L’inégale répartition des terres entre Blancs et Noirs au Zimbabwe, héritage de la colonisation, n’a jamais été résolue depuis l’indépendance de l’ancienne Rhodésie en 1980. Pourtant, en 1979, Robert Mugabe déclarait déjà que le pays n’aurait pas la paix tant que les paysans n’obtiendraient pas satisfaction sur la question de la terre. Vingt ans après, ce constat est toujours valable car la plus grande partie des terres arables étaient toujours entre les mains de 4800 fermiers blancs pratiquant des cultures commerciales et de sociétés multinationales tandis que six millions de petits exploitants noirs se partageaient le reste, dans des zones "communales" peu fertiles.
La question de la répartition des terres était pourtant au coeur des revendications des mouvements de lutte qui ont mené à l’indépendance du Zimbabwe. Car des dizaines de milliers de Noirs avaient été chassés de leurs terres et relégués dans des zones dites "tribales" par une succession de lois culminant avec les "Land Apportionment Acts" en 1930, en 1941 et en 1969 avec le "Land Tenure Act" établissant au profit des Blancs un régime foncier d’apartheid comparable à celui qui avait été institué en Afrique du Sud. Lorsque les accords de paix de Lancaster House furent signés, d’importantes concessions au pouvoir blanc furent faites sur cette question, allant jusqu’à inclure dans la nouvelle constitution une clause interdisant toute expropriation de terres pendant 10 ans. La raison se voulait pragmatique : il ne fallait pas suivre l’exemple mozambicain de nationalisations et de conversion au socialisme économique, au risque de déstabiliser l’économie. Les terres que les Blancs voudraient bien vendre seraient donc achetées par l’Etat au prix du marché.
On mit tout de même en place un premier programme de redistribution foncière, financièrement soutenu par la Grande Bretagne et censé concerner 162 000 familles (sur environ un million). Mais dix ans plus tard, non seulement il n’avait bénéficié qu’à un tiers d’entre elles, mais pire, selon un rapport du contrôleur des comptes du Zimbabwe, publié en 1993, la moitié des terres redistribuées l’ont été dans les zones les moins favorables aux cultures et, faute de paysans formés et d’infrastructures suffisantes, elles n’ont pu être valablement exploitées. Sur les 2 milliards de dollars promis à l’indépendance, 70 millions seulement ont été décaissés, la Grande Bretagne accusant plus ou moins le gouvernement de manquer de transparence dans l’utilisation des fonds.
En 1997, face à une forte contestation sociale, le président a annoncé une nouvelle phase de la réforme, avec un programme de réinstallation de 150 000 familles sur 5 millions d’hectares en 5 ans. Une mesure forcément mal accueillie par les fermiers blancs, mais aussi par des pays donateurs effrayés à l’idée d’un effondrement de la production agricole d’exportation, essentiellement assurée par le secteur commercial. Ceux-ci ont finalement réussi à convaincre le gouvernement de participer avec des représentants du Syndicat des fermiers commerciaux (CFU)à une conférence internationale sur la réforme foncière et la redistribution, en 1998. Avec pour résultat une promesse de soutien financier des bailleurs de fonds à condition que les choses se déroulent dans la concertation et la transparence.
La plupart des donateurs ont refusé d’annoncer des contributions importantes en faveur du programme, dont le coût estimatif est de 40 milliards de dollars zimbabwéens (1,9 milliard de dollars US). Leur tiédeur était la conséquence d’une inquiétude sur le fait que le gouvernement n’indemnisera pas complètement les grands exploitants qu’il oblige à vendre leurs terres; qu’il est d’après eux peu vraisemblable que le programme soulage la pauvreté dans les zones "communales" pauvres, où vivent la majorité des 12 millions de Zimbabwéens; et enfin qu’aucune mesure de lutte contre la corruption n’est prévue.
Le Royaume-Uni, qui a facilité l’exécution du premier plan agraire parce qu’il était fondé sur le principe d’un consentement mutuel entre vendeurs et acheteurs, affirme qu’il lui est impossible de faire de même pour le programme actuel parce qu’il méconnaît les droits de propriété fondamentaux, manque de transparence et n’aborde pas les problèmes liés à la pauvreté.
Pour M.Mugabe, le gouvernement n’a pas à payer pour des terres volées aux paysans par les colonialistes britanniques ; il peut seulement indemniser les propriétaires pour les améliorations apportées aux exploitations.
La majorité des Zimbabwéens et des spécialistes d’analyse économique se sont inquiétés surtout des effets de la redistribution de la terre sur la production agricole, principale ressource économique d’un pays qui exporte normalement des vivres vers les pays voisins plus pauvres.
Le gouvernement a soutenu que si l’on donne aux petits exploitants assez de terres et l’outillage nécessaire pour les cultiver, ils peuvent produire autant que les grandes exploitations. De fait, les agriculteurs noirs produisent maintenant 70 % environ de la culture de base du Zimbabwe, le maïs. Avant l’indépendance, les grandes exploitations produisaient la plus grande partie du maïs, tandis que les paysans indépendants en produisaient juste assez pour leurs propres besoins. Certains économistes ont néanmoins averti que le secteur clef du tabac, dont les recettes d’exportation sont les plus élevées, risquait d’être durement touché.
Ces prévisions pessimistes sont, selon certains, exagérées par les Blancs qui craignent de perdre leurs terres et leur statut économique privilégié dans un pays où 70 % des Noirs vivent au-dessous du seuil de pauvreté. Certaines des 1 500 exploitations qui doivent faire l’objet d’une vente forcée ne se trouvent pas dans les régions fertiles bénéficiant de fortes précipitations, où sont produites la plupart des cultures, mais dans des régions relativement pauvres et sèches, bien qu’elles soient encore préférables aux terres communales où vivent actuellement les paysans.
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