Depuis l’année scolaire 1995-96, une équipe de l’Université de Paix de Namur mène une formation à la médiation au sein de l’école primaire du Biéreau à Louvain la Neuve, à la demande de la direction de l’établissement. Cette formation concerne les adultes et une quarantaine d’enfants volontaires.
Changer le climat dans une école pas différente des autres
"Tu nous demandes de décider nous-mêmes, mais en classe on ne le fait pas ! ", nous a dit un jour une jeune médiatrice de 11 ans. Cette fille fait partie du groupe d’enfants-médiateurs dans une école à Louvain la Neuve, ville universitaire en Belgique. L’école qui rassemble 340 enfants n’est guère différente de tant d’autres, avec ni plus ni moins de violences ou de conflits. Insultes, jugements, injures, sobriquets péjoratifs et coups émaillent les récréations.
On a conçu l’école pour que les enfants y trouvent tout ce qu’il faut pour une tête bien faite et bien pleine. Mais rien pour le coeur! Et souvent il y a tant de bruit qu’on a du mal à en placer une. C’est comme ça que les mots se bloquent et perdent leur usage essentiel...
L’objectif de notre projet a été de prendre en charge les conflits personnels, interpersonnels ou de groupes dans les classes et en récréation. Enfants et enseignants ont vécu quasiment le même programme comportant trois étapes. La première a consisté à prendre en compte les conflits vécus à l’école et à sensibiliser les personnes à la coopération. Lors de la seconde étape nous avons proposé des exercices permettant la cohésion du groupe, l’augmentation du climat de confiance, de l’estime de soi, de la communication et de l’écoute pour terminer par l’apprentissage des techniques de médiation. Enfin la dernière phase a visé à installer un groupe de soutien, le "club Med" (comme Médiation). Il s’agissait de rassembler tous les quinze jours les enfants médiateurs et les adultes accompagnant pour assurer le suivi et traiter les difficultés ou réussites rencontrées.
Ce programme a été novateur, comme un fil conducteur pour l’école
En mai 1995, presque 80 enfants se portèrent volontaires. En décembre 1995, il n’en restèrent que 24. Le choix entre les candidats a été fait par les adultes et les élèves selon certains critères : nous voulions notamment respecter un équilibre filles-garçons et un équilibre relatif aux nationalités d’origine des enfants (trente origines différentes). Nous souhaitions aussi avoir des enfants perçus par les enseignants et les élèves comme des "leaders positifs" et des "leaders négatifs". Nous avons ciblé les 8-12 ans parce que nous pensions qu’à partir de 8 ans les enfants sont capables d’altruisme et de plus d’écoute et de capacité de langage qu’avant cet âge.
Au fur et à mesure de l’installation du projet, le fil conducteur de notre programme est devenu un fil tout court, reliant les enseignants entre eux et aux enfants et les enfants entre eux. A travers cette expérience les enfants ont appris à mieux se connaître, à écouter l’autre, à s’exprimer sans agression, à admettre que l’autre peut avoir un point de vue différent du leur, à imaginer des solutions sans perdants. Cela a été pour chacun une occasion de se remettre en question dans l’école et de dire tout haut ce qui se passe tout bas. Les jeunes comme les adultes ont appris quelque chose pour eux-mêmes et pour améliorer leurs relations aux autres, ils ont expérimenté une autre façon de faire que la bagarre, ce qui est un pas vers l’édification de la Paix.
Les difficultés des élèves et des enseignants
Pour nous cette expérience est positive mais pose néanmoins question. Ainsi la notion de médiateur a oscillé entre être Zorro redresseur de tort, sauveur, scout... et la possibilité de choisir une autre manière de faire et d’aborder le conflit autrement que par l’agression physique ou verbale. Des élèves-médiateurs nous ont fait part de leur inconfort d’être montrés du doigt. Ils ressentaient un malaise face à cette situation de non-parité : de pair, de simple élève comme les autres, ils étaient passés au statut de "pair plus", de différent. Certains d’entre eux ont souhaité redevenir comme les autres, comme avant.
Autre difficulté : pour que l’enseignant ne reste pas l’enseignant, le formateur ne reste pas l’expert, il convient de réfléchir sur la place de l’autorité et d’agir de manière non-autoritaire. Il s’agit de faire en sorte que ceux qui détiennent le savoir et le pouvoir se positionnent autrement que dans un rapport suzerain-vassal. Certains professeurs éprouvent des difficultés à s’engager personnellement dans un processus de médiation lorsqu’ils imaginent que leur pouvoir et leur autorité sont menacés.
La médiation est d’abord un outil et cet outil est une occasion de changement. Car au travers du processus de la médiation souffle tout un esprit, une façon de vivre, d’être en relation. Nous avons pu constater ces résultats lors de cette expérience : un climat favorisant la discussion, l’entraide, la tolérance, la responsabilisation, est apparue entre les enfants.
Projets pour aller plus loin
L’expérience de cette école de Louvain la Neuve est la seule expérience de médiation scolaire connue actuellement en Belgique, alors qu’il y en a une dizaine de répertoriés en France. Mais ce projet n’est pas terminé. Reste à parfaire la formation des enfants et des pairs accompagnants de cette école.
Nous avons réalisé une vidéo d’expériences, et nous sommes en train de préparer une vidéo didactique destinée à d’autres lieux de socialisation.
Actuellement, nous sommes en négociation avec une école qui vise à appliquer le système de médiation à l’ensemble de l’institution.
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, Bélgica, Biéreau
Contact : Université de Paix de Namur, 4 bd du Nord, 5000 Namur, Belgique - Tél (+32 8)1 22 61 02 - Fax (+32 8)1 23 18 82. Equipe de travail constituée de COGNAUT Françoise, DENIS Cécile, GOBLET Christian, LEBOUILLE Béatrice, TIMMERMANS Joëlle.
Artigos e dossiês
Non Violence Actualité , 1997/01/01 (France), Entretien avec des membres de l'équipe.
CEDIDELP (Centre de Documentation Internationale pour le Développement les Libertés et la Paix) - 21 ter rue Voltaire, 75011 Paris, FRANCE - Tel 33 (0) 1 40 09 15 81 - Franca - www.ritimo.org/cedidelp - cedidelp (@) ritimo.org