenaires. Si par exemple on prend le volet crédit, à lui seul ce volet accapare presque 70 pour cent et le crédit est une activité spécifique aux femmes. Donc là il y a discrimination positive envers les femmes. Egalement, si on regarde du côté des adhérents, on dit qu’on va injecter tant, pour tant d’adhérents et dans la plupart des cas, les femmes sont majoritaires, donc le plus grand volume revient aux femmes."
b) Conseils aux partenaires désireux d’aider les femmes.
"Ce que je conseillerais aux partenaires, c’est d’être rigoureux dans l’organisation. Par exemple, si l’aide est très facile et qu’à chaque fois que la femme a besoin d’être aidée, elle tend la main et on lui donne ce dont elle a besoin sans une certaine rigueur, elle va gérer cela mal. C’est pourquoi on insiste pour que, quelque soit la façon dont tu es démunie, tu fasses un apport. Pas de subvention gratuitement ! C’est pour sécuriser l’aide. Si c’est totalement gratuit, il y a des risques d’échec. Nous insistons beaucoup sur l’apport personnel parce que quand tu as ta petite bourse quelque part, tu la surveilles, mais si c’est de l’aide tu te dis : "cet argent-là, c’est seulement de l’argent qu’on nous a donné ".
Un bailleur peut subventionner mais il doit demander à l’organisation qui va gérer l’argent de ne pas le donner gratuitement. Nous, nous recevons des subventions des bailleurs, de l’Union européenne, de la NOVIB (Hollande) ou bien d’OXFAM (Belgique et Grande-Bretagne) mais arrivé là, une fois que cela va sur le terrain, cela devient des crédits. Chaque groupe le gère pour renforcer sa propre caisse. C’est seulement pour les activités de formation qu’on ne demande pas d’apport car on s’en charge nous-mêmes".
c) Epargne et concertation afin de concrétiser des projets.
"Il faut également inciter les gens à faire de l’épargne parce que l’aide, quoi qu’on dise, peut s’arrêter d’un jour à l’autre. Au fur et à mesure qu’on développe cet esprit d’épargne, cela peut nous permettre de nous passer de l’aide. C’est un objectif mais pas à court terme parce qu’au fur et à mesure qu’on obtient des résultats, il y a la demande qui s’accroît. C’est notre problème. C’est pourquoi on a toujours besoin de l’aide. Peut-être qu’à très long terme on pourra s’en passer.
Pour doser l’appui, il faut un cadre de concertation parce que parfois différentes organisations font la même chose avec les mêmes personnes. Et s’il n’y a pas un programme d’organisation, on risque de mettre trop de sous dans une même localité et cela ne fait qu’amener beaucoup de problèmes."
gênero, promoção de mulheres, desigualdade social, estrutura de apoio, meio rural, desenvolvimento local, concertação
, Senegal, Thies
Aider une femme rurale, c’est aider un "être à 1 000 bras", disent les permanents de l’association nationale des Maisons Familiales. Pour être efficace, celui qui aide doit tout faire pour que son don soit transformé en crédit aux diverses activités féminines, à l’exception d’un apport gratuit pour la formation qui accompagnera gratuitement chaque activité nouvelle initiée et financée par les femmes concernées. Encore faut-il pour réussir que les ONG qui apportent l’aide se concertent entre elles au lieu de s’ignorer et de se concurrencer.
Voir dans la base DPH plusieurs autres fiches tirées du même interview. Concernant la Femme et sa situation au Sahel, voir les fiches GRAD n° 107; 140; 163; 208; 386; 398; 404; 412; 464 à 467; 470 à 492.
Entretien avec NDIAYE, Kébé Ndiémé réalisé à Thiès en février 2001.
Entrevista
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