En ville, on commence par les ordures
05 / 2001
Des membres du groupement féminin de SET-SETAL témoignent du travail fait dans leur quartier de la ville de Thiès :
"Dans la première phase, le groupement a commencé à travailler avec AGETIP (une initiative du gouvernement et de la Banque Mondiale en particulier pour le nettoyage des rues), mais c’était pour une durée déterminée. Quand le contrat a été terminé, au lieu de rester à ne rien faire, nous avons décidé de nous réunir et de nous organiser avec l’appui du développement communautaire. Ainsi nous avons pu développer ce groupement SET-SETAL. C’était en 1993. Aujourd’hui, il y a 793 femmes qui sont membres, présentes dans 8 quartiers de Thiès.
Notre principale activité est la collecte des ordures mais à travers cette activité il y a une activité préalable qui est la sensibilisation. Ce travail de sensibilisation, c’est pour impliquer les populations. Chaque famille, chaque concession a un dépôt d’ordures. Dans la concession, il y a un espace pour stocker les ordures. Chaque foyer bénéficiaire de poubelle doit verser une cotisation de 750 FCFA (7,50 FF) par mois. Ce sont ces cotisations qui permettent au groupement de payer la personne qui est chargée de ramasser les ordures et d’entretenir la charrette. La charrette passe à chaque point pour récupérer les ordures et les emmener au dépotoir.
La collecte des ordures est l’activité principale mais il y a aussi des activités annexes tel que la réalisations d’objets, le tressage du plastique. Nous utilisons les matières plastiques récupérées pour faire des objets d’art. Nous vendons ces objets que nous fabriquons à partir des matières plastiques, comme les sacs, les poupées, les gilets. Ce qui pose problème, c’est l’écoulement de ces produits parce que nous avons du mal à trouver des acquéreurs, alors nous gardons cela pour nous. Le verger fonctionne bien aussi, mais la plupart du temps la récolte sert à payer pour les malades qui sont dans nos quartiers. Le stockage des ordures permet également de faire du compost pour nos parcelles arboricoles. Avec les fruits récoltés, nous faisons des confitures. Nous faisons aussi de la fabrication de savon, de beurre de karité et de la conserve de tomates pour le petit commerce.
Nous avons aussi une caisse d’épargne et de crédit, où chaque femme cotise une fois par mois. Une fois qu’une femme a cotisé 3500 FCFA (35 FF), elle peut emprunter auprès de la caisse du groupement. Donc, il faut d’abord épargner pour avoir du crédit.
Le petit commerce individuel des produits de première nécessité ne marche pas bien, parce que nous n’avons pas de financement au départ, alors cela ne se développe pas. Le petit commerce ne rapporte pas plus de 5000 FCFA (50 FF) par femme et par mois, alors nous ne pouvons pas beaucoup investir. L’activité en elle-même marche mais c’est le financement qui nous fait défaut.
Récemment, nous avons participé à la quinzaine de l’hygiène, nous avons beaucoup participé aux sensibilisations avec les services de l’hygiène et de l’éducation pour la santé. Nous sommes passées dans les quartiers pour faire des causeries sur différents thèmes comme la vaccination des jeunes, comment éviter le choléra. Nous faisons cela souvent, on aborde aussi les thèmes du planning familial. Mais pour organiser ces réunions de sensibilisation, cela demande des fonds. Il faut la location du matériel, le déplacement des personnes, alors si nous n’avons pas d’argent nous ne pouvons pas le faire. C’est pourquoi nous profitons de la semaine de l’hygiène pour le faire. Nous avons par exemple fait un sketch sur le SIDA.
Il y a quand même eu une évolution dans les mentalités depuis que nous avons commencé. Auparavant, tu pouvais voir dans les rues des femmes en train de déverser l’eau sur la route, maintenant, les gens ont pris conscience des effets néfastes de tels comportements pour toute la société. C’est un acquis. De même pour les dépôts d’ordures sauvages. On a pu voir un changement dans les huit quartiers où nous intervenons.
Le groupement est seulement féminin, et seules les femmes travaillent. Si une femme est malade, elle peut envoyer son fils pour la remplacer. On est d’accord pour cela, mais pour les hommes nous ne les voulons pas. Parce que s’il y a des hommes dans le groupement, tout ce qu’on va faire comme travail, les gens diront que ce sont les hommes qui l’ont fait, parce que la femme est toujours placée au second plan. Alors la solution c’est de faire un groupement seulement entre nous. Le compostage, le maraîchage et même le désensablement nous le faisons seules.
C’est plus facile pour un groupe de femme d’avoir de l’aide, parce que ceux qui financent savent que les femmes, si elles reçoivent de l’aide, elles vont tout faire pour avoir des résultats alors que les hommes vont manger le crédit. Il y a des hommes qui ont fait des groupements comme nous, mais cela marche moins bien. Les femmes sont plus dynamiques, plus honnêtes.
Pour la cotisation des 750 FCFA par mois pour le ramassage des poubelles, c’est pareil, ce sont les femmes qui paient cela. Parce que les maris disent que c’est aux femmes qu’incombent les tâches de la maison et le ramassage des ordures. Ici les charges sont très mal réparties entre l’homme et la femme, mais si l’homme donne 1 000 FCFA (10 FF), la femme, elle , donnera le double !"
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, Senegal, Thies
Les membres d’un groupement de près de 800 femmes actives dans 8 quartiers de la ville de Thiès font la liste de toutes les activités (personnelles, familiales et collectives) induites par la collecte des ordures qu’elles assurent pour une cotisation par foyer de 750 CFA (7,50 FF) par mois.
Sur le même thème et le même groupement de femmes habitant en ville, voir la fiche GRAD n° 471.
Entretien avec le groupement de promotion féminine SET-SETAL.
Entrevista
BENOIT, Séverine
GRAD (Groupe de Réalisations et d’Animations pour le Développement) - 228 rue du Manet, 74130 Bonneville, FRANCE - Tel 33(0)4 50 97 08 85 - Fax 33(0) 450 25 69 81 - Franca - www.grad-france.org - grad.fr (@) grad-france.org