Des habitants de la grande agglomération orléanaise ont constitué une équipe CMR car ils se revendiquent comme étant d’identité rurale. L’une des équipières, Marie-Thérèse Dugué, est aussi vice-présidente du réseau d’échanges de savoirs. Autrefois membre du Mouvement rural de Jeunesse chrétienne (MRJC), elle est en formation pour un diplôme universitaire de responsable de formation (Université de Tours en partenariat avec le MRERS (1)), au cours duquel elle effectue une recherche-action sur les réseaux d’échanges de savoirs. « J’ai été présidente de l’association pendant 4 ans : j’y ai appris beaucoup de choses, grâce à d’autres membres qui ont su me transmettre leur savoir, grâce également aux soutiens techniques de l’époque. J’ai trouvé cette expérience très enrichissante, elle m’a donné de l’assurance, j’ai appris à connaître les rouages de l’administration. J’ai passé le relais pour que quelqu’un d’autre fasse ce parcours enrichissant. »
Le principe du réseau d’échanges réciproques de savoirs a fait florès en France au cours de ces dernières années (600 actuellement, 9 dans l’agglomération orléanaise), car le principe est simple et attrayant : tout le monde sait quelque chose et peut le transmettre, et tout le monde a envie d’apprendre quelque chose de nouveau. La formule est souple et permet des échanges inter-individuels ou des échanges collectifs, avec une personne qui enseigne et une ou plusieurs qui apprennent. Tout le monde peut participer : Georges, qui est pilote de ligne, enseigne l’informatique, tandis que Enza, au chômage, transmets sa langue natale qu’est l’italien. Françoise apprend à faire le gâteau béninois tandis que Guillaume montre comment faire du roller. Gérard apprend à des enfants à fabriquer et poser des nichoirs pour les oiseaux, tandis que Salimata enseigne l’art des tresses africaines…
L’association fonctionne avec des subventions du Contrat de Ville et de la municipalité de St Jean de la Ruelle. Un bulletin de 8 pages en couleur, richement illustré, permet de faire le lien entre les membres et de faire connaître les échanges. Il s’intitule « La ronde des savoirs » et est distribué gratuitement.
Récemment, le réseau d’échanges de savoirs a créé un atelier santé, lieu d’écoute, de parole, d’échanges d’expériences et de questionnement en matière de santé. Au cours des échanges de savoirs, une amitié est née entre les personnes qui prennent plaisir à discuter de leurs enfants, de leurs problèmes personnels ou de grands problèmes de santé publique comme le Sida ou la toxicomanie. Pour ouvrir à tous ces échanges informels, l’atelier santé est né en septembre 1998. Il regroupe surtout des femmes, souvent mères de famille, de toutes origines. Après avoir identifié les thèmes qu’elles voulaient voir aborder (pharmacie d’urgence à la maison, diététique, hypertension, contraception, diabète, mal de dos, prévention des cancers…), des membres du réseau, infirmières, sont venues « offrir » leur savoir, puis des intervenants extérieurs, médecins, ont été invités. Avec un grand travail de préparation de chaque séance, les femmes de l’atelier santé ont pris conscience de l’importance d’un climat de confiance pour parler de leur corps, tout en mettant certains tabous en exergue. Cet atelier a créé une grande complicité entre toutes, et la prise de conscience que toutes étaient au même niveau face à la santé, infirmières, médecins ou mères de famille.
L’appartenance à ce réseau est entièrement gratuit : le fait de proposer un savoir et d’en demander un autre vaut cotisation. Ce jeu de réciprocité ouverte, où l’on offre un savoir sans être obligé d’en recevoir un de la même personne, permet une grande ouverture aux autres. Cela permet aussi aux diverses personnes, quelle que soit leur condition sociale, d’être reconnues dans leur identité et leur culture. Pour que les échanges se passent bien, il existe une sorte de code de bonne conduite où l’offre et la demande sont clairement exprimés, en respectant les autres (prévenir en cas d’empêchement, prendre le temps de faire connaissance…). Cet échange est en fait un apprentissage à la citoyenneté, car il suppose une sorte de contrat entre les deux parties, où l’on négocie, où l’on est libre d’accepter et de refuser.. etc. Tous les membres ont donc à exercer leur pouvoir de décision, ce qui est nouveau pour certains qui ne font que subir les aléas de la vie en société. Les deux parties sont responsables et bâtissent ensemble les conditions de leur apprentissage.
L’équipe d’animation et/ou un médiateur incitent les offreurs comme les demandeurs à faire une fiche d’évaluation à la suite de chaque échange, pour expliquer et critiquer l’échange et faire des suggestions. Les échecs existent, mais la citoyenneté, c’est aussi le droit au tâtonnement : ces échecs enrichissent l’expérience de chacun et permettent de rebondir.
« Nous voulons construire une société qui prenne en compte les ressources de chacun, tout en respectant l’identité de tous, explique Marie-Thérèse. Le décloisonnement social est une nécessité : on fait ensemble la société que l’on veut, en créant des ponts entre les quartiers, entre les personnes. Si on veut être logique, la société doit être construite par tous, sinon on s’appauvrit de ce que chacun peut apporter. Nos pratiques disent nos valeurs : notre rôle est de donner à chacun sa place et le pouvoir qui lui revient en tant que citoyen, c’est pourquoi nous servons aussi de relais, par exemple pour expliquer en termes simples certaines propositions de la municipalité, afin d’associer les habitants aux prises de décision. »
La fondatrice des Réseaux d’échanges de savoirs, Claire Héber-Suffrin (voir bibliographie en fin de fiche), se base sur deux valeurs fondamentales : la responsabilité et la solidarité. Pour elle (et pour Paul Ricoeur, philosophe, qu’elle cite)être responsable permet de construire une société juste car cela suppose d’avoir une estime de soi suffisante, ainsi qu’une certaine sollicitude pour autrui, un intérêt pour les autres. Ces deux préalables permettent d’aiguiser le désir de vivre dans des institutions justes. Quant à la solidarité, si l’on revient à la définition étymologique du mot, il vient du latin « solidus » qui signifie « entier » : c’est donc un système où chacun répond pour le tout. La solidarité contient dans son essence même l’idée de réciprocité et de citoyenneté. « Au réseau, conclut Marie-Thérèse, on construit une société qui s’appuie sur les richesses de chacun. Chaque personne a une voix, quand elle parle comme quand elle vote. C’est la principale réussite du Réseau : on veille à ce que chacun reprenne de la voix. »
intercâmbio do saber, valorização do conhecimento prático, cidadania, difusão da informação
, Franca, Loiret
Le savoir n’est pas une marchandise !
En refusant de placer les échanges de savoirs sous le signe de l’argent et en favorisant la découverte de la valeur humaine de chacun, les Réseaux d’Echanges Réciproques de Savoirs proposent un véritable projet de société.
Le mur de Berlin est tombé, le néolibéralisme est triomphant… qu’importe ! Les Réseaux d’Echanges de Savoirs vous proposent de (re)construire la société en partant de sa base : reconnaître les individus et tisser des liens.
Documento interno ; Entrevista ; Livro
Entretien avec Marie-Thérèse DUGUE. HEBER-SUFFRIN, Claire, « Echanger les savoirs », Desclée de Brouwer, 1992 (France)
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